«Avant la guerre, déclare Mervyn King, mon père travaillait dans les chemins de fer. Pendant la guerre, il servit dans les Royal Engineers (unité spéciale de l’Armée britannique) et participa à la préparation du D-Day. Après la guerre, il participa à un programme de formation de soldats démobilisés à la profession d’instituteur. C’était également un prédicateur méthodiste local. Il est mort il y a quelques semaines seulement. A ses funérailles, j’ai dit qu’il avait toujours été un prédicateur et un instituteur – certains pourraient dire que c’est de famille – et que j’en étais fier.» Une trace d’émotion profonde apparaît derrière les fameuses lunettes à verres épais.
Dans son élégant bureau, le gouverneur de la Banque d’Angleterre est assis penché en avant, sur une austère chaise droite qui, dit-il, est meilleure pour son dos. Tout autour de lui, on aperçoit les signes extérieurs de sa vénérable institution. Un majordome vêtu de la fameuse livrée rose entre avec une cafetière en argent. Mais le petit homme rond à la voix douce assis sur la chaise n’est pas un grand personnage de la City mais un enseignant, un prédicateur, un intellectuel.
Il y a 20 ans cette semaine que Mr King entrait dans la Banque en tant que chef économiste. Son expérience était purement universitaire. Mais «je voulais vivre la prise de décisions de l’intérieur.» Une année après son arrivée, la Grande-Bretagne sortit du Mécanisme de change et Mr King fit valoir ses idées sur le ciblage de l’inflation. En 1997, un jour de fermeture de la Banque, Eddie George, le gouverneur de l’époque, le fit venir dans le bureau où nous nous trouvons pour lui dire que Gordon Brown allait annoncer l’indépendance de la Banque le lendemain. «Vous ne pouvez donc pas partir maintenant, n’est-ce pas?» Non, il ne pouvait pas.
Les modèles ne doivent pas se substituer à la pensée*
L’année suivante, Mr King devint vice-gouverneur. En 2003, il succéda à George. Il avait assisté de l’intérieur à plus de décisions qu’il aurait jamais pu souhaiter. «Cette période eut une immense importance historique».
Le jeune Mervyn «voulait étudier la cosmologie» mais il ne trouva pas de cours adéquat préparant à la licence et il entra au King’s College de Cambridge en 1966 pour y étudier les mathématiques, mais il bifurqua tout de suite vers l’économie.
Il se plaisait à Cambridge mais l’économie «ressassait» trop Keynes. C’est à Harvard, en tant qu’étudiant de troisième cycle, qu’il «apprit que l’économie pouvait être une discipline sérieuse». Etudiant brillant, il «accordait trop d’importance» aux modèles économiques. «On pense que ses propres modèles seront très différents des autres.» Avec l’âge, j’attribue plus d’importance à l’histoire. Alfred Marshall, fondateur de la chaire d’économie de l’université de Cambridge, avait tout à fait raison de penser qu’il fallait faire des mathématiques puis brûler ses papiers et traduire cela en mots. «Les mathématiques et les modèles devraient être des aides à la pensée et ne pas se substituer à elle.» Mr King pense qu’on aurait dû s’en souvenir pendant la crise financière. Je lui demande de me dire ce qu’un profane devrait lire pour comprendre le grand désastre que nous subissons encore. Il y a deux ouvrages, me dit-il. Le premier est un classique du XIXe siècle, «Lombard Street» de Walter Bagehot1 qui «décrit admirablement ceux qui ont fait fonctionner les marchés monétaires – ce sont toujours les mêmes – et a popularisé l’idée de prêteur de dernier recours». Le second, «The Big Short» de Michael Lewis,2 traite du resserrement du crédit. Il explique pourquoi certains ne croyaient pas que les prêts du marché américain des subprimes allaient fonctionner et évoque «la peine qu’ils eurent à se faire entendre». Il montre que «la grande machine bancaire était prête à faire le contraire».
Les banques n’ont pas le sens des relations à long terme
Maintenant le Gouverneur se met à expliquer pourquoi la question possède une dimension morale. «Plus je pensais à la manière de fonctionner des marchés du travail, plus je comprenais qu’il y a très peu de professions dont on puisse décrire les tâches avec précision. Aujourd’hui, la plupart des emplois se caractérisent par le fait que ceux qui les occupent peuvent choisir de travailler bien ou mal, si bien que les employeurs doivent penser au bien-être à long terme de leur personnel et pas seulement à les payer aujourd’hui.» Il s’ensuit que l’attitude morale est essentielle. Souvent l’industrie comprend cela très bien. Nissan, à Sunderland, demande à tous ses salariés des idées pour augmenter la productivité, dit Mr King, et en tire un bénéfice.
Le Gouverneur attribue de l’importance au fait de visiter des usines et des entreprises de services dans tout le pays. Ces sociétés versent des dividendes bien inférieurs à ceux des institutions financières, mais elles «ont des bilans excellents. Elles se préoccupent beaucoup de leur personnel, de leurs clients et, surtout, sont fières de leurs produits.» Pour les banques, c’est différent: «Elles n’ont pas ce sens des relations à long terme (d’où la disparition des directeurs d’agences locales). Elles ont une attitude différente à l’égard de leurs clients. Les PME regrettent l’absence d’interlocuteurs qu’elles connaissent.»
Il pense également qu’on «attache trop d’importance à la valeur des rachats». On fait ainsi des profits à court terme mais «il est absurde de détruire une société réputée». Depuis le big bang de la fin des années 1980, poursuit Mr King, trop d’établissements financiers ont pensé «qu’il était possible de faire de l’argent avec des clients crédules, en particulier les clients institutionnels, que c’était tout à fait acceptable». Les bons établissements «savent très bien qui sont leurs clients et sont dirigés par des gens qui ne songent pas simplement à optimiser leurs profits dans l’immédiat». Cependant, au cours des 25 dernières années, les banques ont de plus en plus «spéculé avec l’argent d’autrui».
Tout le monde a vu venir la crise mais personne ne savait quand elle se produirait
C’est grave, mais c’est encore bien pire «quand les règles du jeu veulent qu’on renfloue les banques quand les choses vont mal». Dans cette ambiance étrange, les banques ont fini par se méfier les unes des autres. «Les établissements financiers n’aiment pas le mot «casino» mais ils ont créé des instruments qui se négociaient uniquement à l’intérieur du monde financier. C’était un jeu à somme nulle. Personne ne savait qui étaient les gagnants quand la crise a frappé. Chacun est devenu suspect si bien que personne ne voulait fournir de liquidités à aucune de ces institutions.»
Northern Rock aurait pu être évité si la Grande-Bretagne n’avait pas été «le seul pays du G7 à ne pas avoir de procédure statutaire de résolution des créances. Nous en imaginions une, mais la législation n’était pas prête». «Si nous n’étions pas intervenus en faveur de la Royal Bank of Scotland et de l’Halifax Bank of Scotland, toutes les banques anglaises auraient été assaillies par leurs clients. Elles n’ont pas compris la nature des risques qu’elles prenaient.» Mais le Gouverneur lui-même a-t-il été irréprochable? A-t-il jamais donné une réponse à la fameuse question de la Reine: «Si le danger était si énorme, pourquoi est-ce que personne ne l’a vu venir?»
Mr King dit avoir rencontré la Reine l’année dernière. L’idée me fait sourire: «King and the Queen». Que se sont-ils dit? Je crois que le Gouverneur voudrait m’en dire davantage mais il se retient: Après un entretien avec la Reine, «on n’en souffle mot à personne». Il pense que la question était une bonne question. Sa réponse a été que «tout le monde avait vu venir la crise mais que personne ne savait quand elle se produirait. C’est comme dans une zone sismique. Il faut essayer de construire des bâtiments plus solides». Mais il s’adresse une critique: «J’aurai dû insister sur l’effet de levier.»3
Cependant il croit que les remèdes apportés par la Banque d’Angleterre ont été judicieux. Quantitative easing (assouplissement quantitatif)4 est une expression nouvelle, mais elle traduit une «politique monétaire très traditionnelle. Pour la première fois de ma vie, la masse monétaire augmentait trop lentement». Ce qui a été fait en 2008 et 2009 «a empêché la répétition de la grande dépression».
Le problème des banques «too big to fail» n’est pas encore résolu
La Banque d’Angleterre a émis de la monnaie et «a acheté des titres du secteur privé, pas du secteur public», de manière à faire bénéficier les institutions non-bancaires. Elle s’est abstenue de décider à quels titres elle allait donner la préférence. Cependant, certaines banques centrales sont allées plus loin et sont «intervenues dans la machine d’attribution du crédit». Cela a compliqué la vie. On considère cela comme une chose quasi politique, quasi budgétaire. Nous nous sommes tenus délibérément à l’égard de cela». Mais bien que Mr King estime que le plus fort de la crise a été géré correctement, il ne pense pas que nous soyons sortis de l’auberge. «Nous avons laissé se développer un système bancaire qui contient les germes de sa propre destruction» et l’on n’y a pas remédié. «Nous n’avons pas encore résolu le problème des banques «too big to fail».5 Le concept «too big to fail» n’a pas sa place dans une économie de marché.»
Je lui cite les remarques récentes de Stephen Hester, le directeur de la Royal Bank of Scotland, établissement en grande partie public: il semblait dire d’une part que cette banque payait peu d’impôts parce qu’elle avait fait peu de profits mais d’autre part qu’elle devait verser des bonus importants parce que son département investissement avait fait de gros profits. N’y a-t-il pas là une contradiction? Mr King acquiesce. Cette remarque illustre, dit-il, le conflit entre les besoins des grandes banques et les ambitions des banques d’investissement. La question clé, dans cette optique, n’est pas de savoir pourquoi une banque donnée déclare qu’elle doit verser des bonus (la raison avancée est toujours qu’il faut conserver les talents) mais: «Pourquoi les banques en général veulent verser des bonus?» Elles le font parce qu’elles vivent dans un monde de «too big to fail» dans lequel l’Etat les renfloue en cas de problèmes. Cela les incite à prendre des risques excessifs et à pratiquer des rémunérations excessives. «Il est très peu productif de faire des distinctions entre les individus. Les banquiers ont été encouragés à se comporter comme ils l’ont fait. C’est ce qu’il faut changer. Nous devons résoudre ce problème.» Mr King a bon espoir que la commission bancaire indépendante le fera. Pour lui, ce n’est pas une question technique mais morale. C’est au cœur de la question de savoir si les gens sont prêts à accepter de vivre dans une économie libérale.
Ce sont justement les institutions financières renflouées qui étaient au cœur de la crise
«Au cours des 30 dernières années, dit-il, nous avons débarrassé la Grande-Bretagne d’une économie sclérosée inefficace et connaissant des problèmes de relations de travail. Plus personne ne s’attendait à ce que le gouvernement nous renfloue. Tout le monde se conformait à la discipline du marché. Nous nous en portions tous mieux. Cela marchait magnifiquement.» Mais maintenant les gens ont tout à fait raison d’être mécontents parce que la crise a éclaté «alors que le ciel paraissait serein». Nombreux sont ceux qui perdent leur emploi et l’on assiste à la plus forte récession du commerce mondial depuis les années 1930. «Mais, ô surprise! Ce sont justement les institutions renflouées qui étaient au cœur de la crise. On a laissé tomber les fonds spéculatifs – 3000 d’entre eux ont disparu – mais pas les banques». Une nouvelle crise est-elle possible? «Oui, le problème subsiste. La recherche du profit se poursuit. Les déséquilibres recommencent à s’accentuer.»
Je voudrais que le Gouverneur me dise comment il supporte la gueule de bois après la fête. A en croire une remarque attribuée à Ed Balls, il serait trop politique (ce qui signifie, dans la bouche d’Ed Balls, trop conservateur). Mr King refuse d’accepter que ce soit vraiment l’opinion du ministre des Finances du cabinet fantôme: «Ces paroles sont rapportées par le Financial Times. Je préfère lire ce que les gens disent vraiment. Je ne prends pas les titres des journaux pour argent comptant.» Pourtant son idée générale est simple: «Il est inconcevable que le Gouverneur ignore l’ampleur du déficit et la nécessité de le réduire. Ce serait un manquement au devoir de ne pas mettre en garde. Il faut qu’un plan de réduction crédible soit élaboré au cours de cette législature, mais c’est aux ministres qu’il revient de l’établir, pas à moi.»
Mr King plaint les victimes de l’inflation, surtout les épargnants
Mr King estime qu’il y a consensus entre les partis sur la nécessité de réduire le déficit et prétend «avoir eu de bonnes relations avec les trois ministres des Finances pendant son mandat». Mais qu’en est-il de celui qui se trouvait à l’étage au-dessus d’Alistair Darling à Downing Street? Mr King esquisse un sourire: «C’est à d’autres de le dire … Nous avons collaboré de manière satisfaisante pendant la recapitalisation.»
Il est convaincu que l’indépendance que Mr Brown a instaurée fonctionne bien. WikiLeaks a surpris Mr King à dire que David Cameron et George Osborne, en revanche, manquaient d’expérience. Il ne pense plus cela maintenant: «Je pense qu’on apprend vite sur le tas.»
Je déplore que nous ayons une inflation double de ce qu’elle devait être: 4% au lieu de 2%. Le mathématicien en lui se moque de cette manière de voir les choses: «Si notre objectif était de 0% et que nous ayons un taux de 0,1%, nous serions infiniment au-dessus de notre objectif!» Oui, mais il a toujours été un «faucon» en matière d’inflation. L’est-il toujours? «Oui. Je trouve étrange de lire que je suis terriblement ‹colombe›». Avant la crise, j’ai été à quatorze reprises minorisé en votant pour des taux plus élevés. Depuis, il y a eu une occasion où j’ai été minorisé en votant dans l’autre sens.» Il souhaite absolument revenir à l’objectif: «C’est pourquoi il est resté à la Banque (pour un second mandat).» Après cette crise qui, de mémoire d’homme, fut la pire de toutes, «ce serait une réussite importante si les gens revenaient sur le passé et pouvaient dire que l’inflation a été maîtrisée.»
Il n’utilise pas le terme, mais il parle évidemment de l’héritage qu’il laissera à son départ en 2013. Il plaint sincèrement les victimes de l’inflation, surtout les épargnants qui subissent «une baisse importante de leur niveau de vie. Il est profondément inquiet pour eux. Ils étaient prudents avant la crise» mais s’il relevait trop tôt les taux d’intérêt, ce serait, comme il l’a déclaré récemment, le «geste vain» de la scène de la Bataille d’Angleterre dans «Beyond the Fringe». La baisse du niveau de vie est inévitable à cause des prix du pétrole et d’autres produits de base en provenance d’outre-mer ainsi que de la réduction du déficit. Ainsi, on ne peut certainement pas prétendre que «ce dont la Grande-Bretagne a besoin, c’est d’une plus profonde dépression». Naturellement, les taux devront augmenter à un moment donné et «on a une très bonne raison de le faire maintenant» mais il s’agit d’envisager les prochains 18 à 24 mois, de calculer «l’équilibre entre le risque et les bénéfices». Mr King dit que la baisse du niveau de vie a été «forte et prolongée» et qu’elle va se renforcer un peu cette année encore avant que la situation s’améliore «presque à coup sûr».
L’économie et l’éthique doivent aller de pair
Nous approchons de la fin de l’entretien et je le ramène au message principal du prédicateur. Dans un récent discours, il citait Tolstoï selon qui «le bonheur est moins important que la tentative de vivre de manière juste.» Mais qu’est-ce que vivre de manière juste? Pour Mr King, nous devons revenir là où nous étions avant la crise. «La Grande-Bretagne est bien placée pour être un centre bancaire international mais nous ne pourrons pas nous le permettre si cela continue à dépendre des contribuables du Royaume-Uni.»
Nous devons nous débarrasser de l’idée que «si quelque chose se développe rapidement, c’est forcément bien. Toute autorité de surveillance devrait dire: Les banques dont je devrais me préoccuper ne sont pas seulement celles qui perdent de l’argent mais celles qui font de gros profits.» Et il poursuit: «Ce que j’ai essayé de faire pendant tout le temps où j’ai dirigé la Banque d’Angleterre a été de fixer des règles générales. On ne peut pas tabler sur la sagesse des individus. Avant de partir, je veux m’assurer qu’un bon cadre est en place pour la politique monétaire, la stabilité financière et la surveillance des banques (fonction que la coalition restitue aux banques).»
Est-ce que son métier le remplit de satisfaction? Cet homme d’idées ne serait-il pas plus heureux dans sa grande bibliothèque? Ses yeux se mettent à briller. «Je me réjouis à l’idée de retrouver mes livres – parmi ses lectures actuelles figurent l’ouvrage de Niall Ferguson sur la civilisation et «Anthills of the Savannah» de Chinua Achebe – d’assister à des matches de cricket et de jouer au tennis. Mais je ne voudrais pour rien au monde avoir été privé des tâches que j’accomplies. Parler de plaisir serait faux en raison du stress. Je ne m’attendais pas à une crise de cette ampleur mais mon travail est fascinant et c’est un privilège de faire ce métier.»
Puisque la culture des banques le met tellement mal à l’aise, n’aurait-il pas préféré être un industriel? «Non, j’admire des gens comme John Rose de Rolls-Royce ou John Parker du National Grid», mais ce métier est «avant tout un défi intellectuel qui m’oblige à concevoir les problèmes avec clarté et à en parler ouvertement». C’est un peu comme être professeur, mais c’est beaucoup plus passionnant».
Nous parlons des billets de banque. Mr King a décidé que les prochains billets de 50 livres évoqueront le génie inventif et industriel de Matthew Boulton et de James Watt. Mais il est encore plus fier d’avoir choisi Adam Smith pour les billets de 20 livres. Smith fournit le bon modèle: la théorie économique exposée dans «Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations» était sage et juste, mais son ouvrage «Théorie des sentiments moraux» prouve qu’«il y a autre chose dans la vie que l’économie. Il faut les rapprocher.» •
Source: © Charles Moore / The Daily Telegraph UK, 4/3/11 www.telegraph.co.uk/finance/economics/8362959/Mervyn-King-interview-We-prevented-a-Great-Depression-but-people-have-the-right-to-be-angry.html
(Traduction Horizons et débats)
Notes du traducteur
1 Walter Bagehot, Lombard Street: des crises financières et du moyen d’y remédier, Paris, Payot & Rivages, 2009
2 Michael Lewis, Le casse du siècle: the big short, Paris, Sonatine Editions, 2010
3 c’est-à-dire l’augmentation de la masse monétaire
4 Effet de levier financier: Accroissement de la rentabilité des capitaux propres par l’utilisation intensive de capitaux empruntés lorsque le coût de l’endettement est inférieur à la rentabilité économique. Il mesure l’influence de l’endettement sur la rentabilité des capitaux propres. Il est positif lorsque la rentabilité de l’ensemble des capitaux investis est supérieure au coût de l’endettement. Il est négatif dans le cas inverse et signifie alors que l’endettement dégrade la rentabilité financière (d’après le Lexique économique Dalloz)
5 c’est-à-dire trop grandes pour qu’on les laisse faire faillite
*Les intertitres sont de la rédaction
Le directeur de la Bundesbank met en garde contre le fait d’accorder des crédits aux banques irlandaises: elles ne sont pas d’importance systémique
Ce n’est pas aux contribuables de casquer
rl. Comme l’a annoncé jeudi dernier la Frankfurter Rundschau, Axel Weber, directeur de la Bundesbank et membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, a mis en garde contre un sauvetage de l’ensemble du secteur bancaire en crise. Selon lui, les banques centrales n’ont pas jugé les banques irlandaises d’importance systémique. Il demande si l’on ne devrait pas demander des comptes aux créanciers. D’après lui, on ne devrait plus accorder de chèques en blanc aux banques. (cf. www.fr-online.de/wirtschaft/irische-banken-brauchen-milliarden/-/1472780/8287982/-index.html du 31/3/11)
En outre, Axel Weber a refusé d’assainir les finances des banques irlandaises avec l’argent des contribuables. «Il est totalement absurde d’empêcher la faillite d’une banque. Je ne puis pas me souvenir d’un quelconque débat au cours duquel une banque irlandaise ait été jugée d’importance systémique.» (cf.www.focus.de du 31/3/11)
Compétence ou pensée néolibérale?
Suisse
hd. A Zurich, il existe de sérieux différends entre, d’une part, les médecins-chefs et les directeurs des hôpitaux et d’autre part les responsables de l’administration. Aujourd’hui, le pouvoir se trouve du côté des administrateurs et ceux-ci semblent en profiter avec délectation. Mais quand les médecins-chefs et les directeurs élaborent un concept tenant compte aussi bien des patients que des besoins économiques, l’intérêt général est concerné lui aussi. Il y a plusieurs semaines déjà qu’un groupe de médecins a signalé que des traitements de qualité sont aussi meilleurs économiquement que les traitements stéréotypés qui, par leurs problèmes résiduels, portent atteinte encore davantage à la capacité de travail des citoyens et pourraient entraîner une augmentation du nombre des maladies chroniques et des cas d’invalidité.
Si nous définissons le patient comme un humain menacé dans son intégrité en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’une malformation, nous devons considérer les stratégies néolibérales d’optimisation du système de santé avec un scepticisme imprégné de bon sens. La révolte des cadres (médecins-chefs, directeurs d’hôpitaux) reflète les efforts des médecins qui ne veulent pas traiter des clients mais des patients. Jusqu’ici, aucune de ces stratégies d’optimisation n’a guéri de patient et jamais un patient ne se fait hospitaliser en raison de l’«excellence» de l’administration.
D’où vient cette pensée orientée vers le profit dans les secteurs qui travaillent grâce à l’argent public? Les cotisations aux caisses d’assurance-maladie sont obligatoires, mais pas les rendements qu’elles réalisent en Bourse. On découvrira avec étonnement dans l’ouvrage «Bertelsmannrepublik Deutschland» un chapitre sur les hôpitaux qui fait réfléchir. En Suisse, il y a, semble-t-il, une filiale du nom de «Jacobs-Stiftung» (Fondation Jacobs) qui s’immisce elle aussi dans les cuisines administratives des hôpitaux. Joue-t-elle un rôle dans le conflit actuel ou l’heureux «esprit du temps» a-t-il pris une telle ampleur que, par ses recettes financières d’avant-hier, il influence non seulement la population, mais aussi le bon sens des médecins? Est-ce qu’on ne changera de mentalité qu’après le crash du dollar?
La panacée: concurrence et privatisation
«La fondation ne se contente pas de débattre et de formuler des recommandations, elle conseille les ministères et échange des idées avec les politiques. Elle organise des débats sur la réforme et détermine l’agenda. Elle vient de fonder un Centre d’intérêt général pour le management des hôpitaux qui conseille les hôpitaux. Il est associé à l’université de Münster, donnant ainsi l’impression d’être indépendant. Il est né à l’initiative de Reinhard Mohn qui estime que le système de santé allemand souffre du manque de compétitivité et propose la panacée suivante: concurrence et privatisation.» (p. 193)
«L’objectif de l’entreprise est de reprendre aux meilleures conditions possibles les hôpitaux communaux pour maintenir et développer les offres lucratives des cliniques et se débarrasser des offres moins lucratives. L’entreprise doit avoir ensuite un rendement d’environ 10%. Cela n’a pas grand-chose à voir avec un système de soins complets pour la population.» (p. 194)
«Comment les politiques et les spécialistes doivent-ils interpréter les indications venant de la Fondation? Ils devraient constamment vérifier dans quelle mesure les intérêts du plus important consortium de cliniques privées sont concernés. Puisque la Fondation prône davantage de concurrence et de privatisations dans le système de santé, ce devrait être toujours le cas. Etre indépendant signifie ici: être indépendant de l’intérêt général et raisonner comme un directeur de clinique privée. On pourrait dire aussi que Brigitte Mohn s’est posée en lobbyiste des intérêts des directeurs de cliniques privées, c’est évident pour tout le monde.» (p. 194)
Source: Thomas Schuler,
Bertelsmannrepublik Deutschland,
Eine Stiftung macht Politik,
ISBN 978-3-593-39097-0