On n'imaginait pas cela possible. Eh bien, oui, ça l'est! Un dirigeant arabe vient, avec fracas, démentir le combat séculaire des peuples arabes en général, libyen en particulier, pour la liberté et l'indépendance. Les méfaits du colonialisme sont irréfragables, inexcusables. Mais, voilà qu'un dirigeant arabe trouve à se «féliciter» de ce forfait contre son peuple, mettant en porte-à-faux le combat des Libyens et tout ce qu'ils ont enduré durant un siècle pour se libérer de l'oppression coloniale. Nous faisions donc tout faux. Il ne fallait pas combattre le colonialisme qui apporta «une ère de développement». Oui, vous avez bien lu: le colonialisme «apporta une ère de développement». Dixit, Mustapha Abdeljalil, l'inénarrable président du Conseil national transitoire libyen. En fait, quand nous avons lu le texte de la déclaration d'Abdeljalil - prononcée à l'occasion de la célébration du centenaire de l'invasion et de l'occupation de la Libye par l'Italie (8 octobre 1911 - 8 octobre 2011) - nous n'y croyions pas vraiment. Il fallait nous rendre à l'évidence! C'est bien le «président» du CNT libyen qui a sorti ces énormités, que même les Italiens présents à Tripoli, ont dû trouver par trop grosses. C'est un ami qui nous envoya aimablement l'article du journaliste italien, Manlio Dinucci, relatant les inconcevables déclarations du nouvel homme fort de Libye. Si l'Italie ne chercha jamais à justifier son occupation de la Libye - le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, s'en excusa même, en 2008, auprès du dirigeant libyen Mouamar El Gueddafi et fit acte de repentance, au nom de son pays, auprès du peuple libyen - voilà que Abdeljalil se proclame avocat de la colonisation et justifie, a posteriori, l'occupation de son pays. Ainsi, si un corps expéditionnaire de 100.000 hommes occupa la Libye, ce n'était pas avec «des objectifs expansionnistes» estime le «président» du CNT, mais parce que «en tant que nation civilisée, l'Italie voulait ouvrir au pays africain une ère de développement». Les déportations de la population de la Cyrénaïque, l'étouffement dans le sang de toute résistance, cela ne se «faisait» qu'en «application de lois justes». Le comble! Ainsi, le jugement du héros de la résistance libyenne, Omar El Mokhtar, arrêté en 1931 par le pouvoir fasciste italien, a été un «procès juste». De ce fait, le «président» du CNT - qui avait à ses côtés le ministre italien de la Défense, Ignazio La Russa (ex-dirigeant néofasciste, actuellement ministre du gouvernement de Berlusconi) - estime donc «légitime» la pendaison du martyr Omar El Mokhtar. Le bouquet! Le «président» du CNT de Libye projeté subitement au-devant de la scène mondiale, lui qui a vécu durant des décennies dans l'ombre du guide libyen déchu, semble avoir perdu sa lucidité et ne semble pas vraiment être conscient de ce qu'il dit pour un dirigeant qui veut «libérer» les Libyens des jougs d'où qu'ils viennent. Non content de donner de la vertu à la colonisation (il ne fait pas de doute que les auteurs français de la loi scélérate du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme, vont jubiler à la lecture des propos de Abdeljalil); le dirigeant du CNT ne manqua pas de dénigrer le gouvernement libyen déchu qui, selon lui, «n'a apporté aucun développement, (...) n'a pas utilisé les richesses de la Libye pour son peuple», oublieux qu'il a fait partie de ce gouvernement dès ses débuts, et ce jusqu'à la révolte, il y a juste sept mois, en Libye. C'est encore Abdeljalil qui réclame le maintien des frappes de l'Otan, contre les Libyens qui n'entrent pas dans les rangs, et la présence étrangère en Libye. En Algérie on connaît ce genre de personnes, une calamité, qui aidèrent à la colonisation de leur pays. Aussi, qu'un dirigeant arabe trouve à se féliciter du fait colonial est ahurissant, quand le colonialisme a été dans son essence une oeuvre décivilisatrice. Mais, Abdeljalil a des émules dans le Monde arabe. Comment dès lors s'étonner que notre région soit demeurée si longtemps en marge du développement mondial?
N. KRIM
http://www.lexpressiondz.com/edito/141282-quand-abdeljalil-encense-le-colonialisme.html
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