Indécent. Le cirque gouvernemental qui fait suite au crime de Chambon-sur-Lignon est tout simplement indécent. Ce n’est pas la première fois, et c’est devenu quasiment rituel. Mais quand même…
Le plus simple d’abord. C’est une affaire judiciaire, mais c’est le ministre de l’Intérieur qui mène le bal médiatique. Le brave ministre de la Justice est prié de rester dans son bureau, et il devra se contenter d’un communiqué de presse. Il est vrai que seul compte l’impact électoral, et c’est Guéant qui est à la manœuvre. De ce point de vue, c’est logique.
Le but est de faire peur. Le principe directeur, c’est la mise en scène de nos peurs. Le crime effraye : on pleure pour la victime, et on redoute pour soi même, car ça peut arriver à tous. Il faut donc regrouper les braves gens, et stigmatiser l’autre. C’est le mythe de la société pure et gentille, qu’il faut protéger des monstres. Guéant a besoin de faire du consensus autour du gouvernement, et l’occasion est unique. Il y a « nous » et « les autres », et moi je vais vous protéger. Le raisonnement d’un mastard de cour d’école...
Tout de suite, il faut changer la loi.
Guéant sait très bien qu’il n’y a rien à changer dans la loi, parce que la loi permet tout. Aux termes de la loi, le mineur en cause peut rester en prison jusqu’à son procès, et il risque la perpétuité. Que prévoir de plus ? C’est là encore la volonté de faire peur : notre société est si fragile que le crime d’un enfant la met en péril. La patrie est en danger, et il faut que les moutons se regroupent autour du chef Guéant. La réalité est pile l’inverse : la loi a anticipé, et depuis longtemps. Le crime fait une victime, une jeune fille, et sa famille. Elle atteint l’ordre public, et bouleverse la société. Mais la société est assez forte, et n’est pas mise en péril par ce crime au niveau qu’il faille aussitôt changer la loi. Quelle puissance donnée au crime d’un enfant !
Alors changer quoi dans la loi ?
Il faut « évaluer la dangerosité ». Mais ce qui se fait depuis que le droit pénal existe ! Quelle inconséquence d’accréditer l’idée que l’appareil judiciaire découvre en novembre 2011 qu’il faut analyser la personnalité d’une personne avant de la remettre en liberté… Sur une affaire criminelle, ça ne se joue jamais sur l’avis d’un seul psychiatre, et toutes les parties peuvent demander une contre-expertise.
Il faut que le Parquet requière systématiquement le placement en milieu fermé. Comme la loi ne peut prévoir un enfermement systématique au seul vu de la mise en examen, alors on invente les réquisitions légales et obligatoires ! Or, le premier parquetier vous expliquera qu’il reste, parce qu’il est magistrat, libre de sa parole à l’audience, pour adapter la mesure à chaque situation. Faut-il alors prévoir un appel légal et obligatoire du Parquet pour tout refus d’enferment ? Ce n’est pas sérieux.
Il faut imposer le secret partagé. Oh la belle illusion ! Réfléchir un peu, c’est trop demander, alors on préfère la loi passoire. Il faut savoir douter avant de décider, et c’est la qualité de ce doute qui fait la qualité de la décision. Et vous allez voir que ce n’est pas trop compliqué. Le premier cas est celui de l’admission imposée dans l’établissement, par une décision de justice. Cette décision est motivée et donc, expliquée. Le deuxième cas est celui où l’admission est libre, et c’est l’affaire du Lycée de Chambon-sur-Lignon. Le juge n’impose rien. C’est une décision libre de l’établissement. La direction de cet établissement est entièrement libre de demander à la famille ce qu’il en est ce ses autre mois de prison. C’est même son devoir.
Une loi nouvelle est parfaitement inutile, et illusoire. En réalité, la question est la confrontation au crime. De tout temps, toutes les sociétés connaissent, et trop souvent hélas, le crime dans son abomination, sa perte du sens humain. Au regard de ce qu’est la violence sociale et la perversion des esprits, la société prouve chaque jour que les lois dont elle s’est dotée n’œuvrent pas si mal. Alors, pourquoi faire semblant chaque fois découvrir le crime ? Pourquoi entretenir le mythe de la société sans crime ? Et puis est-ce insupportable de dire que l’être humain est amendable ? On préfère arrêter de penser ?
Maât, la Déesse de la Vérité et de la Justice
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