Gaia Health Blog, 17 octobre 2011
Le prestigieux Journal of American Medical Association et Cochrane Collaboration ont conclu conjointement et officiellement, bien que de façon tacite, qu'en général, la médecine basée sur les faits n'a pas cours. Pour contrer cette lacune, ils suggèrent des changements volontaires dans la façon dont les études médicales sont rapportées.
L'article de JAMA sur ce sujet, « A Model for Dissemination and Independent Analysis of Industry Data » [Modèle de diffusion et d'analyse indépendante des données de l'industrie], commence par l'énoncé suivant :
Chaque jour, des patients et leurs médecins prennent des décisions de traitement grâce à l'accès à une fraction seulement des données pertinentes de la recherche clinique.
La déclaration de Cochrane, « The Cochrane Collaboration Supports Free Access to all Data from all Clinical Trials » [Cochrane Collaboration se prononce pour l'accès gratuit à toutes les données de tous les essais cliniques], indique :
La production fréquente de rapports sélectifs de résultats de tests entraîne des conclusions exagérant les effets bénéfiques des interventions de santé et sous-estimant leurs méfaits. En conséquence, beaucoup de patients font l'objet sans le savoir d'interventions ayant peu ou aucun effet, et peuvent subir des préjudices inutilement. C'est contraire à l'éthique et a été dit violer le contrat implicite entre chercheurs en soins de santé et patients, par lequel l'objectif des recherches est d'améliorer le traitement des patients futurs.
Gaia Health se réjouit de cet aveu de JAMA et Cochrane. Toutefois, les deux revues suggèrent des approches radicalement différentes pour résoudre le problème. JAMA suggère uniquement l'engagement volontaire de l'industrie, tandis que Cochrane conseille des lois renforcées. Aucun, de l'avis de Gaia Health, ne va assez loin.
Le problème reconnu
Comme continue à le constater Gaia Health, la soi-disant médecine factuelle ne représente rien de ce genre. Les études sur lesquelles le concept se tient ne sont trop souvent guère plus que des systèmes improvisés, conçus pour produire les résultats souhaités par les compagnies mercantiles. Les conclusions ne sont souvent pas étayées par les preuves fournies. Pourtant, ce n'est que le sommet visible de l'iceberg. Comme l'admettent à la fois JAMA et Cochrane, la plupart des données ne sont même pas fournies !
Malgré tout, nous sommes tenus d'accepter et de croire Big Pharma [gros business pharmaceutique] et les affirmations des médecins sur l'efficacité et l'innocuité des traitements administrés. Encore et encore - généralement après un nombre incalculable de gens endommagés ou tués -, nous constatons que leurs affirmations étaient archifausses. Le cas cité le plus fréquemment est celui du Vioxx, qui a tué des dizaines de milliers de gens.
Toutefois, l'affaire du traitement hormonal substitutif est bien plus flagrante, et nous n'avons pas entamé le décompte des femmes invalidées et décédées de son fait, bien que l'incidence invasive du cancer du sein, en général mortel, se soit multipliée. Le traitement hormonal substitutif a été fourgué grâce à l'étude frauduleuse affirmant qu'il réduisait les risques de nombreuses maladies, dont les crises cardiaques et le cancer. L'expérience réelle, l'application du traitement hormonal substitutif à des millions de femmes, la prescription systématique d'œstrogènes et de progestérone, a démontré qu'il augmentait l'incidence de ces maladies, entre autres.
Juteuse en gros bénéfices est la science de pacotille frauduleuse [charlatanerie].
Solutions proposées
La solution de JAMA
La solution de JAMA suggère une coopération volontaire de l'industrie médicale. À première vue, elle semble être un peu plus que du spectacle. Encore plus significatif, elle garde toujours les données proprement dites hors du grand public, ne permettant seulement leur accès qu'à ceux qui répondent à des normes internes instaurées par un « organisme de coordination indépendant. » Comment sera établi ce genre d'« organisme de coordination indépendant » et qui le composera n'est pas dit - et c'est un défaut fatal.
La FDA [Autorité sur les remèdes et aliments] est censée être indépendante. De même les NIH [Instituts nationaux de santé] et les CDC [Centres de contrôle des maladies]. Aucun d'eux ne l'est. Tous sont jusqu'au cou dans le fric de Big Pharma. Gaia Health ne croit pas qu'un organisme de ce genre puisse rester indépendant de Big Pharma. Ajoutez à cela le fait que seuls les gens nommés par cet organisme auraient accès aux données, et nous serons face à un peu plus qu'un organisme finissant en façade de Big Pharma, tout en donnant le lustre de la légitimité à ses produits.
La solution de Cochrane
Cochrane Collaboration propose une solution plus acceptable. Ils disent que le libre accès à la totalité des données de chaque étude doit être possible à tous, gratuitement, notamment au format électronique. Ils suggèrent aussi que les gouvernements pondent des lois exigeant la publication des données dans l'année suivant la fin de la phase d'essais randomisés. Bien que ça paraisse convenable, ça ne va pas assez loin :
- D'abord, cela ne couvre que les essais randomisés, qui ne sont pas la totalité des tests médicaux, de sorte que ça permettrait à un nombre significatif d'entre eux de passer à travers les mailles du filet. Pour contrer cette approche, Gaia Health peut facilement imaginer l'émergence d'un nouveau système, qui proposerait autre chose que les essais randomisés comme meilleure source de caution.
- Ensuite, ce serait différé jusqu'à la fin de la phase randomisée d'un essai. Or, cette phase dure souvent des années, bien que les premiers rapports soient souvent publiés à partir de données moins complètes. Une méthode simple de contournement de la loi consisterait donc à ne jamais terminer officiellement un essai.
- Enfin, retarder d'un an la sortie des données réelles autorise la commercialisation de mauvais produits, avant qu'ils n'aient été correctement évalués. Bien que ce soit certainement mieux que la situation actuelle, avec des données jamais publiées, ce n'est pas suffisant.
Cochrane fait une suggestion à laquelle Gaia Health adhère totalement. Ils suggèrent des dommages-intêrets exemplaires pour quiconque ne fournissant pas les données exigées.
La partie la plus importante et avantageuse des suggestions de Cochrane est la liberté d'accès ouvert à tous. Ils sous-entendent aussi, sans le dire spécifiquement, que les études donnant des résultats contraires à ceux souhaités devront également délivrer toutes les informations pertinentes, y compris les données.
Vainqueur plausible : JAMA ou Cochrane ?
Dans l'ensemble, hormis les exceptions notées ci-dessus, Gaia Health se réjouit des suggestions de Cochrane Collaboration. Ce genre d'ouverture ne pourrait que bénéficier au public, et mettrait possiblement fin au fléau de la science de pacotille. Malheureusement, elles ne vont pas assez loin et ne mettraient pas fin à tout ça - et la probabilité que Big Pharma les contourne est élevée. Le simple moyen de redéfinir ou même de juste renommer les études en autre chose qu'aléatoire, déjouerait l'approche de Cochrane.
Est-ce que l'approche de Cochrane serait acceptée ? Vraisemblablement pas - pas tant que règne le fric de Big Pharma. Car la corruption au sein du monde de la science médicale est de plus en plus évidente à de plus en plus de gens, l'industrie a besoin de faire quelque chose pour donner l'impression qu'elle fait quelque chose.
Si elle peut se tirer du problème avec une approche marketing, elle le fera. Selon toute vraisemblance, nous verrons un système spontané permettant toujours que des données soient cachées et que seules des études choisies soient soumises à une analyse pseudo-indépendante. Ce système sera probablement accueilli en fanfare et un grand spectacle donnera l'impression qu'il fonctionne. En peu de temps, pourtant, ça deviendra, au mieux, une arme de Big Pharma.
Original : gaia-health.com/gaia-blog/2011-10-17/jama-cochrane-tacitly-admit-evidence-based-medicine-nonexistent/
Traduction copyleft de Pétrus Lombard