Les députés français ont adopté jeudi une proposition de loi pénalisant la négation des génocides, dont celui des Arméniens, malgré les menaces des dirigeants turcs.
Le texte, déposé par la députée UMP Valérie Boyer, a été validé en première lecture lors d'un vote à main levée.
Les quatre groupes de l'Assemblée nationale avaient appelé à voter pour mais des députés de la majorité comme de l'opposition ont voté contre ou se sont abstenus.
Le texte initial visait à sanctionner "la contestation du génocide arménien". Il a été modifié le 7 décembre pour s'étendre à "la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi".
Il prévoit de punir la négation d'un génocide d'un an d'emprisonnement, d'une amende de 45.000 euros ou des deux.
L'examen s'est déroulé dans un climat d'émotion.
Un important dispositif de sécurité avait été mis en place à l'extérieur et à l'intérieur du Palais-Bourbon, aux abords duquel quelque 3.000 personnes ont manifesté dans la matinée, selon l'estimation de la police.
Les manifestants, dont un grand nombre d'origine turque, ont dénoncé un texte directement inspiré par le génocide arménien de 1915, que contestent vivement les autorités turques.
"Je ne comprends pas pourquoi la France censurerait ma liberté d'expression", a dit à Reuters Yildiz Hamza, un Français d'origine turque qui préside une association de familles turques.
Juger de la vérité historique, "c'est le travail des historiens, pas des politiciens", a souligné Aytem Doguant, une Française d'origine turque.
A quelques mois de l'élection présidentielle en France, "la majorité veut récupérer le vote des Arméniens juste avant les élections", a-t-elle ajouté.
La diaspora arménienne en France, forte de 500.000 personnes, est à nouveau un enjeu électoral à l'approche des élections présidentielle et législatives du printemps 2012.
De nombreux représentants des organisations arméniennes ou turques étaient présents dans le tribunes du public de l'Assemblée. Les médias turcs et arméniens étaient fortement représentés.
Valérie Boyer a jugé que le texte n'était "absolument pas dirigé contre la Turquie" et l'UMP Patrick Devedjian, ancien ministre d'origine arménienne, l'a qualifié de "texte de dignité".
L'UMP Michel Diefenbacher s'est en revanche opposé à la proposition de loi. "Personne n'a intérêt à souffler sur les braises. C'est pourtant cela que fait le texte qui nous est soumis", a-t-il dit.
Hostilité également de la part de François Bayrou, président du MoDem et candidat à l'élection présidentielle, qui a qualifié le texte de "déraisonnable et dangereux".
Le ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Ollier, n'a pas donné de consigne de vote mais a implicitement soutenu la proposition de loi.
"C'est un texte de principe: il ne s'agit pas de légiférer sur des problèmes historiques mais seulement d'harmoniser notre droit pour combler un vide dans l'application de notre législation pénale", a-t-il dit.
La porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, avait annoncé mercredi que le gouvernement soutenait "la philosophie" de ce texte.
Lors d'une visite en Arménie début octobre, Nicolas Sarkozy avait mis en demeure Ankara de reconnaître rapidement le massacre de 1,5 million d'Arméniens par les Turcs en 1915.
Dès l'adoption du texte par la commission des Lois de l'Assemblée, le 7 décembre, les autorités turques, à commencer par le président Abdullah Gül, et le Premier ministre, Tayyip Erdogan, ont vigoureusement protesté et menacé Paris.
Les députés avaient voté en octobre 2006, sous la précédente législature, une proposition de loi PS identique à celle d'aujourd'hui. Mais cinq ans plus tard, en mai 2011, le Sénat, alors majoritairement à droite, l'avait rejetée.
Au Sénat, où la gauche est désormais majoritaire, une proposition de loi identique a été déposée le 22 novembre par le socialiste Philippe Kaltenbach.
Il existe déjà en France une loi sur le génocide arménien, celle du 29 janvier 2001 qui dispose que "la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915". Elle avait déjà, à l'époque, provoqué de vives réactions d'Ankara.
http://www.gnet.tn/revue-de-presse-internationale/la-france-defie-la-turquie-et-vote-le-texte-sur-le-genocide-armenien/id-menu-957.html
Alter Info
l'Information Alternative