La République démocratique du Congo sort laborieusement de son désastreux rendez-vous électoral en laissant une multitude de questions qui méritent d’être abordées pour essayer de comprendre ce qui n’a pas été fait et qui aurait vraiment dû l’être.
« Chaque peuple a le gouvernement qu’il mérite », disait Winston Churchill, ce qui renvoie aux dirigeants d’un pays, d’une manière général. L’affirmation devient injuste lorsque ces dirigeants se conduisent de manière à briser les aspirations légitimes de leurs peuples au point de passer pour de véritables calamités politiques. Le désastre électoral que vient de subir le peuple congolais nous place effectivement dans les clous de ce débat.
1. Une imposture électorale
Les prises de position fermes des observateurs, dignes de confiance, comme ceux de l’Union européenne ou de la respectable Fondation Carter, sont que les résultats électoraux annoncés par la voix officielle étaient dépourvus de « toute crédibilité ». Ces observateurs, pourtant issus des milieux traditionnellement accusés de soutenir le régime de Joseph Kabila (Etats-Unis, Europe,…) ont dû courageusement écouter leur conscience en assurant l’écho du message de désespoir d’un peuple victime d’une insupportable imposture électorale . Au niveau national, l’Eglise catholique a été sur le même diapason. Il arrive dans l’histoire des nations que les personnalités exerçant une certaine autorité morale prennent conscience du désastre qu’un régime infâme fait subir à son peuple ; que donc ces personnalités décident de n’écouter que leur conscience et bravent courageusement les risques du porte-parole des « sans voix ».
Le très respectable archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo, longtemps en première ligne sur la civière de son peuple meurtri, a dû ressentir le poids de cette mission. Il a ainsi déclaré, à la surprise d’une classe politique ramollie par la corruption, que l’élection de Joseph Kabila « n’était conforme ni à la vérité ni à la justice » des urnes. L’Eglise catholique avait déployé plus de 30.000 observateurs sur l’ensemble du territoire et sa parole, au Congo, n’a jamais été associée aux propos de comptoir.
Pendant que lui, assurée de la protection de son ministère d’homme de Dieu, refusait publiquement de cautionner le hold-up électoral, son peuple avait cru pouvoir accorder juste un peu de confiance au « démocratique » Président sortant. Il s’est avisé de le chahuter comme pour lui dire « bye bye Monsieur le Président ». Lourde erreur !
Le régime avait dévoyé les policiers qui ont réagi en mitraillant des civils alors que toutes les lois nationales et les conventions internationales auxquelles la RDC est partie les astreignent à « protéger » cette population et non à la « tuer ».
2. La répression dans le sang
Les militants de l’UDPS ont payé un lourd tribut. Leur lutte historique depuis 1981 leur a sûrement fait croire que les malheurs du peuple congolais avaient été suffisamment entendus pour que des civils puissent un jour manifester dans la sécurité. Sans risquer de finir comme dans l’impitoyable massacre de Ndjili qui a laissé dix-huit de leurs camarades sur la chaussée. Pendant ce temps, des dizaines d’autres habitants de la ville périssaient sous les balles du régime et les hôpitaux essayaient désespérément de sauver les innombrables blessés, par balles !
Un parti d’opposition, la Démocratie Chrétienne, a publié sur son site les images du carnage et répertorié les tueries dans les quartiers de Kinshasa . Les messages de détresse ont rapporté que les policiers tiraient à bout portant sur la population chaque fois qu’ils rencontraient un attroupement, même d’enfants. Human Right Watch avance un bilan de 24 tués, rien que depuis la « réélection » annoncée de Joseph Kabila, et décrit des tentatives d’enlèvement des corps des victimes. Une pratique bien connue dans la région ! Les images macabres, bêtement laissées par les génocidaires rwandais, ont appris aux tyrans de la région à quel point un amoncellement des corps ou des crânes des victimes devient un accablant réquisitoire dont on pourrait ne jamais se remettre.
La répression à Kinshasa n’a pas épargné les responsables politiques. On passe rapidement sur le cas du député qui a vu tomber dans sa maison des grenades lacrymogènes causant de graves difficultés respiratoires à ses enfants, comme si le message de la terreur politique devrait être assimilé dès le bas âge. L’acte le plus grave a visé le leader de l’opposition qui a failli figurer sur la liste des « tués». Un ordre aurait été donné aux responsables de l’aéroport de Ndjili de « faire retarder l’atterrissage », la manœuvre étant destinée à faire périr le Sphinx de Limete dans un crash d’avion.
Dans ce pays livré aux caprices des seigneurs de guerre qui se sont emparé du pouvoir en mai 1997, aucun statut social n’est un bouclier assez dissuasif contre la violence d’Etat. En 2006, déjà, le leader de l’opposition de l’époque, Jean-Pierre Bemba, avait vu un obus finir sa course à seulement quelques mètres du bâtiment où il s’entretenait avec des diplomates étrangers. Le pouvoir était pourtant au courant de la présence de ces « Blancs ». Inutile de préciser que leur carnage, dans le souffle de l’obus, aurait eu de lourdes conséquences diplomatiques, pour très longtemps.
Comment peut-on gouverner un pays en se conduisant de manière aussi irresponsable ?
L’interminable histoire de l’impunité a fini par faire croire aux dirigeants congolais que rien de comparable à ce qui est arrivé au libyen Kadhafi ou à l’ivoirien Laurent Gbagbo ne peut leur arriver, quelle que soit la gravité des crimes auxquels ils se livrent.
3. Libye, la guerre préventive pour protéger la population
Au sujet de la Libye, on revoit encore ces incroyables images qui nous trottent dans la tête, celles d’un illustre personnage se faisant littéralement dévorer par une bande d’hystériques. Ce n’était pas du cinéma ! Le « Guide libyen», le Roi de tous les rois du Continent noir, a bel et bien fini piteusement cabossé comme un chien devant un égout de sa Syrte natale, le 20 octobre 2011. On lui reprochait les massacres qu’il allait commettre à Benghazi. Donc, des crimes qu’il n’avait pas encore commis, comme si nous étions déjà dans le scénario de Minority Report . Derrière la guerre de Libye, des Occidentaux, pourtant, fermement opposés à la théorie de la guerre préventive. Bon. S’ils ont acquis, à notre insu, la technologie futuriste de « Minority Report », alors « adieu Kadhafi ! » Mais pourquoi, au nom des droits de l’Homme, ne pas faire bénéficier cette technologie aux Congolais victimes de tueries qui étaient nettement plus prévisibles ?
4. Côte d’Ivoire, choisir le bon, éliminer le méchant et stabiliser le pays
En Côte d’Ivoire, la communauté internationale a tout simplement choisi son camp. Alors que les deux protagonistes avaient tous magouillé aux élections et se livraient, tous les deux, aux violences contre leurs populations. Mais il fallait désigner un bon et un méchant. Chasser le méchant du pouvoir, le diluer complètement dans les méandres de la « Justice » internationale pour que le bon ait les mains libres pour gouverner. Et on a assuré au bon toute la sécurité qu’il fallait, y compris par des chars d’assaut ostensiblement déployés par la Patrie des droits de l’Homme.
Si cette conduite, moralement critiquable, est le prix à payer pour que nos adorables mamans d’Abidjan retrouvent le minimum de calme dans la ville pour nous ramener de quoi manger, pourquoi pas ? Personne n’est condamné à finir sa vie à la Sorbonne sous le matraquage des discours hystériques du Général de la rue !
5. RD Congo, laisser de tuer !
En République Démocratique du Congo, rien de tout cela. Vraiment rien ! On connait pourtant celui qui a magouillé, le seul d’ailleurs qui a magouillé. On connait aussi celui qui a tué des civils, le seul qui a tué des civils. On a même les images des carnages. On connait même l’identité de ceux qui sont à la tête des policiers qui ont tiré sur la population. Le non moins emblématique Général Charles Bisengimana, l’homme à la tête des policiers qui ont vidé leurs chargeurs sur la population n’a pas commencé sa carrière sanglante dans les rues de Kinshasa. Il est cité en gras dans un rapport sur des crimes commis dans l’Est du pays, plus précisément dans le secteur de Mugunga, non loin de la célèbre ville meurtrie de Goma. Dans son rapport de janvier 1999 , l’organisme canadien Droits et démocratie souligne son rôle personnel dans la réalisation des crimes, certains, imprescriptibles, puisqu’ils relèvent de l’article 7 du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.
6. Un génocide passé sous silence
Mais pourquoi lui serait inquiété alors que d’autres bénéficient de cette garantie chronique de l’impunité ? On se souvient des carnages dans le Bas-Congo où le Raïs avait envoyé des troupes pour réprimer dans le sang ces « compatriotes de l’Ouest » qui le connaissaient encore mal. Les habitants de Matadi auraient vraiment dû se renseigner auprès de leurs frères du Kivu pour savoir qui étaient les nouveaux dirigeants venus, pour certains, du Rwanda. L’hécatombe laissée à l’Est par les « nouveaux dirigeants » a même été qualifiée de « génocide », dans un rapport international, celui du Projet Mapping . C’est-à-dire le crime le plus « impardonnable » qu’aucun dirigeant dans le monde ne s’aviserait de commettre. Quelqu’un aurait vraiment dû prévenir les adeptes du Bundu dia Kongo . La « leçon » fut vite assimilée ! Les massacres dans le Bas-Congo en 2007 et 2008 ont été dénoncés dans un rapport international mais les responsables, à l’instar du patron de la police nationale, n’ont jamais été inquiétés.
7. Le « deux poids deux mesures » jusqu’à l’absurde
Ces crimes et tant d’autres commis par les dirigeants issus de la conquête militaire de Kinshasa, en mai 1997, n’ont jamais suscité la moindre indignation de la communauté internationale. En tout cas pas à la hauteur du tintamarre sur le Darfour, ni sur l’Irak dont le dictateur « menaçait » le monde libre avec ses introuvables armes de destruction massives. Encore moins sur le Liban où la mort d’un seul homme (condoléances à sa famille) a justifié la création d’un tribunal spécial international ! Sans blague ! Pendant ce temps, les Congolais, dévastés par leurs interminables funérailles continuent à se trimballer avec leurs six millions de morts sur les bras. Avec l’espoir de tomber un jour sur un samaritain juge d’instruction assez disponible pour ouvrir la moindre information judiciaire contre les illustres bouchers ! Ces bouchers sont même reçus en grande pompe dans les grandes messes de la communauté internationale, se font dérouler le tapis rouge par nos respectables démocraties occidentales, et serrés dans les bras comme s’ils s’étaient conduits suivant les préceptes de sa Sainteté le Dallai Lama.
8. Y-a-t-il un Juif quelque part ?
Y a-t-il un seul décideur juif, quelque part dans le monde, qui se souvienne encore de l’apocalyptique Solution finale , et qui pourrait se montrer juste un peu solidaire des nouvelles victimes de l’hécatombe nommée « six millions » ! Lui, peut-être, pourrait comprendre à quel point cela est dévastateur pour une nation d’être meurtrie à ce point et de continuer à être privée de justice, de démocratie, voire du simple droit de manifester sans risquer de finir dans une énième boucherie, comme à Ndjili…
Dans l’histoire, il faudra vraiment croire, comme aux versets bibliques, que la communauté internationale avait été lourdement assommée par une impardonnable léthargie. Au point de ne pas voir une hécatombe aussi visible que le soleil d’été et entendre les gémissements d’un peuple aussi audibles que le tonnerre de Brest !
Ces gémissements, qui se perdent dans le vide sidéral de la sourde communauté internationale, ont fini par ôter aux dirigeants congolais la dernière marque de décence au point de les entrainer dans des comportements proprement scandaleux.
9. Le règne de l’impunité
En fin 2008, l’armée nationale, minée par des infiltrations, achève sa décomposition devant les maquisards du CNDP soutenus par le Rwanda. L’offensive du belliqueux CNDP est aussi l’occasion de terribles massacres, dont ceux de Kiwanja : au moins 150 civils congolais tués sous la barbe (sans jeu de mots) des casques bleus indiens et filmés par la presse internationale. Malgré la gravité des crimes et le désastre humanitaire des milliers de femmes et d’enfants jetés sur les routes, les dirigeants congolais choisirent d’aller à Canossa. A Kigali, ils sont assommés par le message selon lequel, il y a des personnes qui doivent être assurées de la totale impunité. Alors que le régime rwandais est intraitable avec les génocidaires ; que même un Tribunal Pénal International est à l’œuvre à Arusha (Tanzanie) pour traquer ces « abominables » auteurs de massacres contre les « Tutsis et les Hutus modérés », selon la formule.
Depuis, les dirigeants congolais rasent les murs, comme si le combat à mort pour la dignité du peuple congolais, mené par Patrice Lumumba, doit aujourd’hui passer pour un travail inachevé ! La série des humiliations que subissent les Congolais a connu son point d’orgue en juin 2010, lorsque le Président rwandais a retardé la cérémonie du cinquantenaire de l’Indépendance de la RDC. Dans l’étonnement des délégations étrangères, dont européennes. Ce jour-là, quelqu’un aurait vraiment dû proposer un conseil d’ami à l’arrogant dictateur rwandais. On ne gagne rien en humiliant un peuple. En Europe, on s’accorde à penser que la paranoïa du Führer allemand aurait été moins dévastatrice si l’Allemagne n’avait pas été à ce point humiliée par le Traité de Versailles et reléguée dans la piteuse République de Weimar. Bien entendu, personne ne souhaite un malheur pareil à notre aimable peuple rwandais, qui a déjà assez souffert. Mais les leçons de l’histoire sont là pour être méditées, en particulier par les responsables politiques, même au plus modeste poste de responsabilité.
10. La garantie de l’impunité
En attendant, des criminels notoires comme Laurent Nkunda, Jules Mutebutsi, les deux, en exil doré au Rwanda et Bosco Ntaganda, carrément imposé à la tête des bataillons de l’armée congolaise, sont libres comme l’air. Ils figurent pourtant sur la liste – actualisée – des criminels dans le collimateur de la CPI . Les ONGs protestent en vain pour réclamer leur arrestation. A Kinshasa, les autorités, sans doute échaudées par les bérézina militaires devant leur cauchemardesque « petit voisin », assument désormais publiquement leur part de garant de l’impunité. On se planque derrière cette hallucinante excuse selon laquelle le remède serait « pire que le mal » . Donc, on reste malade, Son Excellence Monsieur le Ministre ? Et aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a bel et bien des casques bleus de l’ONU au Congo. Dans la célèbre ville de Goma, ils côtoient ces illustres « recherchés ». Dans un pays, à peu près normal, il y a longtemps qu’ils les auraient déjà interpellés et livrés à la Cour Pénale internationale.
11. Le désastre du « deux poids deux mesures »
Y a-t-il au monde un peuple à ce point accablé ?
Déjà dépouillé de ses richesses , il voit s’éroder le peu de dignité qui lui restait et qu’il avait placée dans quelques bulletins de vote, qui ne verront jamais les urnes. Parce que les urnes étaient déjà pleines de bulletins pré-remplis. Que les manifestations contre le hold-up électoral soient réprimées dans le sang. Qu’il faille donc ( ?) se résigner à subir un règne despotique dont tous les signes annoncent qu’il sera aussi interminable et catastrophique que celui du sinistre prédateur de Kawelé…
Boniface MUSAVULI
1. Une imposture électorale
Les prises de position fermes des observateurs, dignes de confiance, comme ceux de l’Union européenne ou de la respectable Fondation Carter, sont que les résultats électoraux annoncés par la voix officielle étaient dépourvus de « toute crédibilité ». Ces observateurs, pourtant issus des milieux traditionnellement accusés de soutenir le régime de Joseph Kabila (Etats-Unis, Europe,…) ont dû courageusement écouter leur conscience en assurant l’écho du message de désespoir d’un peuple victime d’une insupportable imposture électorale . Au niveau national, l’Eglise catholique a été sur le même diapason. Il arrive dans l’histoire des nations que les personnalités exerçant une certaine autorité morale prennent conscience du désastre qu’un régime infâme fait subir à son peuple ; que donc ces personnalités décident de n’écouter que leur conscience et bravent courageusement les risques du porte-parole des « sans voix ».
Le très respectable archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo, longtemps en première ligne sur la civière de son peuple meurtri, a dû ressentir le poids de cette mission. Il a ainsi déclaré, à la surprise d’une classe politique ramollie par la corruption, que l’élection de Joseph Kabila « n’était conforme ni à la vérité ni à la justice » des urnes. L’Eglise catholique avait déployé plus de 30.000 observateurs sur l’ensemble du territoire et sa parole, au Congo, n’a jamais été associée aux propos de comptoir.
Pendant que lui, assurée de la protection de son ministère d’homme de Dieu, refusait publiquement de cautionner le hold-up électoral, son peuple avait cru pouvoir accorder juste un peu de confiance au « démocratique » Président sortant. Il s’est avisé de le chahuter comme pour lui dire « bye bye Monsieur le Président ». Lourde erreur !
Le régime avait dévoyé les policiers qui ont réagi en mitraillant des civils alors que toutes les lois nationales et les conventions internationales auxquelles la RDC est partie les astreignent à « protéger » cette population et non à la « tuer ».
2. La répression dans le sang
Les militants de l’UDPS ont payé un lourd tribut. Leur lutte historique depuis 1981 leur a sûrement fait croire que les malheurs du peuple congolais avaient été suffisamment entendus pour que des civils puissent un jour manifester dans la sécurité. Sans risquer de finir comme dans l’impitoyable massacre de Ndjili qui a laissé dix-huit de leurs camarades sur la chaussée. Pendant ce temps, des dizaines d’autres habitants de la ville périssaient sous les balles du régime et les hôpitaux essayaient désespérément de sauver les innombrables blessés, par balles !
Un parti d’opposition, la Démocratie Chrétienne, a publié sur son site les images du carnage et répertorié les tueries dans les quartiers de Kinshasa . Les messages de détresse ont rapporté que les policiers tiraient à bout portant sur la population chaque fois qu’ils rencontraient un attroupement, même d’enfants. Human Right Watch avance un bilan de 24 tués, rien que depuis la « réélection » annoncée de Joseph Kabila, et décrit des tentatives d’enlèvement des corps des victimes. Une pratique bien connue dans la région ! Les images macabres, bêtement laissées par les génocidaires rwandais, ont appris aux tyrans de la région à quel point un amoncellement des corps ou des crânes des victimes devient un accablant réquisitoire dont on pourrait ne jamais se remettre.
La répression à Kinshasa n’a pas épargné les responsables politiques. On passe rapidement sur le cas du député qui a vu tomber dans sa maison des grenades lacrymogènes causant de graves difficultés respiratoires à ses enfants, comme si le message de la terreur politique devrait être assimilé dès le bas âge. L’acte le plus grave a visé le leader de l’opposition qui a failli figurer sur la liste des « tués». Un ordre aurait été donné aux responsables de l’aéroport de Ndjili de « faire retarder l’atterrissage », la manœuvre étant destinée à faire périr le Sphinx de Limete dans un crash d’avion.
Dans ce pays livré aux caprices des seigneurs de guerre qui se sont emparé du pouvoir en mai 1997, aucun statut social n’est un bouclier assez dissuasif contre la violence d’Etat. En 2006, déjà, le leader de l’opposition de l’époque, Jean-Pierre Bemba, avait vu un obus finir sa course à seulement quelques mètres du bâtiment où il s’entretenait avec des diplomates étrangers. Le pouvoir était pourtant au courant de la présence de ces « Blancs ». Inutile de préciser que leur carnage, dans le souffle de l’obus, aurait eu de lourdes conséquences diplomatiques, pour très longtemps.
Comment peut-on gouverner un pays en se conduisant de manière aussi irresponsable ?
L’interminable histoire de l’impunité a fini par faire croire aux dirigeants congolais que rien de comparable à ce qui est arrivé au libyen Kadhafi ou à l’ivoirien Laurent Gbagbo ne peut leur arriver, quelle que soit la gravité des crimes auxquels ils se livrent.
3. Libye, la guerre préventive pour protéger la population
Au sujet de la Libye, on revoit encore ces incroyables images qui nous trottent dans la tête, celles d’un illustre personnage se faisant littéralement dévorer par une bande d’hystériques. Ce n’était pas du cinéma ! Le « Guide libyen», le Roi de tous les rois du Continent noir, a bel et bien fini piteusement cabossé comme un chien devant un égout de sa Syrte natale, le 20 octobre 2011. On lui reprochait les massacres qu’il allait commettre à Benghazi. Donc, des crimes qu’il n’avait pas encore commis, comme si nous étions déjà dans le scénario de Minority Report . Derrière la guerre de Libye, des Occidentaux, pourtant, fermement opposés à la théorie de la guerre préventive. Bon. S’ils ont acquis, à notre insu, la technologie futuriste de « Minority Report », alors « adieu Kadhafi ! » Mais pourquoi, au nom des droits de l’Homme, ne pas faire bénéficier cette technologie aux Congolais victimes de tueries qui étaient nettement plus prévisibles ?
4. Côte d’Ivoire, choisir le bon, éliminer le méchant et stabiliser le pays
En Côte d’Ivoire, la communauté internationale a tout simplement choisi son camp. Alors que les deux protagonistes avaient tous magouillé aux élections et se livraient, tous les deux, aux violences contre leurs populations. Mais il fallait désigner un bon et un méchant. Chasser le méchant du pouvoir, le diluer complètement dans les méandres de la « Justice » internationale pour que le bon ait les mains libres pour gouverner. Et on a assuré au bon toute la sécurité qu’il fallait, y compris par des chars d’assaut ostensiblement déployés par la Patrie des droits de l’Homme.
Si cette conduite, moralement critiquable, est le prix à payer pour que nos adorables mamans d’Abidjan retrouvent le minimum de calme dans la ville pour nous ramener de quoi manger, pourquoi pas ? Personne n’est condamné à finir sa vie à la Sorbonne sous le matraquage des discours hystériques du Général de la rue !
5. RD Congo, laisser de tuer !
En République Démocratique du Congo, rien de tout cela. Vraiment rien ! On connait pourtant celui qui a magouillé, le seul d’ailleurs qui a magouillé. On connait aussi celui qui a tué des civils, le seul qui a tué des civils. On a même les images des carnages. On connait même l’identité de ceux qui sont à la tête des policiers qui ont tiré sur la population. Le non moins emblématique Général Charles Bisengimana, l’homme à la tête des policiers qui ont vidé leurs chargeurs sur la population n’a pas commencé sa carrière sanglante dans les rues de Kinshasa. Il est cité en gras dans un rapport sur des crimes commis dans l’Est du pays, plus précisément dans le secteur de Mugunga, non loin de la célèbre ville meurtrie de Goma. Dans son rapport de janvier 1999 , l’organisme canadien Droits et démocratie souligne son rôle personnel dans la réalisation des crimes, certains, imprescriptibles, puisqu’ils relèvent de l’article 7 du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.
6. Un génocide passé sous silence
Mais pourquoi lui serait inquiété alors que d’autres bénéficient de cette garantie chronique de l’impunité ? On se souvient des carnages dans le Bas-Congo où le Raïs avait envoyé des troupes pour réprimer dans le sang ces « compatriotes de l’Ouest » qui le connaissaient encore mal. Les habitants de Matadi auraient vraiment dû se renseigner auprès de leurs frères du Kivu pour savoir qui étaient les nouveaux dirigeants venus, pour certains, du Rwanda. L’hécatombe laissée à l’Est par les « nouveaux dirigeants » a même été qualifiée de « génocide », dans un rapport international, celui du Projet Mapping . C’est-à-dire le crime le plus « impardonnable » qu’aucun dirigeant dans le monde ne s’aviserait de commettre. Quelqu’un aurait vraiment dû prévenir les adeptes du Bundu dia Kongo . La « leçon » fut vite assimilée ! Les massacres dans le Bas-Congo en 2007 et 2008 ont été dénoncés dans un rapport international mais les responsables, à l’instar du patron de la police nationale, n’ont jamais été inquiétés.
7. Le « deux poids deux mesures » jusqu’à l’absurde
Ces crimes et tant d’autres commis par les dirigeants issus de la conquête militaire de Kinshasa, en mai 1997, n’ont jamais suscité la moindre indignation de la communauté internationale. En tout cas pas à la hauteur du tintamarre sur le Darfour, ni sur l’Irak dont le dictateur « menaçait » le monde libre avec ses introuvables armes de destruction massives. Encore moins sur le Liban où la mort d’un seul homme (condoléances à sa famille) a justifié la création d’un tribunal spécial international ! Sans blague ! Pendant ce temps, les Congolais, dévastés par leurs interminables funérailles continuent à se trimballer avec leurs six millions de morts sur les bras. Avec l’espoir de tomber un jour sur un samaritain juge d’instruction assez disponible pour ouvrir la moindre information judiciaire contre les illustres bouchers ! Ces bouchers sont même reçus en grande pompe dans les grandes messes de la communauté internationale, se font dérouler le tapis rouge par nos respectables démocraties occidentales, et serrés dans les bras comme s’ils s’étaient conduits suivant les préceptes de sa Sainteté le Dallai Lama.
8. Y-a-t-il un Juif quelque part ?
Y a-t-il un seul décideur juif, quelque part dans le monde, qui se souvienne encore de l’apocalyptique Solution finale , et qui pourrait se montrer juste un peu solidaire des nouvelles victimes de l’hécatombe nommée « six millions » ! Lui, peut-être, pourrait comprendre à quel point cela est dévastateur pour une nation d’être meurtrie à ce point et de continuer à être privée de justice, de démocratie, voire du simple droit de manifester sans risquer de finir dans une énième boucherie, comme à Ndjili…
Dans l’histoire, il faudra vraiment croire, comme aux versets bibliques, que la communauté internationale avait été lourdement assommée par une impardonnable léthargie. Au point de ne pas voir une hécatombe aussi visible que le soleil d’été et entendre les gémissements d’un peuple aussi audibles que le tonnerre de Brest !
Ces gémissements, qui se perdent dans le vide sidéral de la sourde communauté internationale, ont fini par ôter aux dirigeants congolais la dernière marque de décence au point de les entrainer dans des comportements proprement scandaleux.
9. Le règne de l’impunité
En fin 2008, l’armée nationale, minée par des infiltrations, achève sa décomposition devant les maquisards du CNDP soutenus par le Rwanda. L’offensive du belliqueux CNDP est aussi l’occasion de terribles massacres, dont ceux de Kiwanja : au moins 150 civils congolais tués sous la barbe (sans jeu de mots) des casques bleus indiens et filmés par la presse internationale. Malgré la gravité des crimes et le désastre humanitaire des milliers de femmes et d’enfants jetés sur les routes, les dirigeants congolais choisirent d’aller à Canossa. A Kigali, ils sont assommés par le message selon lequel, il y a des personnes qui doivent être assurées de la totale impunité. Alors que le régime rwandais est intraitable avec les génocidaires ; que même un Tribunal Pénal International est à l’œuvre à Arusha (Tanzanie) pour traquer ces « abominables » auteurs de massacres contre les « Tutsis et les Hutus modérés », selon la formule.
Depuis, les dirigeants congolais rasent les murs, comme si le combat à mort pour la dignité du peuple congolais, mené par Patrice Lumumba, doit aujourd’hui passer pour un travail inachevé ! La série des humiliations que subissent les Congolais a connu son point d’orgue en juin 2010, lorsque le Président rwandais a retardé la cérémonie du cinquantenaire de l’Indépendance de la RDC. Dans l’étonnement des délégations étrangères, dont européennes. Ce jour-là, quelqu’un aurait vraiment dû proposer un conseil d’ami à l’arrogant dictateur rwandais. On ne gagne rien en humiliant un peuple. En Europe, on s’accorde à penser que la paranoïa du Führer allemand aurait été moins dévastatrice si l’Allemagne n’avait pas été à ce point humiliée par le Traité de Versailles et reléguée dans la piteuse République de Weimar. Bien entendu, personne ne souhaite un malheur pareil à notre aimable peuple rwandais, qui a déjà assez souffert. Mais les leçons de l’histoire sont là pour être méditées, en particulier par les responsables politiques, même au plus modeste poste de responsabilité.
10. La garantie de l’impunité
En attendant, des criminels notoires comme Laurent Nkunda, Jules Mutebutsi, les deux, en exil doré au Rwanda et Bosco Ntaganda, carrément imposé à la tête des bataillons de l’armée congolaise, sont libres comme l’air. Ils figurent pourtant sur la liste – actualisée – des criminels dans le collimateur de la CPI . Les ONGs protestent en vain pour réclamer leur arrestation. A Kinshasa, les autorités, sans doute échaudées par les bérézina militaires devant leur cauchemardesque « petit voisin », assument désormais publiquement leur part de garant de l’impunité. On se planque derrière cette hallucinante excuse selon laquelle le remède serait « pire que le mal » . Donc, on reste malade, Son Excellence Monsieur le Ministre ? Et aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a bel et bien des casques bleus de l’ONU au Congo. Dans la célèbre ville de Goma, ils côtoient ces illustres « recherchés ». Dans un pays, à peu près normal, il y a longtemps qu’ils les auraient déjà interpellés et livrés à la Cour Pénale internationale.
11. Le désastre du « deux poids deux mesures »
Y a-t-il au monde un peuple à ce point accablé ?
Déjà dépouillé de ses richesses , il voit s’éroder le peu de dignité qui lui restait et qu’il avait placée dans quelques bulletins de vote, qui ne verront jamais les urnes. Parce que les urnes étaient déjà pleines de bulletins pré-remplis. Que les manifestations contre le hold-up électoral soient réprimées dans le sang. Qu’il faille donc ( ?) se résigner à subir un règne despotique dont tous les signes annoncent qu’il sera aussi interminable et catastrophique que celui du sinistre prédateur de Kawelé…
Boniface MUSAVULI
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