Le dernier cri en matière de gouvernements en Europe, une tendance que certains tentent de mettre à la mode, est la technocratie, la gouvernance des experts. Des experts en économie, bien sûr, et d’une orthodoxie garantie. Face à l'incertitude des politiciens à la merci de l'opinion publique, rien ne vaut la sécurité donnée par un expert, formé dans les meilleures écoles de commerce.
Jusqu'ici on a essayé de lancer cette mode en Grèce et en Italie. Dans le premier pays, ils ont fait pression jusqu'à la dernière minute pour placer l’homologue grec de notre Miguel Ángel Fernández Ordóñez*, Lucas Papademos, économiste, ancien gouverneur de la Banque centrale grecque et ancien conseiller de la BCE. A la fin ça n'a pas marché, c’était trop gros de mettre un banquier dans le fauteuil, avec la fièvre qui monte dans la rue. Mais ils l’ont essayé et son nom est resté en réserve pour le prochain coup [article écrit quelques heures avant l'annonce de la nomination de Papademos au poste de Premier ministre, NdT].
En Italie, tandis que Berlusconi agonise, plusieurs options sont envisagées, dont l’option technocratique, représentée par Mario Monti, ancien commissaire européen formé comme Papademos aux USA et directeur européen de la Commission Trilatérale, dont est aussi membre le Grec. Monti aurait en fait été recommandé par Mario Draghi, président de la BCE, ancien gouverneur de la Banque d'Italie et ancien vice-président de Goldman Sachs (le groupe d'investissement influent, dont Monti lui-même est un conseiller).
Logo de la Commission Trilatérale
Du côté de chez nous, où les modes arrivent généralement en retard, on n’a pour le moment pas besoin d'un exécutif technocratique car Rajoy** obéira aux ordres. Mais au cas où, je propose notre Fernández Ordóñez.
Peu à peu le cercle se referme, et avec les banquiers et économistes technocrates élaborant des décrets nous arriverions à une situation où ceux-là mêmes qui nous ont fourrés dans la crise seraient chargés de nous gouverner. Oui, je sais que dans la pratique ce sont eux qui tirent les ficelles, mais jusqu'ici on faisait la différence : gouverner est une chose, et avoir le pouvoir une autre. Et nous avons accepté que les politiciens gouvernent, tandis que les banquiers avaient le pouvoir. Que ces derniers finissent par tenir tout, le pouvoir et le gouvernement, ça la foutrait mal, bien sûr. Mais je m’attends à tout, dorénavant.
Notes du traducteur
* Gouverneur de la Banque d'Espagne. «Socialiste», bien sûr.
** Président du Parti populaire (droite « démocrate-chrétienne », battue par les « socialistes » aux élections de 2004 et 2008. Il est donné gagnant aux élections anticipées du 20 novembre, date symbolique en Espagne (mort en 1936 de Primo de Rivera, fondateur de la Phalange, et, en 1975, de Franco).
Merci à Tlaxcala
Source: http://blogs.publico.es/trabajarcansa/2011/11/10/que-gobiernen-los-banqueros/
Date de parution de l'article original: 10/11/2011
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=6205