Les bienfaits du haut-débit autorisent la remise en cause de l’affectation exclusive des églises au service du culte… C’est un jugement hérétique du tribunal administratif de Montpellier de ce 21 octobre qui le dit.
L’abbé Didier Gounelle est le curé de la paroisse Pic Saint Loup-Hautes Garrigues dans le diocèse de Montpellier, qui comprend la commune de Causse-de-la-Selle. Un beau matin, le curé a eu la surprise de voir sur le clocher de cette église trois petites antennes relais et un boitier, installés par la mairie dans le plan départemental d’accès au haut-débit de l’Hérault. Le clocher avait été choisi car c’était le bâtiment le plus haut de la commune.
L’abbé a interrogé le maire, qui n’a pas répondu, et il a collé le maire au tribunal administratif, pour défendre la « dignité de l’édifice religieux ». Certes, l’église est un bien qui relève du domaine public de la commune, mais pour autant la commune ne peut faire comme si elle était chez elle. L’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 a été interprété comme accordant la jouissance de ce bien public comme « gratuite, exclusive et perpétuelle ».
On peut citer l’arrêt Commune de Massat, rendu par le Conseil d'Etat, 25 aout 2005, n° 284307.
« Considérant que la liberté du culte a le caractère d'une liberté fondamentale ;
« que, telle qu'elle est régie par la loi, cette liberté ne se limite pas au droit de tout individu d'exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l'ordre public ;
« qu'elle a également pour composante la libre disposition des biens nécessaires à l'exercice d'un culte ;
« qu'à cet effet, en vertu des dispositions combinées de la loi du 9 décembre 1905 et de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, en l'absence d'associations cultuelles et d'actes administratifs attribuant la jouissance des églises et des meubles les garnissant, ces biens sont laissés à la disposition des fidèles et des desservants ;
« que leur occupation doit avoir lieu conformément aux règles générales d'organisation du culte ;
« que les ministres du culte sont chargés d'en régler l'usage. »
Lors de l’audience, le rapporteur public avait pris position pour le curé, relevant qu’effectivement, un « régime particulièrement protecteur a été offert aux édifices cultuels ». Selon le magistrat, l’édifice religieux se rapproche d’un « sanctuaire », et ce même si le bien est une propriété communale : « Le desservant dispose d’un pouvoir de co-décision pour l’édifice dont il a la charge », avait-il soutenu, proposant que le maire procéde au démontage des relais dans un délai d’un mois.
Pas d’accord a répondu le tribunal. Le début est bon pour le Curé : « Il résulte des seules dispositions de l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 que le maire de la commune ne pouvait décider de travaux à des fins civiles et nullement destinées à la conservation et à l’entretien de l’édifice, affectant le clocher de l’église, sans avoir au préalable recueilli l’accord préalable du ministre du culte ». Mais après, ça se gâte : « Toutefois les équipements installés dans le cadre de ce projet ne présentent pas d’incompatibilité avec l’affectation cultuelle de l’édifice et participent au développement numérique de la commune ».
Le tribunal refuse l’absolu de la règle : la destination du bâtiment n’est plus « exclusive », et l’intérêt public conduit à remettre en cause le principe. Cette jurisprudence est donc hérétique, mais elle est susceptible d’être reprise, car il est bien certain que dans plus d’une commune, le clocher est le bâtiment le plus haut. La loi de 1905 se brise sur le haut-débit !