Il en a été longuement question sur ce blog, entre autres, ici et là.
Aujourd'hui, la mise en place se faisant progressivement, les failles apparaissent plus clairement, même si le texte de loi est très compliqué à débrouiller.
A la suite de ce billet, Merry Christmas, les pauvres!, Peter, qui vit à Seattle, a développé dans les commentaires un certain nombre de points (d'écueils, devrait-on dire) sur cette réforme.
Afin que tous ceux qui passent par là puissent bénéficier de ces explications claires et instructives, en direct des Etats-Unis, je les inclus dans un billet à part entière.
(NB: Ce texte n'est pas une traduction: Peter est parfaitement bilingue et s'exprime dans un français excellent, comme vous pourrez le constater).
Peter:
Avec pour seuls revenus des indemnités de chômage, les Klein (les Klein sont les personnes dont il est question dans le billet précédent cité plus haut, NDLR) se trouvent sans doute en-dessous de 133% du seuil de pauvreté et auraient à ce titre (sous l'ObamaCare, mais pas actuellement) droit à l'assurance publique Medicaid -assurance-maladie publique pour les plus pauvres, NDLR). En principe, Medicaid rembourse à 100% les soins qu'elle couvre.
Toutefois, comme les fournisseurs de soins ne seront toujours pas obligés d'accepter les assurés Medicaid, et comme les tarifs Medicaid (quoique augmentés) demeureront inférieurs aux tarifs des assurances privées, ils auraient peut-être du mal à accéder aux hôpitaux et spécialistes les plus convenables, comme c'est le cas pour les assurés Medicaid actuellement. D'autre part, comme peu de chômeurs (qui perçoivent en moyenne 12.000€ d'indemnités par an, tant que les états et le Congrès veulent bien continuer à les payer) arrivent à continuer de payer leur hypothèque, les Klein auraient probablement perdu leur maison, mais ils auraient peut-être gardé suffisamment d'économies pour louer un appartement si les soins médicaux de leur fille ne leur avaient pas coûté $100.000.
Aujourd'hui, la mise en place se faisant progressivement, les failles apparaissent plus clairement, même si le texte de loi est très compliqué à débrouiller.
A la suite de ce billet, Merry Christmas, les pauvres!, Peter, qui vit à Seattle, a développé dans les commentaires un certain nombre de points (d'écueils, devrait-on dire) sur cette réforme.
Afin que tous ceux qui passent par là puissent bénéficier de ces explications claires et instructives, en direct des Etats-Unis, je les inclus dans un billet à part entière.
(NB: Ce texte n'est pas une traduction: Peter est parfaitement bilingue et s'exprime dans un français excellent, comme vous pourrez le constater).
Peter:
Avec pour seuls revenus des indemnités de chômage, les Klein (les Klein sont les personnes dont il est question dans le billet précédent cité plus haut, NDLR) se trouvent sans doute en-dessous de 133% du seuil de pauvreté et auraient à ce titre (sous l'ObamaCare, mais pas actuellement) droit à l'assurance publique Medicaid -assurance-maladie publique pour les plus pauvres, NDLR). En principe, Medicaid rembourse à 100% les soins qu'elle couvre.
Toutefois, comme les fournisseurs de soins ne seront toujours pas obligés d'accepter les assurés Medicaid, et comme les tarifs Medicaid (quoique augmentés) demeureront inférieurs aux tarifs des assurances privées, ils auraient peut-être du mal à accéder aux hôpitaux et spécialistes les plus convenables, comme c'est le cas pour les assurés Medicaid actuellement. D'autre part, comme peu de chômeurs (qui perçoivent en moyenne 12.000€ d'indemnités par an, tant que les états et le Congrès veulent bien continuer à les payer) arrivent à continuer de payer leur hypothèque, les Klein auraient probablement perdu leur maison, mais ils auraient peut-être gardé suffisamment d'économies pour louer un appartement si les soins médicaux de leur fille ne leur avaient pas coûté $100.000.
Alors, est-ce que l'ObamaCare est une réforme valable?
Actuellement, on a le système de santé de loin le plus cher, le plus inefficace, le plus parasitaire, le moins compréhensif, le moins protecteur et le moins égalitaire du Premier Monde.
L'accès aux soins n'est pas garanti et pour les non-assurés, et même beaucoup d'assurés, il n'y a aucune limite sur les dépenses médicales qui peuvent être mises à la charge du patient (à part la faillite personnelle, dont les protections sont nettement moins généreuses depuis 2005).
Les dépassements d'honoraires sont courants et ne sont souvent pas signalés à l'avance (surtout dans les cas d'urgence).
Pour le secteur santé à but lucratif (et les boîtes de recouvrement et les avocats spécialistes en faillite), c'est l'Eldorado.
Sous l'ObamaCare, on aura toujours le système de loin le plus cher, le plus inefficace, le plus parasitaire, le moins compréhensif, le moins protecteur et le moins égalitaire du Premier Monde.
L'accès aux soins ne sera toujours pas garanti, mais l'accès à l'assurance sera facilité (et obligatoire, sauf dérogation quand les primes, même subventionnées, sont inabordables).
Ce sera globalement ENCORE PLUS CHER qu'avant - cela nous coûtera au moins 2% du PIB de plus - mais les coûts seront mieux répartis et les primes d'assurance des moins riches seront subventionnées.
Un grand pourcentage des factures médicales restera à la charge du patient (40% en moyenne pour les moins bien assurés, avec des polices "bronze"), mais le montant des sommes non prises en charge sera plafonné et les dépassements d'honoraires seront en principe interdits (la structure des plafonds est beaucoup trop compliquée pour que je la résume. D'après ce que j'ai pu comprendre, la loi permettra en 2014 des polices avec une franchise de 4.900€ par an, que le patient aura à payer de sa poche avant de se faire rembourser quoi que ce soit pour les soins "non préventifs".)
Au lieu de 59 millions de sans-assurance, on n'en aura plus qu'entre 25 et 30 millions (23 millions selon les prévisions officielles, mais personne n'y croit). Mais comme le conventionnement et la tarification des fournisseurs de soins se feront toujours police par police, on conservera une médecine de classe: bonne pour les riches; moins bonne pour les moins riches; plus ou moins adéquate pour les pauvres; et minime pour les sans-assurances.
Et pour le secteur santé à but lucratif, cela demeurera l'Eldorado.
On ne sait toujours pas le minimum de soins que les polices ObamaCare seront obligées de rembourser.
L'Institute of Medicine a proposé que cela se base sur ce que les assurances des petites entreprises offrent actuellement, c'est à dire une couverture squelettique (au sens figuré).
Par contre, on commence à avoir une idée de ce que veut dire la gratuité sous l'ObamaCare des soins dit préventifs: Preventive care: It's free, except when it's not -... ("Soins préventifs: ils sont gratuits, sauf quand ils ne le sont pas").
Pour que vous ayez une idée concrète de ce qui arrive en l'absence de conventionnement et de tarification uniformes, je vous donne quelques exemples:
Etat de Washington
Dans beaucoup de polices d'assurance dans mon état (état de Washington, NDLR), le seul ticket modérateur pour consulter un généraliste vient de passer à $40=31€. (La somme qui reste à la charge de l'assuré chez nous est donc supérieure au plein tarif conventionnel chez vous.)
Il y a huit ans, le tarif d'une "courte visite" (de deux ou trois minutes) chez un généraliste dans une clinique communautaire à Seattle (les cliniques les moins chères, subventionnées à l'époque par l'État et le comté) était de $90=70€.
Il y a un an, le tarif d'un généraliste conventionné par la police d'assurance des employés de la boîte d'informatique où travaillait mon frère à San Diego, pour une courte visite de deux minutes pour orientation vers un spécialiste (pour redresser un nez cassé), était $200=154€. (Somme non prise en charge, car mon frère n'avait pas épuisé sa franchise annuelle de $2000=1545€.).
Il y a huit ans, une seule intervention gamma knife pour ma mère nous a été facturée à $50.000=38.625€, dont seulement $10.000=7.725€ pris en charge par son assurance (pour fonctionnaires de l'État de Washington). Au bout de trois mois de pourparlers, l'hôpital a baissé la facture à $30.000=23.174€, ne laissant plus que $20.000=15.450€ à notre charge.
Il y a huit ans, les pilules anti-nausée de ma mère (qui luttait contre le cancer et en avait besoin tous les jours pendant un an et demi) nous étaient facturées à $1500=1159€ par mois. La boîte privée chargée de contrôler les coûts pharmaceutiques des assurés de l'État prétendait que la dose normale était de deux jours par mois et ne voulait donc nous rembourser que le quinzième de ce qu'on payait. Il a fallu des menaces de poursuites en justice (crédibles, avec énumération des moyens de cause) pour qu'ils fassent marche arrière.
Enfin, on nous a facturé $500=385€ (non pris en charge) pour transporter le cadavre de ma mère au service de pathologie à un kilomètre de chez mes parents. (Si elle avait été vivante, cela ne m'aurait pas étonné qu'on nous demande au moins le double ...).
Et cela me rappelle un autre exemple. À une réunion de syndicalistes, retraités, religieux, engagés politiques, et autres pour "sauvegarder" la Social Security, Medicare et Medicaid, j'ai rencontré une femme qui était épileptique et pour qui les primes d'assurance étaient donc inabordables. À chaque fois qu'elle fait une crise épileptique dans un lieu public, on la met dans une ambulance (qu'elle n'est pas en état de refuser), on la transporte à la salle des urgences et on lui facture environ $4000~3000€.
D'après ce que je sais des tarifs des ambulances et des salles d'urgence pour les non-assurés qui ne bénéficient d'aucune convention tarifaire, cela me paraît tout à fait crédible.
Pour mettre tout ça en perspective, je rappelle que le SMIC brut américain est inférieur au SMIC net français, avec des assurances sociales minimes (pas de congés payés, pas de congés maladie, etc.).
En bref, au lieu de négocier des prix justes, adéquats et uniformes comme cela se fait partout ailleurs au Premier Monde, aux Etats-Unis, on "contrôle les coûts" en en mettant le plus possible à la charge du patient.
Vu qu'on dépense environ le double par rapport à vous autres, que nos coûts médicaux augmentent plus rapidement que les vôtres et qu'on se trouve presque derniers dans les statistiques de santé de l'OCDE, il est évident que les théories des marchés parfaits et d'aléa moral s'appliquent très mal aux systèmes de santé.
Quelle attitude ont les Américains envers l'assurance maladie universelle?
Ils ne se rendent pas compte qu'ils se font beaucoup plus arnaquer par le secteur privé qu'ils ne le seraient par le secteur public.
Ils ne veulent pas payer d'impôts, mais ils se rendent pas compte que nos impôts "santé" sont plus élevés que dans la grande majorité des pays à assurance universelle (Aux USA, les impôts payent déjà, directement ou indirectement, environ 60% des coûts médicaux. Seulement, nos coûts, incontrôlés, sont tellement plus élevés qu'ailleurs que nos impôts "santé" excèdent ceux des pays à couverture universelle.).
Ils ont peur que le gouvernement leur dise quel médecin il faut consulter, dans quel hôpital et pour quels soins. Ils ne se rendent pas compte que c'est précisément ce que font les compagnies d'assurance privées et qu'ils ont nettement moins de choix que les assurés des autres pays développés (il est courant qu'un salarié américain ait à changer de médecin tous les deux ou trois ans, à chaque fois que son employeur change de couverture médicale et, donc, de liste de médecins conventionnés, ou bien à chaque fois qu'il change de boulot.).
Ils ne veulent pas payer pour les chômeurs, pour les Noirs, pour les Mexicains, pour les immigrés, bref, pour ceux qui "n'ont pas réussi dans la vie faute d'efforts" et qui ne méritent, donc, aucune aide. Ils se rendent pas compte que cela leur reviendrait moins cher "d'aider" les "sans mérite", ni qu'ils pourraient fort bien se trouver dans cette situation un jour.
Ils sont matraqués par la propagande de la "Big Health" (grands groupes privés qui gèrent le secteur de la Santé, NDLR), et c'est devenu pratiquement impossible de faire valoir des faits et opinions contraires dans les médias à grande diffusion.
La "Fairness Doctrine" ("principe d'impartialité" qui imposait aux médias de présenter des avis divergents et des débats contradictoires sur un sujet donné, NDLR) a été révoquée (à partir de '87) et les chaînes de télé et de radio ne sont plus tenues de présenter des informations équilibrées et impartiales. De plus, le secteur santé - surtout les groupes pharmaceutiques et les hôpitaux - achète des milliards de dollars de pub par an et les médias sont devenus très soucieux de ne pas cracher dans la soupe.
En conclusion: La loi ObamaCare (officiellement Patient Protection and Affordable Care Act of 2010, soit PPACA ou ACA), qui fait environ 2000 pages, est hyper compliquée et truffée d'exceptions et d'échappatoires. De plus, il faut attendre des règlements pour beaucoup de détails importants.
Mais on peut d'ores et déjà confirmer que c'est un grand cadeau au secteur santé à but lucratif et une grosse imposition sur les travailleurs et contribuables.
Le parasite tuera peut-être moins d'hôtes, mais il leur sucera davantage de sang.
Toutefois, Peter apporte une note un peu plus optimiste à tout cela. Il raconte:
J'ai assisté à la convention annuelle de "Physicians for a National Health Program" à Washington DC et c'était encore meilleur que l'année précédente. Entre autres, on a rencontré le député John Conyers, sponsor principal de la proposition de loi HR 676 "Expanded and Improved Medicare for All"; on a pu apprendre que le service de santé le plus socialiste du pays (la Veterans Health Administration, pour les blessés de guerre) obtenait actuellement les meilleurs scores pour la qualité des soins (même comparée à la Mayo Clinic, Sloan-Kettering, etc.), tout en affichant le meilleur rapport qualité/coût; on a pu tchatcher avec un économiste canadien spécialiste des systèmes de santé; et on a eu droit a une mise à jour excellente sur le National Health Service par une toubib anglaise venue exprès pour. (Cette dernière s'est présentée en disant, *"I've come from the land of socialized medicine to islands of excellence in a sea of misery." Bingo.) C'était bonnard et j'ai beaucoup appris.
D'autre part, l'État du Vermont - foyer de notre unique sénateur "socialiste démocratique", Bernie Sanders - a récemment fait adopter le "Green Mountain Care", programme qui promet de fournir une couverture compréhensive aux tarifs réglementés à l'ensemble des citoyens de l'état.
C'est un premier pas vers un système de santé conçu pour servir les patients et non pour enrichir au maximum le secteur médical. Il y en a qui espèrent que le Vermont servira d'exemple aux autres États (et à la longue, au gouvernement fédéral), comme le Saskatchewan au Canada.
Finalement, la Cour suprême va statuer sur la constitutionnalité d'ObamaCare en 2012. (Les débats sont prévus pour le mois de mars.) Si la loi est invalidée en tout ou en partie, on aura la possibilité de faire mieux.
(*Je suis venue du pays de la médecine "socialisée" pour arriver sur des ilots d'excellence entourés d'un océan de misère.)
Texte de Peter, Seattle, état de Washington.
http://blog.emceebeulogue.fr
Actuellement, on a le système de santé de loin le plus cher, le plus inefficace, le plus parasitaire, le moins compréhensif, le moins protecteur et le moins égalitaire du Premier Monde.
L'accès aux soins n'est pas garanti et pour les non-assurés, et même beaucoup d'assurés, il n'y a aucune limite sur les dépenses médicales qui peuvent être mises à la charge du patient (à part la faillite personnelle, dont les protections sont nettement moins généreuses depuis 2005).
Les dépassements d'honoraires sont courants et ne sont souvent pas signalés à l'avance (surtout dans les cas d'urgence).
Pour le secteur santé à but lucratif (et les boîtes de recouvrement et les avocats spécialistes en faillite), c'est l'Eldorado.
Sous l'ObamaCare, on aura toujours le système de loin le plus cher, le plus inefficace, le plus parasitaire, le moins compréhensif, le moins protecteur et le moins égalitaire du Premier Monde.
L'accès aux soins ne sera toujours pas garanti, mais l'accès à l'assurance sera facilité (et obligatoire, sauf dérogation quand les primes, même subventionnées, sont inabordables).
Ce sera globalement ENCORE PLUS CHER qu'avant - cela nous coûtera au moins 2% du PIB de plus - mais les coûts seront mieux répartis et les primes d'assurance des moins riches seront subventionnées.
Un grand pourcentage des factures médicales restera à la charge du patient (40% en moyenne pour les moins bien assurés, avec des polices "bronze"), mais le montant des sommes non prises en charge sera plafonné et les dépassements d'honoraires seront en principe interdits (la structure des plafonds est beaucoup trop compliquée pour que je la résume. D'après ce que j'ai pu comprendre, la loi permettra en 2014 des polices avec une franchise de 4.900€ par an, que le patient aura à payer de sa poche avant de se faire rembourser quoi que ce soit pour les soins "non préventifs".)
Au lieu de 59 millions de sans-assurance, on n'en aura plus qu'entre 25 et 30 millions (23 millions selon les prévisions officielles, mais personne n'y croit). Mais comme le conventionnement et la tarification des fournisseurs de soins se feront toujours police par police, on conservera une médecine de classe: bonne pour les riches; moins bonne pour les moins riches; plus ou moins adéquate pour les pauvres; et minime pour les sans-assurances.
Et pour le secteur santé à but lucratif, cela demeurera l'Eldorado.
On ne sait toujours pas le minimum de soins que les polices ObamaCare seront obligées de rembourser.
L'Institute of Medicine a proposé que cela se base sur ce que les assurances des petites entreprises offrent actuellement, c'est à dire une couverture squelettique (au sens figuré).
Par contre, on commence à avoir une idée de ce que veut dire la gratuité sous l'ObamaCare des soins dit préventifs: Preventive care: It's free, except when it's not -... ("Soins préventifs: ils sont gratuits, sauf quand ils ne le sont pas").
Pour que vous ayez une idée concrète de ce qui arrive en l'absence de conventionnement et de tarification uniformes, je vous donne quelques exemples:
Etat de Washington
Dans beaucoup de polices d'assurance dans mon état (état de Washington, NDLR), le seul ticket modérateur pour consulter un généraliste vient de passer à $40=31€. (La somme qui reste à la charge de l'assuré chez nous est donc supérieure au plein tarif conventionnel chez vous.)
Il y a huit ans, le tarif d'une "courte visite" (de deux ou trois minutes) chez un généraliste dans une clinique communautaire à Seattle (les cliniques les moins chères, subventionnées à l'époque par l'État et le comté) était de $90=70€.
Il y a un an, le tarif d'un généraliste conventionné par la police d'assurance des employés de la boîte d'informatique où travaillait mon frère à San Diego, pour une courte visite de deux minutes pour orientation vers un spécialiste (pour redresser un nez cassé), était $200=154€. (Somme non prise en charge, car mon frère n'avait pas épuisé sa franchise annuelle de $2000=1545€.).
Il y a huit ans, une seule intervention gamma knife pour ma mère nous a été facturée à $50.000=38.625€, dont seulement $10.000=7.725€ pris en charge par son assurance (pour fonctionnaires de l'État de Washington). Au bout de trois mois de pourparlers, l'hôpital a baissé la facture à $30.000=23.174€, ne laissant plus que $20.000=15.450€ à notre charge.
Il y a huit ans, les pilules anti-nausée de ma mère (qui luttait contre le cancer et en avait besoin tous les jours pendant un an et demi) nous étaient facturées à $1500=1159€ par mois. La boîte privée chargée de contrôler les coûts pharmaceutiques des assurés de l'État prétendait que la dose normale était de deux jours par mois et ne voulait donc nous rembourser que le quinzième de ce qu'on payait. Il a fallu des menaces de poursuites en justice (crédibles, avec énumération des moyens de cause) pour qu'ils fassent marche arrière.
Enfin, on nous a facturé $500=385€ (non pris en charge) pour transporter le cadavre de ma mère au service de pathologie à un kilomètre de chez mes parents. (Si elle avait été vivante, cela ne m'aurait pas étonné qu'on nous demande au moins le double ...).
Et cela me rappelle un autre exemple. À une réunion de syndicalistes, retraités, religieux, engagés politiques, et autres pour "sauvegarder" la Social Security, Medicare et Medicaid, j'ai rencontré une femme qui était épileptique et pour qui les primes d'assurance étaient donc inabordables. À chaque fois qu'elle fait une crise épileptique dans un lieu public, on la met dans une ambulance (qu'elle n'est pas en état de refuser), on la transporte à la salle des urgences et on lui facture environ $4000~3000€.
D'après ce que je sais des tarifs des ambulances et des salles d'urgence pour les non-assurés qui ne bénéficient d'aucune convention tarifaire, cela me paraît tout à fait crédible.
Pour mettre tout ça en perspective, je rappelle que le SMIC brut américain est inférieur au SMIC net français, avec des assurances sociales minimes (pas de congés payés, pas de congés maladie, etc.).
En bref, au lieu de négocier des prix justes, adéquats et uniformes comme cela se fait partout ailleurs au Premier Monde, aux Etats-Unis, on "contrôle les coûts" en en mettant le plus possible à la charge du patient.
Vu qu'on dépense environ le double par rapport à vous autres, que nos coûts médicaux augmentent plus rapidement que les vôtres et qu'on se trouve presque derniers dans les statistiques de santé de l'OCDE, il est évident que les théories des marchés parfaits et d'aléa moral s'appliquent très mal aux systèmes de santé.
Quelle attitude ont les Américains envers l'assurance maladie universelle?
Ils ne se rendent pas compte qu'ils se font beaucoup plus arnaquer par le secteur privé qu'ils ne le seraient par le secteur public.
Ils ne veulent pas payer d'impôts, mais ils se rendent pas compte que nos impôts "santé" sont plus élevés que dans la grande majorité des pays à assurance universelle (Aux USA, les impôts payent déjà, directement ou indirectement, environ 60% des coûts médicaux. Seulement, nos coûts, incontrôlés, sont tellement plus élevés qu'ailleurs que nos impôts "santé" excèdent ceux des pays à couverture universelle.).
Ils ont peur que le gouvernement leur dise quel médecin il faut consulter, dans quel hôpital et pour quels soins. Ils ne se rendent pas compte que c'est précisément ce que font les compagnies d'assurance privées et qu'ils ont nettement moins de choix que les assurés des autres pays développés (il est courant qu'un salarié américain ait à changer de médecin tous les deux ou trois ans, à chaque fois que son employeur change de couverture médicale et, donc, de liste de médecins conventionnés, ou bien à chaque fois qu'il change de boulot.).
Ils ne veulent pas payer pour les chômeurs, pour les Noirs, pour les Mexicains, pour les immigrés, bref, pour ceux qui "n'ont pas réussi dans la vie faute d'efforts" et qui ne méritent, donc, aucune aide. Ils se rendent pas compte que cela leur reviendrait moins cher "d'aider" les "sans mérite", ni qu'ils pourraient fort bien se trouver dans cette situation un jour.
Ils sont matraqués par la propagande de la "Big Health" (grands groupes privés qui gèrent le secteur de la Santé, NDLR), et c'est devenu pratiquement impossible de faire valoir des faits et opinions contraires dans les médias à grande diffusion.
La "Fairness Doctrine" ("principe d'impartialité" qui imposait aux médias de présenter des avis divergents et des débats contradictoires sur un sujet donné, NDLR) a été révoquée (à partir de '87) et les chaînes de télé et de radio ne sont plus tenues de présenter des informations équilibrées et impartiales. De plus, le secteur santé - surtout les groupes pharmaceutiques et les hôpitaux - achète des milliards de dollars de pub par an et les médias sont devenus très soucieux de ne pas cracher dans la soupe.
En conclusion: La loi ObamaCare (officiellement Patient Protection and Affordable Care Act of 2010, soit PPACA ou ACA), qui fait environ 2000 pages, est hyper compliquée et truffée d'exceptions et d'échappatoires. De plus, il faut attendre des règlements pour beaucoup de détails importants.
Mais on peut d'ores et déjà confirmer que c'est un grand cadeau au secteur santé à but lucratif et une grosse imposition sur les travailleurs et contribuables.
Le parasite tuera peut-être moins d'hôtes, mais il leur sucera davantage de sang.
Toutefois, Peter apporte une note un peu plus optimiste à tout cela. Il raconte:
J'ai assisté à la convention annuelle de "Physicians for a National Health Program" à Washington DC et c'était encore meilleur que l'année précédente. Entre autres, on a rencontré le député John Conyers, sponsor principal de la proposition de loi HR 676 "Expanded and Improved Medicare for All"; on a pu apprendre que le service de santé le plus socialiste du pays (la Veterans Health Administration, pour les blessés de guerre) obtenait actuellement les meilleurs scores pour la qualité des soins (même comparée à la Mayo Clinic, Sloan-Kettering, etc.), tout en affichant le meilleur rapport qualité/coût; on a pu tchatcher avec un économiste canadien spécialiste des systèmes de santé; et on a eu droit a une mise à jour excellente sur le National Health Service par une toubib anglaise venue exprès pour. (Cette dernière s'est présentée en disant, *"I've come from the land of socialized medicine to islands of excellence in a sea of misery." Bingo.) C'était bonnard et j'ai beaucoup appris.
D'autre part, l'État du Vermont - foyer de notre unique sénateur "socialiste démocratique", Bernie Sanders - a récemment fait adopter le "Green Mountain Care", programme qui promet de fournir une couverture compréhensive aux tarifs réglementés à l'ensemble des citoyens de l'état.
C'est un premier pas vers un système de santé conçu pour servir les patients et non pour enrichir au maximum le secteur médical. Il y en a qui espèrent que le Vermont servira d'exemple aux autres États (et à la longue, au gouvernement fédéral), comme le Saskatchewan au Canada.
Finalement, la Cour suprême va statuer sur la constitutionnalité d'ObamaCare en 2012. (Les débats sont prévus pour le mois de mars.) Si la loi est invalidée en tout ou en partie, on aura la possibilité de faire mieux.
(*Je suis venue du pays de la médecine "socialisée" pour arriver sur des ilots d'excellence entourés d'un océan de misère.)
Texte de Peter, Seattle, état de Washington.
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