Et voici tous les petits ignorants qui veulent partir en guerre pour le blasphème… Ils ont trouvé une nouvelle épopée, « le droit au blasphème ». De tout côté, ces asthmatiques de la contestation s’agitent pour ce droit... Alors quelques précisions s’imposent.
Droit ou liberté ?
D’abord, ils confondent droit et liberté. Et ça change tout. Le droit, c’est une créance d’un citoyen sur l’Etat. C’est par exemple le droit à la sécurité sociale ou le droit à l’éducation. Si le droit est reconnu, il est qualifié et réglementé, et l’Etat vous le doit. La liberté, c’est bien différent : c’est vous, allant de l’avant sur une terre de conquêtes. L’Etat ne garantit rien, car il n’a pas à définir le contenu de votre liberté,… car justement, c’est votre liberté. Et votre liberté, ce n’est pas la mienne, et ce n’est pas à la loi de la définir. La loi doit seulement veiller à ce que ni l’Etat ni personne ne crée pas d’obstacle à l’affirmation de votre liberté. L’Etat s’engage à vous permettre de pratiquer une liberté, dont il se refuse à apprécier le contenu… sauf trouble à l’ordre public.
Notre période vante la culture de la soumission, et raisonner à partir des droits convient bien à ces crétins, qui imaginent leur vie comme celle de nabots remplissant, avec joie, les petites cases que l’Etat a créées pour eux. Mais réfléchir par eux même, non, trop compliqué, car trop libre.
Alors le droit au blasphème ? Certainement pas, car ce serait la loi préfigurant la fin de la pensée. La liberté de blasphémer ? Ca, on peut en parler. C’est bien différent. Et c’est, du point de vue de l’analyse juridique, ce qui se passe sous nos yeux. Une troupe de théâtre fait le spectacle qui lui plait : très bien ; des manifestants font les manifestations qui leur plaisent : très bien. La limite ? L’ordre public. Mais aucun problème car quelques bleu-marines veillent à ce que ces deux libertés en conflit s’expriment. Et si l’une des parties abuse, alors que l’autre saisit le tribunal, car il n’existe pas de liberté sans limite. Le droit, le vrai, le droit objectif, répond parfaitement. Pourquoi venir nous seriner avec ce subjectivisme déconnecté du droit au blasphème ?
La loi sanctionne le blasphème de trois ans de prison
Horreur, horreur, chères amies et chers amis. Il reste un grand pays européen pour punir le blasphème de trois ans de prison ferme. Brr… Ce pays, c’est la France, par le Code pénal d'Alsace et Moselle, maintenu en vigueur par le décret du 25 novembre 1919.
Dans le recueillement, lisez l’article 166 : « Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement Dieu par des propos outrageants ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens ou une communauté religieuse établie sur le territoire de la Confédération et reconnue comme corporation, ou les institutions ou cérémonies de ces cultes ou qui, dans une église ou un autre lieu consacré à des assemblées religieuses, aura commis des actes injurieux et scandaleux, sera puni d'un emprisonnement de trois ans au plus ». Yurghhhh !
Ah, mais me direz vous, c’est un vieux texte tombé en désuétude… Rien du tout, comme le confirme cette réponse du Ministère de l'intérieur, publiée dans le JO Sénat du 01/06/2006, page 1538, à la question écrite n° 22419 du sénateur de Moselle M. Jean Louis Masson.
Le 30 novembre 1999, la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la cour d'appel de Colmar qui sur le fondement de l'article 167, avait condamné des militants d’Act Up qui, lors d’une cérémonie religieuse et oralement, s’en étaient vivement pris à la personne de l’évêque et à ce qu’il représente.
Le ministre avait commenté : « Ces jurisprudences confirment donc le maintien en vigueur de ces dispositions de droit pénal local, dont la mise en œuvre et la détermination du champ d'application, notamment quant à son extension aux cultes non reconnus, relèvent de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire ».
Et après ?
Après, il ne reste pas grand-chose à dire pour le droit, qui heureusement, n’est pas le seul repère de la vie sociale. Morale, philosophie, sociologie, politique… à d’autres de prendre le relai.
Je n’ai donc que peu de choses à ajouter, mais quand même…
La religion ne bénéfice d’aucune immunité. Elle est une liberté, un fait social, elle vit par ses manifestations extérieures, et elle est donc soumise à la critique. Il n’y a que peu de limites lorsqu’est en cause un précepte religieux qui organise la vie sociale : qui comprendrait qu’un parti politique se voie reconnaître une part d’immunité car qu’il afficherait une dimension religieuse, comme le font les partis démocrates chrétiens ?
Il n’y a pas non plus beaucoup de limites, quand cette analyse critique vient des scientifiques, des connaisseurs. Ces analyses là sont tout à fait essentielles, car ce sont celles de savants. Ce sont les plus pertinentes, et elles sont libres.
Pour la création artistique, la jurisprudence dispose de mille repères, alors si ca vous démange, saisissez le juge,… qui répondra. Le téléchargement d’images pédophile est une infraction, mais les représentations artistiques d’enfants nus peuplent nos musées… Et la force de l’écriture : relisez la Bible, si vous avez oublié ce que veulent dire les mots.
Ce qui fait problème, c’est l’attaque brutale, bovine, sans raison, sur ce qui fait l’intime de la croyance religieuse. C’est un élément de l’intimité de la personne, et la part de sa pensée la plus précieuse car elle ne résulte que de la conviction. C’est l’attaque des sauvages qui veulent détruire ce qu’ils ne connaissent pas. Je ne sais pas si ca mérite une condamnation pénale, mais je suis sûr que ça mérite une condamnation morale. A un enfant pénible, on lui dit : « fiche nous la paix ». Et ça marche.