La conspiration contre la Syrie s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle stratégie états-unienne imaginée dans le but de s’adapter et d’exploiter les changements survenus dans le monde arabe. Washington a mis en œuvre ce plan visant à affaiblir la Syrie et à la plonger, si possible, dans le chaos, sous prétexte d’appuyer des réformes, alors qu’en Arabie saoudite et à Bahreïn, les appels aux réformes sont ignorés et la répression est passée sous silence.
En Égypte, les États-Unis ont essuyé une grave perte et subi une grande déception avec la chute du président Hosni Moubarak et du général Omar Sleiman, en qui Washington plaçait tous ses espoirs pour diriger le régime après la révolution dans un souci de continuité au niveau de la politique étrangère et des engagements envers Israël.
L’élan du peuple égyptien a pulvérisé le plafond sous lequel les États-uniens souhaitaient maintenir la révolution du 25 janvier. Et même s’ils continuent de disposer d’une importante influence au sein du Conseil militaire suprême, à travers, entre autres, le chef d’état-major Sami Annan, les stratèges et les décideurs US ont estimé que les dynamiques libérées en Égypte constituaient un grave danger et risquaient d’initier des changements existentiels pour l’État hébreu, surtout si le nouveau pouvoir égyptien décidait de se rapprocher de la Syrie et de s’éloigner des accords de Camp David.
La riposte états-unienne s’est alors articulée autour deux axes :
- 1. Renforcer et protéger contre tout mouvement de contestation le régime saoudien, qui constitue le dernier pilier de l’« axe arabe modéré ». Cette décision s’est concrétisée dans la couverture totale apportée à l’occupation de Bahreïn par des troupes saoudienne et d’autres pays du Golfe, afin d’écraser la révolte dans ce petit archipel de 750 km2, dont la population réclame l’instauration d’une monarchie constitutionnelle.
- 2. Après avoir stabilisé la situation à Bahreïn et au Yémen, les États-Unis se sont tournés vers la Syrie. Affaiblir la Syrie permet, en effet, de fixer des limites au changement qui s’opère en Égypte, oblige le nouveau pouvoir au Caire à rester confiné dans le cadre étroit des accords de Camp David et modifie le rapport de force régional dissuasif établi par l’axe anti-impérialiste. Les fortes pressions exercées sur la Syrie visent donc à affaiblir le régime de telle sorte à le jeter dans les bras des États-Unis et de l’Arabie saoudite.
Il va sans dire que tout affaiblissement de la Syrie réduit l’efficacité du rôle iranien dans le conflit israélo-arabe, pour des raisons stratégiques et géographiques, et aura une influence directe sur les changements intervenus dans la politique de la Turquie, qui s’est articulée ces cinq dernières années sur un partenariat avec la Syrie, qui forme le noyau d’un axe régional duquel est exclu Israël. Or l’objectif stratégique des États-Unis est de former un système régional dont le cœur et le moteur seraient l’État hébreu. Damas avait fortement contribué à faire échec à ce plan dont le premier acte était l’invasion de l’Irak.
C’est pour toutes ces raisons que Washington fait preuve d’un grand enthousiasme à l’égard du mouvement de réformes en Syrie et lui assure un soutien à travers un dispositif politique, médiatique et sécuritaire fourni par un réseau régional saoudo-libano-jordanien, qui anime des groupes et des personnalités syriennes, connus pour leurs liens avec les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux.
Le combat pour le contrôle de la Syrie a toujours été le principal enjeu des offensives impérialistes et colonialistes. Et les États-uniens, qui dirigent depuis 40 ans avec Israël, l’offensive impérialiste contemporaine, connaissent bien cette réalité stratégique. Cette fois, ils mènent leur combat contre le président Bachar el-Assad d’une manière directe, avec des outils et des forces qui leur sont totalement inféodées.
Il s’agit d’un combat entre le projet d’Assad, visant à instaurer un Orient arabe réellement indépendant, et un Proche-Orient sous hégémonie israélienne ; d’une lutte entre Assad et Obama sur l’Égypte et ses orientations à venir à l’égard de la Palestine et d’Israël.
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