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Maroc: Monsieur le Ministre... Osez les Réformes !!

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Maroc: Monsieur le Ministre... Osez les Réformes !!
Interrogé sur les dysfonctionnements du système de santé marocain, un ancien ministre de la santé, avait répondu tout en s’étirant dans son fauteuil : « Vous savez que dans ce pays toutes les administrations vont mal. Pourquoi voulez-vous que la santé, toute seule, aille mieux !! » Visiblement satisfait de sa réponse, il a affiché un large sourire, sorte de mélange de cynisme et de realpolitik.

M. le ministre, Je me suis fait violence pour vous écrire même si je ne me fais guère trop d’illusions. J’écris à la fonction puisque vous n’êtes pas encore nommé. Vous le savez peut être, le pouvoir est dangereux, il fait avaler des couleuvres. Quant au  système, il est coriace. Ses hommes et ses femmes sont installées dans leurs habitudes et leurs certitudes. Il n’y a que des battants qui ont une foi dans leur destin pour mener le changement. Etes-vous de ce genre de personnes ?

M. le ministre, les marocains savent que leur système de santé est malade. La plupart ne lui accordent pas confiance. Ils cherchent et vous aussi d’ailleurs, en cas de maladie ou d’accident, des amis ou des connaissances, pour espérer des soins acceptables et une échappatoire aux arnaques.

M. le ministre, ceux  qui vous ont précédé à ce poste n’ont pas pu améliorer les services ni l’offre des soins et encore moins la qualité de l’accueil dans les hôpitaux et les urgences. Sans parler de la corruption qui a rongé ce secteur. Des soignants qui prennent des billets de la part d’un patient atterré par la maladie et la pauvreté ne sont pas meilleurs que des vautours qui lunchent un gibier blessé, à terre et sans défense !!

Pour ne pas être nihiliste, il y a eu des ministres qui ont apporté leurs touches à ce ministère, comme feu le Professeur Al Harrouchi qu’une partie des professionnels lui reconnaît ses compétences chirurgicales, pédagogiques et administratives. Il connaissait bien le milieu et il avait un souci du service rendu au malade. Mais ses excès envers les soignants utilisant seulement la politique du bâton sans carotte, lui ont été fatals, du moins dans le domaine qui nous intéresse.

Les marocains se souviennent de la ministre sortante. Elle est arrivée avec des programmes ambitieux sur quatre ou cinq ans, Programmes concoctés au préalable plus par les agences onusiennes de la santé que par les cadres de son parti. Elle s’est attirée au fil des années les foudres des professionnels et l’incrédulité des usagers. Tout le monde avait compris qu’elle n’avait rien à faire dans ce domaine.  Pas seulement qu’elle n’avait pas de formation médicale, mais du fait de son ignorance des rouages de la profession et des besoins réels des marocains. La santé dans les pays du sud est un domaine qui met la politique à nue. On ne peut claironner des améliorations statistiques tandis que les hommes et les femmes ne sentent pas de changements dans leurs quotidiens. Les effets d’annonces et le faire semblant n’ont aucun impact face à un malade souffrant et un système inadapté.

M. le ministre, pour réussir dans votre tâche, je vous invite à  vous  mettre à la fois à la place des professionnels et des malades et leurs familles. Si les premiers devraient avoir de bonnes conditions d’exercice assorties de sanctions en cas de négligence ou de corruption, les seconds, surtout les pauvres en milieux semi-urbains et ruraux, ont besoin aussi bien d’un système de transport innovant et adapté, qu’un accueil chaleureux et humain. Ils ont besoin de médicaments essentiels et d’une nouvelle politique de gestion des urgences.

Mr le ministre, savez-vous que  différentes recettes qui ont été concoctées sous d’autres cieux ? et ensuite copiés - collés par les cadres du ministère n’ont pas donné de résultats probants. Elles étaient tout simplement décalées par rapport aux réalités du pays et aux besoins des patients et leurs familles.

M. le ministre, savez-vous que la plupart des morts dans les pays du sud dont le nôtre sont dus à la déficience des moyens de transports et de communication. Les accidentés attendent des heures avant qu’on puisse les transporter et les femmes surtout en milieu rural continuent de risquer la mort suite à un accouchement compliqué.

 Pour une amélioration de la prise en charge des marocains de leurs domiciles, leurs champs ou encore usines,  jusqu’aux urgences et services, il faudra puiser dans notre patrimoine et notre culture. Activer les mécanismes d’entraides et en faire un système adjuvant et permanant. Il n’y a pas d’autres recettes meilleures que celles de mobiliser ses propres moyens humains et matériels et les capitaliser. Vous connaissez bien le proverbe populaire : ‘’Celui qui est habillé par les affaires d’autrui est nu !!’’

M. le ministre, vous serez le ministre de la santé, pas seulement de la santé publique, ayez un regard pour le secteur privé, tant dénigré et décrié. Les médecins et autres soignants qui exercent, quoi que l’en dise, rendent bien des  services à la population, et plus est, sous un climat pesant de défiance. En vous intéressant à leurs exercices et  à leurs difficultés. En encourageant leurs installations dans les régions (Maroc inutile)  et surtout en intervenant dans les barèmes fiscaux afin qu’un cabinet médical ne soit pas traité comme une entreprise et qu’une clinique comme une société de services. Cela pourrait améliorer le rendement des soignants et leurs rapports avec l'administration fiscale et coupera court aux corruptions et aux fausses déclarations. On pourrait alors rêver, qu’un jour prochain, le patient puisse  traverser le seuil de la clinique ou du cabinet avec une certaine confiance retrouvée !!

M. le ministre, en prenant à bras le corps votre tâche, mettant en avant l’amour pour les marocains et surtout les plus fragiles d’entre eux (les malades) vous pouvez entrer dans l’histoire. Personne ne se permettra de se mettre sur votre chemin parce qu’il deviendra de fait impopulaire. La santé est située dans un carrefour entre le transport, la justice (sociale), le combat contre la corruption et les passes droits. Elle peut hisser tous ces secteurs vers le haut et redonner aux marocains un bien précieux qu’ils ont tendance à perdre jour après jour. C’est celui de l’amour et de la fraternité.

M. le ministre, vous pouvez essayer de faire en sorte que le marocain malade et sa famille soient bien accueillis et bien traités, pas seulement parce qu’ils  connaissent du monde, qu’ils ont un passe-droit ou qu’ils glissent un billet. Mais tout simplement parce que le malade est un être humain qui a droit au respect et à l’entraide de la communauté dans laquelle il évolue. Sinon, comment voulons-nous lutter contre ce sentiment déstabilisant, si souvent exprimé par les jeunes du 20 février et ressentis par ceux qui en souffrent en silence, celui de la Hogra (Humiliation) ?

Ça y est je me suis encore mis à rêver !!!

Dr Zouhair LAHNA

Ancien Vice-Président d’Aide Médicale Internationale, Président Médecins du Maroc

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