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Le Conseil constitutionnel : Une montagne de silence

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Le Conseil constitutionnel : Une montagne de silence
Ce pauvre Conseil constitutionnel qui voudrait devenir une Cour suprême… et qui se scratche en validant la loi du silence : il n'est pas besoin de motiver les arrêts de Cour d’assises (n° 2011-113).

La question posée est très simple. Le juge aux affaires familiales qui vous colle une pension alimentaire doit vous expliquer pourquoi. Le juge du tribunal de police qui vous retire trois points sur le permis de conduire doit vous expliquer pourquoi. Le juge qui vous condamne pour emplois fictifs financés par la ville de Paris doit vous expliquer pourquoi. Le juge qui vous renvoie aux assises sous une accusation de crime doit vous expliquer pourquoi. Mais le juge de ces assises qui vous condamne pour ce crime, que vous contestez, à vingt ans de prison, n’explique rien, ni sur le principe de la condamnation, ni sur le montant de la peine.

 

Et pourquoi ? « Parce que » répond notre brillant Conseil constitutionnel. Regardons çà de près.  

 

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Le Code de procédure pénale

 

 

 

Sont en cause quatre articles du Code de procédure pénale.

 

 

Art. 349 :

« Chaque question principale est posée ainsi qu'il suit : "L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ?"

« Une question est posée sur chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation.

« Chaque circonstance aggravante fait l'objet d'une question distincte.

« Il en est de même, lorsqu'elle est invoquée, de chaque cause légale d'exemption ou de diminution de la peine ».

 

 

Art. 350 :

« S'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes, non mentionnées dans l'arrêt de renvoi, le président pose une ou plusieurs questions spéciales ».

 

 

Art. 353 :

« Avant que la cour d'assises se retire, le président donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations :

« "La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ? ».

 

 

Art. 357 :

« Chacun des magistrats et des jurés reçoit, à cet effet, un bulletin ouvert, marqué du timbre de la cour d'assises et portant ces mots : "sur mon honneur et en ma conscience, ma déclaration est..."

« Il écrit à la suite ou fait écrire secrètement le mot "oui" ou le mot "non" sur une table disposée de manière que personne ne puisse voir le vote inscrit sur le bulletin. Il remet le bulletin écrit et fermé au président, qui le dépose dans une urne destinée à cet usage ».

 

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Alors suivons, pas-à-pas, le raisonnement.

« 8. Considérant, d'une part, qu'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ».

 

Rien à dire : les personnes placées dans des situations différentes sont traitées de manière différente mais non discriminatoire. On n’a pas avancé d’un centimètre.  

 

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« 9. Considérant, en premier lieu, que les personnes accusées de crime devant la cour d'assises sont dans une situation différente de celle des personnes qui sont poursuivies pour un délit ou une contravention devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ; que, par suite, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, édicter pour le prononcé des arrêts de la cour d'assises des règles différentes de celles qui s'appliquent devant les autres juridictions pénales. »

 

Le juge qui te retire un point sur ton permis n’est pas soumis aux mêmes règles que celui qui te colles 20 ans pour des faits que tu contestes: exact.  Et ils font des études pour écrire cela !

 

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« 10. Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du titre Ier du livre II du code de procédure pénale, relatives à la cour d'assises, que les droits de la défense de l'accusé sont assurés tout au long de la procédure suivie devant cette juridiction ; que les dispositions contestées ont pour seul objet de déterminer les modalités selon lesquelles la cour d'assises délibère ; qu'elles ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

 

Ce que disent les avocats, tout simplement, c’est que ne pas motiver l’arrêt de la condamnation, c’est priver de l’élément essentiel de la compréhension. C’est permettre au juge de dire « coupable » sans expliquer pourquoi et c’est plomber les droits de la défense, car il reste à faire appel contre un fantôme, à savoir une décision non motivée. L’appel, ce n’est pas une deuxième chance. C’est l’appel d’un jugement. Or, quid de l’appel d’un jugement qui ne s’explique pas ?  

 

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« 11. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 qu'il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans la recherche des auteurs d'infractions, le jugement des personnes poursuivies ainsi que dans le prononcé et l'exécution des peines ; que l'obligation de motiver les jugements et arrêts de condamnation constitue une garantie légale de cette exigence constitutionnelle ; que, si la Constitution ne confère pas à cette obligation un caractère général et absolu, l'absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu'à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclure l'arbitraire. »

 

Le Conseil est bon bien ! Il va veiller à éviter l’arbitraire,… comme chez les méchants dictateurs ! Il pourrait aussi veiller à défendre la qualité de la justice, mais ça, ça doit lui donner des migraines.

 

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« 12. Considérant, en premier lieu, que les dispositions particulières prévues par le chapitre VI du titre Ier du livre II du code de procédure pénale soumettent les débats de la cour d'assises aux principes d'oralité et de continuité ; que ces principes imposent que les preuves et les moyens de défense soient produits et discutés oralement au cours des débats ; qu'il ressort des articles 317 et suivants du code de procédure pénale que l'accusé assiste personnellement aux débats et bénéficie de l'assistance d'un défenseur ; que l'article 347 interdit qu'en cours de délibéré, le dossier de la procédure soit consulté par la cour d'assises hors la présence du ministère public et des avocats de l'accusé et de la partie civile ; qu'en outre, les magistrats et les jurés délibèrent ensemble immédiatement après la fin des débats ; qu'ainsi, ces dispositions assurent que les magistrats et les jurés ne forgent leur conviction que sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus. »

 

Dix lignes embrouillées pour arriver à ce puissant constat : les juges ne forgent leur conviction que sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus. Ouf ! Ils n’ont droit ni aux oracles, ni à la pendule, ni aux rites exorcistes, ni aux rapports secrets des renseignements généraux. On n’a toujours pas avancé d’un centimètre.

 

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« 13. Considérant, en deuxième lieu, que la cour d'assises doit impérativement statuer sur les questions posées conformément au dispositif de la décision de renvoi dont l'article 327 du code de procédure pénale prescrit la lecture à l'ouverture des débats ; que l'article 348 prévoit qu'après avoir déclaré les débats terminés, le président donne lecture des questions auxquelles la cour et le jury doivent répondre ; que l'article 349 impose que chaque fait spécifié dans la décision de mise en accusation ainsi que chaque circonstance ou chaque cause légale d'exemption ou de diminution de peine invoquée fassent l'objet d'une question ; que des questions spéciales ou subsidiaires peuvent, en outre, être posées à l'initiative du président ou à la demande du ministère public ou d'une partie ; que l'accusé peut ainsi demander que la liste des questions posées soit complétée afin que la cour d'assises se prononce spécialement sur un élément de fait discuté pendant les débats. »

 

Je vous explique. La cour d’assises n’est pas saisie du cas de x ou y, qu’elle analyserait librement. Elle doit répondre à un certain nombre de questions. Et l’accusé lui-même, au titre des droits de la défense, peut demander que d’autres questions soient posées. Très bien. Mais quel intérêt dès lors que la cour peut répondre ce qu’elle veut dans avoir à se justifier. J’ai souvenir d’un avocat qui expliquait aux jurés pour sauver la peau de son client : « Vous êtes libres, et vous pouvez tout dire. Vous dire que ces murs tapissés de rouge sont tapissés de bleu, et vous n’aurez pas à justifier de votre décision ». C’est tout le problème, le seul problème, et nous n’avons pas encore avancé d’un centimètre.

 

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« 14. Considérant, en troisième lieu, que les modalités de la délibération de la cour d'assises sur l'action publique sont définies de façon précise par le chapitre VII du même titre ; que les dispositions de ce chapitre, parmi lesquelles figurent les articles contestés, fixent l'ordre d'examen des questions posées à la cour d'assises, l'organisation du scrutin et les règles selon lesquelles les réponses doivent être adoptées ».

 

Bon, il faut respecter l’ordre des questions. Et alors ?

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« 15. Considérant, en quatrième lieu, qu'il appartient au président de la cour d'assises et à la cour, lorsqu'elle est saisie d'un incident contentieux, de veiller, sous le contrôle de la Cour de cassation, à ce que les questions posées à la cour d'assises soient claires, précises et individualisée. »

 

Et alors ? On souhaite juste que la réponse soit individualisée et précise, comme la question. Toujours pas un centimètre...

 

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« 16. Considérant, en dernier lieu, que l'article 359 du code de procédure pénale a pour effet d'imposer que toute décision de la cour d'assises défavorable à l'accusé soit adoptée par au moins la majorité absolue des jurés ; qu'en imposant que la décision de la cour d'assises sur la culpabilité de l'accusé soit rendue par la seule lecture des réponses faites aux questions, le législateur a entendu garantir que la décision sur l'action publique exprime directement l'intime conviction des membres de la cour d'assises. »

 

En dernier lieu ? Ca s’arrête-là ? Tu parles d’un peine à jouir ce Conseil ! Tout ça pour en arriver là : les droits sont respectés car la décision est prise à la majorité. Le nombre vaut la raison !  Peu importe le pourquoi, peu importe la démonstration sur les preuves, peu importe le récit des faits, peut importe la réponse aux questions « Où, quand, comment ». Il suffit que le vent souffle dans le bon sens, et qu’une majorité se dégage, et justice sera rendue. L’arrêt qui vous renvoie devant la Cour d’assises fait vite 20 pages juste pour vous expliquer de quoi vous êtes accusé, mais l’arrêt qui vous condamne ne fait même pas une page. Oui, mais peu importe, car cette demi-page a été prise dans le secret et à la majorité... Le Conseil constitutionnel a une philosophie simple : raisonner fatigue. Please, faites vite livrer une caisse de bière Rue de Montpensier.

 

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« 17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces garanties relatives aux débats devant la cour d'assises et aux modalités de sa délibération, que le grief tiré de ce que les dispositions critiquées laisseraient à cette juridiction un pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d'un accusé doit être écarté. »

 

Donc, j’ai pris 20 ans, et le jugement qui  m’a collé cette peine est incapable de me dire pourquoi. Mais tout est nickel, et il n’y a aucun risque d’arbitraire.

 

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La majorité a décidé

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