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Les nouveaux chiens de garde font leur cinéma

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Les nouveaux chiens de garde font leur cinéma
En 1997, deux ans après le mouvement social de novembre et décembre 1995, la publication des Nouveaux chiens de garde, le livre de Serge Halimi, avait jeté un sacré pavé dans le marécage. Les bouledogues et les toutous sont de retour : ils sont sur grand écran, grâce au film de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat. Allez les voir !

Depuis une quinzaine d’années, des livres (comme ceux de Pierre Bourdieu et Serge Halimi), des films (comme ceux de Pierre Carles), des journaux (comme PLPL, puis Le Plan B) et l’association Acrimed (son site et désormais, Médiacritique(s), son magazine) contribuent à une critique radicale et intransigeante des médias qui s’était assoupie pendant les décennies précédentes. Le film, à la fois analytique et pamphlétaire, reprend et prolonge cette critique avec une rare efficacité : on ne sera pas surpris que nous le pensions, puisque le combat que livre ce film est aussi le nôtre (et que nous agissons depuis longtemps ensemble avec les réalisateurs et les auteurs) !

Les grincheux diront (et certains l’ont déjà dit) : « On le savait déjà ! » Mais pourquoi ne le disent-ils pas publiquement, plus souvent, et à un large public ? Les demi-habiles, que la satire défrise quand ils n’en sont pas les auteurs, diront : « C’est plus complexe ». Et il est toujours bon de l’affirmer, puisque c’est toujours vrai et vrai de tout. Mais tandis que les très-subtils se perdent dans les méandres de la complexité qu’ils caressent et qu’ils se bornent souvent à proclamer parce qu’elle les protège de toute prise de position, les chiens de garde aboient… et la (petite) caravane des forts en thème continue de se gargariser.

Pourtant les choses sont simples : « Mon pouvoir, excusez-moi, c’est une vaste rigolade. Le vrai pouvoir stable, c’est le pouvoir du capital. Il est tout à fait normal que le vrai pouvoir s’exerce. » On pourrait s’arrêter sur cette phrase de Franz-Olivier Giesbert [1] et considérer que tout est dit. Ce n’est pas tout à fait exact… Il y a bien d’autres choses à dire. Et le film, sur le ton satirique qui est le sien, le dit. En très résumé, c’est dans la bande annonce :

Les Nouveaux chiens de garde : bande-annonce http://blip.tv/file/get/Acrimed-BandeAnnonceDesNouveauxChiensDeGarde628.flv

Indépendance, objectivité et pluralisme : les ambitions fièrement affichées par les très hauts gradés des principaux médias ne résistent pas à l’épreuve. Certes, la France n’est pas la Corée du Nord... Mais, grâce à ce film, et entre autres, on apprendra comment la rédaction de TF1 protège les intérêts de son employeur le groupe Bouygues ; on découvrira comment les mandarins du journalisme se vendent (et quels sont les tarifs de leurs « ménages ») ; on appréciera les prestations des experts en expertise qui papotent partout et s’égarent souvent : pathétiques gardiens de l’ordre économique et social, qui, de Michel Godet à Élie Cohen en passant par Alain Minc, tournent en boucle entre les entreprises et les plateaux de télé sans cesser de marmonner la même antienne libérale depuis plus de vingt ans. Et parce que rien n’est plus efficace que le témoignage des intéressés eux-mêmes, la voix off, caustique, laisse la parole à la ribambelle des vedettes en tout genre : éditocrates, patrons, présentateurs, pseudo-savants. De moins médiatiques invités (par les réalisateurs) ponctuent le scénario de quelques remarques acides : les économistes Frédéric Lordon et Jean Gadray, le journaliste Michel Naudy, le sociologue François Denord et Henri Maler, l’un des fondateurs d’Acrimed.

Et comme ce film n’est pas un simple produit de consommation – livré aux consommateurs de contestation – qu’il n’est, somme toute, qu’un point de départ et non un point d’arrivée, sa projection sera suivie un peu partout de débats, dont vous trouverez la liste ici.

Qu’on se le dise !

Acrimed

- Pour en savoir plus, un site : « Les nouveaux chiens de garde »

Notes

[1] France inter, 1989


Un goûteur du Monde a testé Les nouveaux chiens de garde
C’est Jacques Mandelbaum qui s’y est collé, dès le 10 janvier, sur lemonde.fr. Cela commence plutôt bien : « Nombre d’arguments, frappés au coin du bon sens ou nourris par la pensée critique du sociologue Pierre Bourdieu, portent ». Et, plus loin : « Voilà des exemples qui méritent, incontestablement, d’être relevés et qui appellent à tout le moins au débat ». Jusqu’ici tout va bien. Mais après, ça balance…
Et le moins que l’on puisse dire est que les deux principaux « arguments » laissent pantois.
Le premier : le film attaque des personnes, puisqu’il a recours à « la stigmatisation individuelle ». Quelle horreur ! Notons tout d’abord que c’est la loi de toute satire. Mais surtout, en l’occurrence, c’est faux : les individus en question ne sont pointés que comme incarnations des positions de pouvoir qu’ils occupent et des prédispositions aux abus de pouvoir du petit monde auquel ils appartiennent. Cette compassion pour les individus sous la plume d’un journaliste – du Monde de surcroît – est proprement hallucinante. Car, voyez-vous, jamais au grand jamais, les journalistes – du Monde notamment – ne prennent à partie des individus ! Si, si : on ne rêve pas. On peut être journaliste au Monde et ne jamais le lire ! Il est vrai que les personnes mises en cause par le film sont, elles aussi, des individus. Mais, voyez-vous, il y a pour certains journalistes – du Monde parfois – des individus qui le sont plus que d’autres : les patrons de presse, les gradés du journalisme, les experts tous plateaux. Pas touche ! Ou, gare au populisme !
Car, deuxième critique : le film n’accorde pas de droit de réponse aux « individus stigmatisés ». L’argument est tellement puissant qu’il est asséné à deux reprises, qualifié, entre autres, de « procédé contestable ». Et le journaliste du Monde de dénoncer « une structure peu favorable […] à l’expression du pluralisme des opinions et de la complexité du réel ». Passons sur les droits de réponse dont ne bénéficient jamais ceux qui ne soupçonnent pas qu’ils pourraient les réclamer ou ceux qui ne les obtiennent pas, car le territoire de l’immunité journalistique, sur ce point, est bien gardé. Passons sur l’invocation novatrice du pluralisme au cinéma ! Mais laissons-nous griser par cette hypothèse : un film d’une heure 40 devrait en consacrer la moitié à donner la parole à ceux qu’il met en question : ceux-là même qui ont des kilomètres de papier journal et des centaines d’heure d’antenne d’avance et qui, malgré le film, continueront à barbouiller les colonnes des « tribunes libres » – du Monde, entre autres – et à monopoliser les micros !
Si on osait, on risquerait l’outrance : le pluralisme, – selon tel journaliste du Monde – ce serait 5 minutes pour Hitler et 5 minutes pour les Juifs... Mais nous avons, nous aussi, nos accès de modération. Disons donc simplement qu’il ne suffit pas aux patrons des médias, aux éditorialistes-animateurs-présentateurs de monopoliser un droit d’expression qu’ils ne concèdent que chichement et pour le fun à ceux qui les contestent : il faut aussi que ceux qui contrôlent l’accès aux grands médias aient accès à tous les autres, film d’une heure 40 inclus !
Il faut dire que les chômeurs (ces assistés), les fonctionnaires (ces paresseux), les grévistes (ces preneurs d’otage), les jeunes des quartiers populaires (ces barbares), les femmes (qui peuvent être chômeuses ou fonctionnaires, voire grévistes ou banlieusardes et, dans tous les cas, maltraitées) – la liste est longue – ne sont pas des individus, ce sont des « troupes » [1 ]. Qu’ils et elles se taisent, et laissent parler ceux qui les méprisent. Et surtout, que celles et ceux qui osent remettre en question les mécanismes de diffusion de l’information n’oublient jamais, lorsqu’ils le font, de tendre le micro (ou d’ouvrir leurs colonnes) aux omniscients qui auront probablement un avis éclairé à offrir à un public habitué grâce à eux au « pluralisme des opinions ».
Tous les journalistes ne sont pas ivres de puissance. Tous ne caressent pas les chiens de garde dans le sens de leur pelage. Même au Monde, nous le savons. Et comme, même au Monde, il en est qui ont trouvé le film intéressant voire convaincant – nous le savons aussi –, à ceux-là nous adressons une prière : s’ils croisent dans les couloirs l’auteur de la critique qui est parue dans le « quotidien de référence », qu’ils lui sourient : il doit être très déprimé en ce moment, comme un caniche privé de Royal Canin.
Henri Maler (avec Julien Salingue)

Notes

[1 ] Voir H. Maler et M. Reymond, Medias et mobilisations sociales, Paris, Syllepse, 2007.

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