«Certains déchets nucléaires produits dans les années 60 resteront dangereux pendant un demi-million d'années. Pour ceux qui sont produits maintenant, il faudra compter 30 ans de plus.»
Philippe Geluck
Si l'on suit la doxa occidentale, il ne peut y avoir croissance sans développement industriel, autrement dit sans émission de CO2. J'ai eu l'opportunité de participer à une émission de Canal Algérie «Question d'Actu» d'Ahmed Lahri. A partir d'Oran où s'est ouvert une session du Conseil mondial de l'énergie, le président du Conseil mondial de l'énergie, Pierre Gadonneix, le secrétaire général Christopher Frei et le président-directeur général de Sonelgaz intervenaient à partir d'Oran. Je veux dans cette contribution «continuer le débat», préciser, voire développer certaines idées complémentaires de l'émission. Il mise beaucoup sur les gaz de schiste sans nous expliquer pourquoi certains pays se désengagent, notamment la France et même le Canada qui s'oriente vers un moratoire.
Les pays du Sud, qui croient à l'empathie des pays industrialisés, sont pris pour de doux rêveurs dans la même charrette que ceux qui rêvent de respecter la Terre, de répartir la richesse et donner un Smic de dignité aux damnés de la Terre. Le président du Conseil mondial de l'énergie semble tout miser sur la croissance qui ne doit pas être remise en cause et que de ce fait, il faut rendre disponible l'énergie pour qu'elle puisse maintenir la croissance.
Pourtant, en 2010, la croissance du PIB mondial a été moins élevée que la croissance des émissions de CO2. La première a augmenté de 5,1%, et la seconde de 5,8%. L'intensité carbone, qui mesure la différence entre ces deux taux de croissance, est donc positive de 0,6%. Cela veut dire qu'il n'y a pas eu globalement d'efficience énergétique. Le constat du cabinet Pwc est sans appel: «Ces résultats remettent en cause la vraisemblance d'une décarbonisation mondiale assez rapide qui permettrait de limiter le réchauffement planétaire à 2°C.» A cause du retard accumulé, l'intensité carbone doit être à présent réduite de 4,8% par an, soit deux fois plus qu'en 2000, pour atteindre les objectifs. Or, un taux de 4,8% semble extrêmement difficile à atteindre.».(1)
Les différents sommets sur les changements climatiques ont été des échecs et le minimum de discipline qui aurait permis de stabiliser la température autour de 2 °C n'a pas été respecté. En 2006, l'économiste Nick Stern a popularisé un raisonnement auparavant confiné aux cercles relativement étroits des économistes du climat: sitôt qu'on allonge l'horizon temporel du décideur, les coûts de l'inaction face au réchauffement du climat sont bien plus élevés que ceux de l'action immédiate. Jusqu'à 20% du PIB à un horizon de 50 ans pour les premiers, contre 1 à 2% du PIB pour les seconds. Quel décideur responsable pourrait dès lors choisir l'option de l'inaction?
Sur la base justement, des travaux du Giec, l'objectif de limiter le réchauffement moyen à 2°C a été retenu par la communauté internationale. Un consensus assez large prévaut sur le fait qu'une division par deux des émissions de gaz à effet de serre, dans le monde d'ici 2050, mettrait toutes les chances de notre côté pour y parvenir, ce qui implique d'aller bien plus loin dans les pays développés.
La théorie du complot
Pourtant, malgré tous ces signaux d'alarme, sur la pénurie prochaine, sur l'imminence des changements climatiques, on parle de «manipulation». Il existe, en effet, une autre théorie qui rejoint les partisans des réserves illimitées de pétrole, et faisant croire que le peak oil est une invention pour créer la panique et manipuler les prix. Pour eux,c'est la théorie abiotique contre la théorie de l'origine sédimentaire du pétrole. Si les dirigeants et les scientifiques occidentaux ont bâti un consensus autour de la théorie fossile, cela sous-entend qu'ils sont tous d'accord sur le caractère fini du pétrole. Le pouvoir en place a donc toujours eu toutes les cartes en main pour raisonner de façon préventive. Pourtant, depuis le début, les dirigeants et les compagnies pétrolières agissent comme s'ils savaient que le pétrole existait en abondance. Mais si les compagnies pétrolières et les dirigeants politiques sont au courant, pourquoi continuer à garder le silence sur le pétrole abiotique? La situation mondiale est explosive et nous vivons déjà les prémices d'une crise économique planétaire. Dans ces conditions, pourquoi ne pas profiter de ces ressources, certes polluantes, mais actuellement irremplaçables? Pourquoi sommes-nous manipulés et à qui profite le mensonge? En faisant du pétrole un bien précieux, les riches familles du secteur, les compagnies pétrolières et les gouvernements des pays exportateurs de
pétrole, se sont assuré l'argent et donc le pouvoir durant près de deux siècles. Rien ne leur pourrait être plus défavorable que d'admettre l'abondance du pétrole.(2)
La fin du pétrole est associée, comme l'est aussi le changement climatique d'ailleurs, à la fin de notre monde. Ce message permet de véhiculer une paranoïa aussi forte que celle qu'a suscitée la menace nucléaire en son temps. Au-delà du pic, il s'agit donc d'analyser ce à quoi l'idée de fin du monde contribue. La société de consommation est construite sur le désir de ses membres d'atteindre un standard de vie toujours plus élevé, permettant de consommer toujours plus de produits et de loisirs. Qui dit: «Fin du pétrole», dit: «Fin du confort». Mus par leurs intérêts et la préservation de leurs acquis, les individus consommateurs seront amenés par la propagande à tolérer de grands bouleversements tels que l'agriculture massive visant la production de biocarburants; la prolifération de l'énergie nucléaire à des fins civiles (il a d'ailleurs été récemment constaté que le nucléaire était aujourd'hui plébiscité alors qu'il y a à peine une décennie, on ne voulait pas en entendre parler) et la multiplication des manipulations génétiques. En effet, en alimentant la psychose, les élites façonnent les mentalités afin de les préparer à accueillir tous leurs programmes de domination du monde.
La réalité des changements climatiques et le nucléaire
On se souvient que dans un premier temps, les biocarburants sont présentés comme l'issue aux problèmes du pétrole et du changement climatique. Lorsqu'une grande partie de notre nourriture sera ensuite convertie en piles, une famine généralisée s'ensuivra. Pour survivre, les populations seront amenées à accepter les cultures OGM en tant que solution palliant le manque. Bientôt, l'agriculture sera entièrement biotechnologique. L'alimentation sera alors contrôlée au même titre que l'énergie par de grosses sociétés spécialisées dans la biotechnologie. Ceux qui détiendront le pouvoir sur les récoltes seront les maîtres de la société de demain. Le plan est en marche. Déjà Monsanto, leader sur le marché OGM, a développé un programme de brevetage des graines qu'elle commercialise. (2)
Cela fait droit dans le dos! Nous sommes avertis. Pourtant, les émissions de CO2 ont atteint leur plus haut niveau en 2010. Selon le chef économiste de l'Agence Fatih Birol, ces données constituent un «sérieux revers», dans l'espoir de limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle. L'agence estime à 44% les émissions provenant du charbon, 36% pour le pétrole et 20% pour le gaz naturel. (3)
Pour Nicholas Stern, de la London School of Economics, auteur d'un rapport sur le réchauffement climatique, interrogé également par The Guardian, «les projections supposent qu'il y a 50% de possibilité que l'augmentation de la température dépasse 4°C vers 2100. Une telle chaleur perturberait les vies et les moyens d'existence de centaines de millions de personnes à travers la planète, menant à un large mouvement de migration et au conflit».
Comment mesurer les dégâts de l'homme? On sait que l'empreinte écologique de l'homme a dépassé les limites permises par la Terre. Nous avons consommé en 2010, en moins de 8 mois ce que la Nature nous a prodigué pour l'année. Les Américains font comme s'ils avaient 4 planètes à leur disposition. L'Homme est un prédateur qui ne connaît pas les limites. Le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, en 2000 avait forgé un terme: Anthropocène. L'homme - anthropos - est devenu une force géologique. Une étude du cabinet Pwc est sans appel: «Ces résultats remettent en cause la vraisemblance d'une décarbonisation mondiale assez rapide qui permettrait de limiter le réchauffement planétaire à 2°C.»
La croissance économique serait, dans l'état actuel des choses, incompatible avec le respect des engagements pris en matière de limitation du réchauffement climatique tant les efforts à faire sont énormes. A cause du retard accumulé, l'intensité carbone doit être à présent réduite de 4,8% par an, soit deux fois plus qu'en 2000, pour atteindre les objectifs. Or, un taux de 4,8% semble extrêmement difficile à atteindre. Seuls six pays ont réduit leur intensité de carbone de plus de 3% au cours des dernières décennies (Chine, Allemagne, Royaume-Uni, France, Russie, Japon), et «ils y sont parvenus seulement dans des circonstances exceptionnelles», note l'étude. Par exemple, si la France a atteint un taux de décarbonisation de 4,2% dans les années 1980, c'est parce qu'elle augmentait dans le même temps la part du nucléaire dans son mix énergétique (de 7% à 33%).
Même les biocarburants ne sont plus en odeur de sainteté! On se souvient que la Commission européenne a fait pression pour une augmentation importante de l'utilisation des biocarburants dans les transports. Selon un rapport: «Les résultats sont mitigés quant aux effets du biodiesel et du bioéthanol sur la qualité de l'air.»
On peut penser que la solution serait de réduire les énergies fossiles, en se reportant sur les énergies renouvelables et l'inévitable nucléaire. Les interrogations sur le nucléaire après la catastrophe de Fukushima obligent, ensuite, à repenser l'avenir énergétique. Le remplacement du nucléaire, faible émetteur de CO2, se fera-t-il par des énergies renouvelables ou bien du gaz et du charbon, au risque, dans cette dernière hypothèse, de troquer le risque nucléaire par le péril climatique? À eux seuls, les États-Unis, la France, le Japon et la Russie disposent de 248 réacteurs, soit 56% du total. 64 réacteurs sont actuellement en construction, dont 27 en Chine, 10 en Russie, 6 en Inde et 5 en Corée du Sud. La boulimie énergétique de la Chine est connue. 26 réacteurs en construction, une centrale à charbon tous les 15 jours, une éolienne toutes les deux heures.
Suite à la catastrophe de Fukushima, les acteurs du nucléaire ont testé la sûreté des centrales françaises, en procédant à des « stress tests » sur les installations nucléaires du territoire. Le président Gadonneix ajoute aussi que la sécurité des réacteurs ne dépend pas du nombre en fonction. Nous sommes d'accord surtout si on accepte l'idée qu'un seul réacteur suffit à semer la panique, confère Fukushima et son nuage qui traverse les frontières des pays sans visa, apportant, à Dieu ne plaise la mort et la désolation. L'AIE vient d'annoncer dans le World Energy Outlook que le nucléaire sera présent dans le portefeuille des énergies dans le futur.
Que doit faire l'Algérie ?
De notre point de vue, l'Algérie ne doit pas pratiquer la politique du zéro nucléaire. Cependant, je suis convaincu que le nucléaire ne pourra pas être la solution à nos problèmes énergétiques. La manne en énergie fossile n'appartient pas qu'à nous. Elle appartient en priorité aux jeunes générations qui seront là en 2030/2050, quand le pétrole et le gaz naturel ne seront plus là pour masquer nos errances et notre refus de mettre en place maintenant - demain il sera trop tard car nous avons une génération devant nous pour démarrer un plan Marshall qui tourne le dos au tout-fossile - une stratégie énergétique pérenne avec au préalable un état des lieux de ce que nous avons réellement comme ressources.
La stratégie énergétique est l'affaire de tous, elle n'est pas de la responsabilité d'un département ministériel (l'énergie et les mines). Il nous faut former à l'école le citoyen de demain qui aura à sa disposition un bouquet énergétique qui lui permettra de solliciter toutes les énergies et, de plus en plus, les énergies renouvelables et de moins en moins les énergies fossiles. Il faudra également remettre en oeuvre le Barrage vert qui est capable de nous aider à combattre les changements climatiques, de diminuer notre facture alimentaire. L'avenir de l'Algérie est dans l'intelligence. A ceux qui nous dirigent, de la solliciter et de la faire émerger, notamment en réhabilitant la formation d'ingénieurs et de techniciens qu'il faudra former en quantité et en qualité, car c'est la seule légitimité qui permettra à l'Algérie de tenir son rang dans un monde de plus en plus chaotique. Il ne tient qu'à nous de former l'éco-citoyen de demain, en lieu et place de l'égo-citoyen actuel.
Si l'humanité continue sur sa lancée, la terre ne ressemblera pas à grand-chose. Beaucoup d'espèces auront disparu, aussi bien dans le monde animal que végétal. Comment gagner sa vie... sans perdre son âme? Il s'agit de replacer l'économie là où les gens habitent. Protectrice de l'Homme et de la planète, elle entend donner la priorité à la connaissance. Construction saine et habitat moins énergivore, recyclage et réparation, apprentissage et travail manuel, production de proximité, économie locale et circuits courts, animation économique des quartiers et villages, paysans d'une agriculture bio, relais des réseaux sociaux, mécanismes démocratiques dans les entreprises, finance équitable, une autre économie, animée par les valeurs du partage, de la coopération et de l'échange, est possible.(4)
Autant de chantiers, le croyons-nous, que pourrait lancer le Conseil mondial de l'Energie dans une quête pour une moralisation de la vie en offrant un Smic de consommation à «ceux d'en bas». Son rôle, le pensons-nous, est diamétralement différent de celui de l'AIE qui défend les intérêts bien compris des pays industrialisés de l'Ocde. Le CME devrait aider ou accompagner les pays qui souhaitent se lancer dans les énergies renouvelables avec une rapide maîtrise des coûts et des technologies car quels que soient les pays, et malgré toutes les assurances, le désastre de Fukushima est un tournant, la sobriété énergétique et le recours massif aux énergies renouvelables devraient être véritablement mis en oeuvre sans tarder.
Une étude récente «Le Résumé pour décideurs du Giec» affirme qu'en 2050, il n'y a pas d'obstacle technique pour passer à 80% de renouvelables; dans le mix énergétique mondial cela coûtera moins de 1% du PIB mondial pour peu qu'il y ait une volonté politique. La Prophétie d'un Amérindien Cree «Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l'argent ne se mange pas» est d'une brulante actualité.
1. Une croissance toujours plus gourmande en CO2 Terra Eco 10-11-2011
2. http://www.karmapolis.be/pipeline/petrole.html
3. http://ecolonews.blog.fr/2011/07/31/climat-l-urgence-de-la-sobriete-energetique-11579409/
4. D.Naulin durable.info/Economie-Humaine-mode-emploi-idees-travail-solidaire-responsable
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Si l'on suit la doxa occidentale, il ne peut y avoir croissance sans développement industriel, autrement dit sans émission de CO2. J'ai eu l'opportunité de participer à une émission de Canal Algérie «Question d'Actu» d'Ahmed Lahri. A partir d'Oran où s'est ouvert une session du Conseil mondial de l'énergie, le président du Conseil mondial de l'énergie, Pierre Gadonneix, le secrétaire général Christopher Frei et le président-directeur général de Sonelgaz intervenaient à partir d'Oran. Je veux dans cette contribution «continuer le débat», préciser, voire développer certaines idées complémentaires de l'émission. Il mise beaucoup sur les gaz de schiste sans nous expliquer pourquoi certains pays se désengagent, notamment la France et même le Canada qui s'oriente vers un moratoire.
Les pays du Sud, qui croient à l'empathie des pays industrialisés, sont pris pour de doux rêveurs dans la même charrette que ceux qui rêvent de respecter la Terre, de répartir la richesse et donner un Smic de dignité aux damnés de la Terre. Le président du Conseil mondial de l'énergie semble tout miser sur la croissance qui ne doit pas être remise en cause et que de ce fait, il faut rendre disponible l'énergie pour qu'elle puisse maintenir la croissance.
Pourtant, en 2010, la croissance du PIB mondial a été moins élevée que la croissance des émissions de CO2. La première a augmenté de 5,1%, et la seconde de 5,8%. L'intensité carbone, qui mesure la différence entre ces deux taux de croissance, est donc positive de 0,6%. Cela veut dire qu'il n'y a pas eu globalement d'efficience énergétique. Le constat du cabinet Pwc est sans appel: «Ces résultats remettent en cause la vraisemblance d'une décarbonisation mondiale assez rapide qui permettrait de limiter le réchauffement planétaire à 2°C.» A cause du retard accumulé, l'intensité carbone doit être à présent réduite de 4,8% par an, soit deux fois plus qu'en 2000, pour atteindre les objectifs. Or, un taux de 4,8% semble extrêmement difficile à atteindre.».(1)
Les différents sommets sur les changements climatiques ont été des échecs et le minimum de discipline qui aurait permis de stabiliser la température autour de 2 °C n'a pas été respecté. En 2006, l'économiste Nick Stern a popularisé un raisonnement auparavant confiné aux cercles relativement étroits des économistes du climat: sitôt qu'on allonge l'horizon temporel du décideur, les coûts de l'inaction face au réchauffement du climat sont bien plus élevés que ceux de l'action immédiate. Jusqu'à 20% du PIB à un horizon de 50 ans pour les premiers, contre 1 à 2% du PIB pour les seconds. Quel décideur responsable pourrait dès lors choisir l'option de l'inaction?
Sur la base justement, des travaux du Giec, l'objectif de limiter le réchauffement moyen à 2°C a été retenu par la communauté internationale. Un consensus assez large prévaut sur le fait qu'une division par deux des émissions de gaz à effet de serre, dans le monde d'ici 2050, mettrait toutes les chances de notre côté pour y parvenir, ce qui implique d'aller bien plus loin dans les pays développés.
La théorie du complot
Pourtant, malgré tous ces signaux d'alarme, sur la pénurie prochaine, sur l'imminence des changements climatiques, on parle de «manipulation». Il existe, en effet, une autre théorie qui rejoint les partisans des réserves illimitées de pétrole, et faisant croire que le peak oil est une invention pour créer la panique et manipuler les prix. Pour eux,c'est la théorie abiotique contre la théorie de l'origine sédimentaire du pétrole. Si les dirigeants et les scientifiques occidentaux ont bâti un consensus autour de la théorie fossile, cela sous-entend qu'ils sont tous d'accord sur le caractère fini du pétrole. Le pouvoir en place a donc toujours eu toutes les cartes en main pour raisonner de façon préventive. Pourtant, depuis le début, les dirigeants et les compagnies pétrolières agissent comme s'ils savaient que le pétrole existait en abondance. Mais si les compagnies pétrolières et les dirigeants politiques sont au courant, pourquoi continuer à garder le silence sur le pétrole abiotique? La situation mondiale est explosive et nous vivons déjà les prémices d'une crise économique planétaire. Dans ces conditions, pourquoi ne pas profiter de ces ressources, certes polluantes, mais actuellement irremplaçables? Pourquoi sommes-nous manipulés et à qui profite le mensonge? En faisant du pétrole un bien précieux, les riches familles du secteur, les compagnies pétrolières et les gouvernements des pays exportateurs de
pétrole, se sont assuré l'argent et donc le pouvoir durant près de deux siècles. Rien ne leur pourrait être plus défavorable que d'admettre l'abondance du pétrole.(2)
La fin du pétrole est associée, comme l'est aussi le changement climatique d'ailleurs, à la fin de notre monde. Ce message permet de véhiculer une paranoïa aussi forte que celle qu'a suscitée la menace nucléaire en son temps. Au-delà du pic, il s'agit donc d'analyser ce à quoi l'idée de fin du monde contribue. La société de consommation est construite sur le désir de ses membres d'atteindre un standard de vie toujours plus élevé, permettant de consommer toujours plus de produits et de loisirs. Qui dit: «Fin du pétrole», dit: «Fin du confort». Mus par leurs intérêts et la préservation de leurs acquis, les individus consommateurs seront amenés par la propagande à tolérer de grands bouleversements tels que l'agriculture massive visant la production de biocarburants; la prolifération de l'énergie nucléaire à des fins civiles (il a d'ailleurs été récemment constaté que le nucléaire était aujourd'hui plébiscité alors qu'il y a à peine une décennie, on ne voulait pas en entendre parler) et la multiplication des manipulations génétiques. En effet, en alimentant la psychose, les élites façonnent les mentalités afin de les préparer à accueillir tous leurs programmes de domination du monde.
La réalité des changements climatiques et le nucléaire
On se souvient que dans un premier temps, les biocarburants sont présentés comme l'issue aux problèmes du pétrole et du changement climatique. Lorsqu'une grande partie de notre nourriture sera ensuite convertie en piles, une famine généralisée s'ensuivra. Pour survivre, les populations seront amenées à accepter les cultures OGM en tant que solution palliant le manque. Bientôt, l'agriculture sera entièrement biotechnologique. L'alimentation sera alors contrôlée au même titre que l'énergie par de grosses sociétés spécialisées dans la biotechnologie. Ceux qui détiendront le pouvoir sur les récoltes seront les maîtres de la société de demain. Le plan est en marche. Déjà Monsanto, leader sur le marché OGM, a développé un programme de brevetage des graines qu'elle commercialise. (2)
Cela fait droit dans le dos! Nous sommes avertis. Pourtant, les émissions de CO2 ont atteint leur plus haut niveau en 2010. Selon le chef économiste de l'Agence Fatih Birol, ces données constituent un «sérieux revers», dans l'espoir de limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle. L'agence estime à 44% les émissions provenant du charbon, 36% pour le pétrole et 20% pour le gaz naturel. (3)
Pour Nicholas Stern, de la London School of Economics, auteur d'un rapport sur le réchauffement climatique, interrogé également par The Guardian, «les projections supposent qu'il y a 50% de possibilité que l'augmentation de la température dépasse 4°C vers 2100. Une telle chaleur perturberait les vies et les moyens d'existence de centaines de millions de personnes à travers la planète, menant à un large mouvement de migration et au conflit».
Comment mesurer les dégâts de l'homme? On sait que l'empreinte écologique de l'homme a dépassé les limites permises par la Terre. Nous avons consommé en 2010, en moins de 8 mois ce que la Nature nous a prodigué pour l'année. Les Américains font comme s'ils avaient 4 planètes à leur disposition. L'Homme est un prédateur qui ne connaît pas les limites. Le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, en 2000 avait forgé un terme: Anthropocène. L'homme - anthropos - est devenu une force géologique. Une étude du cabinet Pwc est sans appel: «Ces résultats remettent en cause la vraisemblance d'une décarbonisation mondiale assez rapide qui permettrait de limiter le réchauffement planétaire à 2°C.»
La croissance économique serait, dans l'état actuel des choses, incompatible avec le respect des engagements pris en matière de limitation du réchauffement climatique tant les efforts à faire sont énormes. A cause du retard accumulé, l'intensité carbone doit être à présent réduite de 4,8% par an, soit deux fois plus qu'en 2000, pour atteindre les objectifs. Or, un taux de 4,8% semble extrêmement difficile à atteindre. Seuls six pays ont réduit leur intensité de carbone de plus de 3% au cours des dernières décennies (Chine, Allemagne, Royaume-Uni, France, Russie, Japon), et «ils y sont parvenus seulement dans des circonstances exceptionnelles», note l'étude. Par exemple, si la France a atteint un taux de décarbonisation de 4,2% dans les années 1980, c'est parce qu'elle augmentait dans le même temps la part du nucléaire dans son mix énergétique (de 7% à 33%).
Même les biocarburants ne sont plus en odeur de sainteté! On se souvient que la Commission européenne a fait pression pour une augmentation importante de l'utilisation des biocarburants dans les transports. Selon un rapport: «Les résultats sont mitigés quant aux effets du biodiesel et du bioéthanol sur la qualité de l'air.»
On peut penser que la solution serait de réduire les énergies fossiles, en se reportant sur les énergies renouvelables et l'inévitable nucléaire. Les interrogations sur le nucléaire après la catastrophe de Fukushima obligent, ensuite, à repenser l'avenir énergétique. Le remplacement du nucléaire, faible émetteur de CO2, se fera-t-il par des énergies renouvelables ou bien du gaz et du charbon, au risque, dans cette dernière hypothèse, de troquer le risque nucléaire par le péril climatique? À eux seuls, les États-Unis, la France, le Japon et la Russie disposent de 248 réacteurs, soit 56% du total. 64 réacteurs sont actuellement en construction, dont 27 en Chine, 10 en Russie, 6 en Inde et 5 en Corée du Sud. La boulimie énergétique de la Chine est connue. 26 réacteurs en construction, une centrale à charbon tous les 15 jours, une éolienne toutes les deux heures.
Suite à la catastrophe de Fukushima, les acteurs du nucléaire ont testé la sûreté des centrales françaises, en procédant à des « stress tests » sur les installations nucléaires du territoire. Le président Gadonneix ajoute aussi que la sécurité des réacteurs ne dépend pas du nombre en fonction. Nous sommes d'accord surtout si on accepte l'idée qu'un seul réacteur suffit à semer la panique, confère Fukushima et son nuage qui traverse les frontières des pays sans visa, apportant, à Dieu ne plaise la mort et la désolation. L'AIE vient d'annoncer dans le World Energy Outlook que le nucléaire sera présent dans le portefeuille des énergies dans le futur.
Que doit faire l'Algérie ?
De notre point de vue, l'Algérie ne doit pas pratiquer la politique du zéro nucléaire. Cependant, je suis convaincu que le nucléaire ne pourra pas être la solution à nos problèmes énergétiques. La manne en énergie fossile n'appartient pas qu'à nous. Elle appartient en priorité aux jeunes générations qui seront là en 2030/2050, quand le pétrole et le gaz naturel ne seront plus là pour masquer nos errances et notre refus de mettre en place maintenant - demain il sera trop tard car nous avons une génération devant nous pour démarrer un plan Marshall qui tourne le dos au tout-fossile - une stratégie énergétique pérenne avec au préalable un état des lieux de ce que nous avons réellement comme ressources.
La stratégie énergétique est l'affaire de tous, elle n'est pas de la responsabilité d'un département ministériel (l'énergie et les mines). Il nous faut former à l'école le citoyen de demain qui aura à sa disposition un bouquet énergétique qui lui permettra de solliciter toutes les énergies et, de plus en plus, les énergies renouvelables et de moins en moins les énergies fossiles. Il faudra également remettre en oeuvre le Barrage vert qui est capable de nous aider à combattre les changements climatiques, de diminuer notre facture alimentaire. L'avenir de l'Algérie est dans l'intelligence. A ceux qui nous dirigent, de la solliciter et de la faire émerger, notamment en réhabilitant la formation d'ingénieurs et de techniciens qu'il faudra former en quantité et en qualité, car c'est la seule légitimité qui permettra à l'Algérie de tenir son rang dans un monde de plus en plus chaotique. Il ne tient qu'à nous de former l'éco-citoyen de demain, en lieu et place de l'égo-citoyen actuel.
Si l'humanité continue sur sa lancée, la terre ne ressemblera pas à grand-chose. Beaucoup d'espèces auront disparu, aussi bien dans le monde animal que végétal. Comment gagner sa vie... sans perdre son âme? Il s'agit de replacer l'économie là où les gens habitent. Protectrice de l'Homme et de la planète, elle entend donner la priorité à la connaissance. Construction saine et habitat moins énergivore, recyclage et réparation, apprentissage et travail manuel, production de proximité, économie locale et circuits courts, animation économique des quartiers et villages, paysans d'une agriculture bio, relais des réseaux sociaux, mécanismes démocratiques dans les entreprises, finance équitable, une autre économie, animée par les valeurs du partage, de la coopération et de l'échange, est possible.(4)
Autant de chantiers, le croyons-nous, que pourrait lancer le Conseil mondial de l'Energie dans une quête pour une moralisation de la vie en offrant un Smic de consommation à «ceux d'en bas». Son rôle, le pensons-nous, est diamétralement différent de celui de l'AIE qui défend les intérêts bien compris des pays industrialisés de l'Ocde. Le CME devrait aider ou accompagner les pays qui souhaitent se lancer dans les énergies renouvelables avec une rapide maîtrise des coûts et des technologies car quels que soient les pays, et malgré toutes les assurances, le désastre de Fukushima est un tournant, la sobriété énergétique et le recours massif aux énergies renouvelables devraient être véritablement mis en oeuvre sans tarder.
Une étude récente «Le Résumé pour décideurs du Giec» affirme qu'en 2050, il n'y a pas d'obstacle technique pour passer à 80% de renouvelables; dans le mix énergétique mondial cela coûtera moins de 1% du PIB mondial pour peu qu'il y ait une volonté politique. La Prophétie d'un Amérindien Cree «Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l'argent ne se mange pas» est d'une brulante actualité.
1. Une croissance toujours plus gourmande en CO2 Terra Eco 10-11-2011
2. http://www.karmapolis.be/pipeline/petrole.html
3. http://ecolonews.blog.fr/2011/07/31/climat-l-urgence-de-la-sobriete-energetique-11579409/
4. D.Naulin durable.info/Economie-Humaine-mode-emploi-idees-travail-solidaire-responsable
Professeur Chems Eddine Chitour
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