F/B European Express - port de Chios Août 2011 |
Silence relatif. Depuis ce matin nos journalistes sont en grève. Pas d'informations, ni à la télévision ni à la radio durant 48 heures. Internet demeure alimenté, mais on reste un peu sur sa faim. Dans les transports en commun on a également cessé le travail, sauf sur la plus ancienne ligne du métro. Certains bus circulent et ainsi les manifestants d'aujourd'hui se trouveront sur le chemin du pavé. Les avocats, les médecins et les marins sont aussi en grève. Ce n'est pas une grève générale pourtant, mais les bouchons sur les routes sont de retour, sans pour autant prendre les proportions du passé, car, ceux qui ne travaillent plus sont visiblement nombreux.
Nous savourons par cette même occasion le manque de méta-commentaire économique, le silence des analystes, l'effacement des Cassandre, forcement, toutes mauvaises. A quoi bon d'ailleurs tout cela ? Nous en savons suffisamment maintenant pour se laisser enfin mourir dans la sagesse ultime. Les marchés, les banques, la corruption, le simulacre démocratique et son avant-dernier épisode, la Papadémocratie. Les «débats» internes au P.S., à la droite, et même à l'autre gauche, laissent beaucoup d'entre nous, indifférents. On tourne le bouton de la radio dès que les «responsables» politiques s'approchent du micro, les journaux télévisés voient leur audience chuter comme jamais auparavant. C'est aussi cela la fin d'un monde.
Nos préoccupations, tiennent d'abord de notre survie et ensuite du concret. Surtout dans l'acte politique. Il ne s'agit pas de réinterpréter Marx une fois de plus, ni même de revisiter Polanyi. Le vrai politiquement correct de la cuvée 2012, se résume par exemple à la façon dont on combat la décision de faire couper l'électricité à plus de 20.000 foyers cette semaine par une température digne de … Bruxelles, pour non paiement des factures contenant la nouvelle taxe immobilière, décidée par les gestionnaires de la baronnie. Certains syndicalistes agissent déjà, rétablissant le courant chez les plus pauvres (mais il s'agit de la moitié de la population du pays), d'autres, empêchent les procédures en cours, d'autres enfin examinent d'autres formes de ...lutte. Dans la Grèce rurale surtout, il y en a qui prétendent préparer leurs fusils de chasse et autres armes, si gentiment collectionnées par exemple en Crête par … fidélité à la tradition.
Chez Sklavenitis |
Ce matin justement, ma tante E. vient de téléphoner depuis notre Grèce rurale se plaignant par la même occasion, de la basse température en ce moment au centre du pays. Elle n'a pas payé la taxe immobilière, mais accompagnée par son mari, elle vient de déposer un dossier, auprès du fisc et de la compagnie d'électricité, pour en être exemptés. Raisons économiques objectives. Depuis le tollé unanimement provoqué à travers tout le bas monde, les bancocrates ont accordé une difficile et en somme fragile, concession. Ma tante et son mari touchent à peine 800 euros par mois de retraite, leurs deux pensions cumulées. Ils se chauffent au bois et ils ont condamné pratiquement toute leur maison, vivant en hiver dans la cuisine. L'objet du coup de fil était pas visiblement politique, ma tante veut s'assurer de ma présence au village lors de la messe anniversaire, en mémoire de son fils, mon cousin, étant décédé suite à une longue maladie. Cela fera un an tout juste dans quelques semaines et tout le monde sait que nos déplacements sont désormais difficiles à … financer. Se rendre d'Athènes à Salonique, nous parait aussi coûteux, qu'une expédition de la NASA sur la planète Mars ! C'est pour cette même raison que le mouvement de 2010 «je ne paie plus les péages» est en perte de vitesse. Je me souviens des vacances de Noël 2010. Nous nous rendions massivement dans nos villages depuis Athènes pour se reposer d'abord auprès des nôtres, puis afin d'y revenir, le coffre plein de choux et d'œufs. Nous ne voulions pas payer en plus de l'essence au prix fort, les péages augmentés. Ceci était avant tout, un acte politique. Nous levions alors les barrières lors des passages, et ceci par milliers. Mais en 2011 et progressivement, les déplacements sont devenus un vrai luxe. Ainsi, on ne rencontre que les grosses cylindrées le plus souvent, sur autoroute. Eux, leurs propriétaires, peuvent payer l'autoroute, ils ont suffisamment triché gros selon la croyance en cours, pour ne pas vouloir se mettre les pseudo-autorités sur le dos, pour des broutilles. Certains d'entre eux, immatriculent même leurs engins en Bulgarie, où ils domicilient leurs vrais – fausses sociétés commerciales. Ils font partie des grecs-piliers, de l'ancien monde. Donc ils sont haïs de plus en plus. Et surtout ils sont inquiets. Pas sans raison. Plus que le fisc, ils craignent les … aléas de la route. Telle une très jeune femme, BCBG, au volant d'une BMW, SUV de luxe immatriculé en Bulgarie, acheté dans les 80.000 euros. Arrêtée durant un moment au feu rouge, elle a bien senti le syllogisme des piétons. Elle a surtout décodé leur regard, bien sombre. Monter sa richesse, et ... en même temps sa façon de dire m... à tout le monde deviendra vite un comportement risqué. C'est une question de semaines à mon avis. Ne pouvant pas si facilement … retourner le bâton sur les Papadémiques, les premiers riches sur la file de gauche ou sur celle de droite, en paieront les frais. Bientôt, ils ne s'arrêteront plus aux feux rouges, comme à Bogotá. Car une des particularités de notre classe ex-moyenne, c'est son brassage, en tout cas territorial, la presque non- ghettoïsation. Donc en attendant la … Cité de Dieu en 3D à Delphes, on se barricade déjà. Et pas seulement les tricheurs. Georges, une connaissance de mon ancien univers professionnel, travaillant heureusement encore dans les arts visuels pour une maison d'édition qui n'a pas encore fait faillite, suit une formation accélérée dans les arts martiaux. Décidément, être … artiste, ça se mérite. Au programme, mais d'une manière non officielle, maniement des couteux et d'autres lames. Toute une culture de guerre en lame de fond me semble-t-il, on aura vraiment de quoi remplir le prochain historial de la future Grande Guerre ! Arts martiaux et apprentissage de la langue allemande sont chez nous très à la mode. C'est sans doute l'intégration européenne dans un stade ultime, contenant à la fois «l'élargissement» et «l'approfondissement». L'année s'annonce …. challenging comme on dit en anglais. Nous y sommes presque, enfin.
Ma pauvre tante est bien loin de tout cela dans un sens. Au sein de sa famille nucléaire, le deuil a bouleversé tout chronométrage événementiel, ainsi que sa toute dernière conception des trois mondes. Le monde d'en haut, le monde d'en bas et la Troïka. Cette dernière est certes présente, mais notre deuil total lui est secondaire. Néanmoins, ma tante reste concernée. Pour le tombeau, elle a eu une vraie ristourne, le prêtre, pour une fois, au lieu de demander de l'argent pour la cérémonie, il en donne. Sachant que cette famille est pauvre il a déjà laissé deux cent euros. Donc, l'église ce n'est pas que les offshore des monastères. Puis, pour les gâteux et les autres sucreries traditionnelles, la parentelle étendue et les voisins contribuent beaucoup plus que par le passé. Pas forcement en apportant de l'argent, mais dans les préparations. Avant la Troïka, y compris dans les campagnes, certaines préparations de ce type, assuraient une clientèle potentiellement certaine aux pâtissiers – boulangers du coin. Naître, se marier ou mourir c'est en somme banal. Plus maintenant. Certes … le fait de mourir demeure une valeur sûre, mais il y a moins de mariages et encore moins de naissances en ce moment.
Tante E. était bien anxieuse au téléphone pour une autre raison. «Écoute bien mon enfant, ce matin en se réveillant, nous avons trouvé un canard sauvage dans notre jardin. Un gros en plus. Il était blessé, il boitait. Affaibli dans son état, il avait faim, par -6 º C, tu vois. Nous lui avons donné un peu de pain. Ton oncle, tu le connais toi, il n'a pas voulu qu'on le touche, moi je pensais l'égorger, tellement c'était facile. Tu te rends compte, trois kilos de viande, de quoi manger une semaine, moitié en soupe, moitié au four. Nous nous sommes disputés avec ton oncle. Entre temps, le canard s'est envolé car il a repris du poil de la bête. Les temps ont changé mon enfant, nous ne pouvons plus laisser s'envoler notre toute dernière chance, car avec tous ces démons qui nous gouvernent ….».
Bouchons - Athènes 17-01-2012 |
Au même moment, et en ville nous nous demandons si nos démons ne nous préparent la prochaine étape du thriller, à l'abri des médias, car les médias, même vendus demeurent utiles. Certains grands journalistes de l'ordre nouveau, et depuis toujours, comme Pretenderis, retournent leur veste semble-t-i. Ses récentes positions tiennent du discours anti-mémorandum. C'est peut-être sincère, sur ce sujet d'autres journalistes ont ironisé à travers les ondes de la radio hier. Ce n'est plus vraiment important je pense. Mais cela prouve que ... Août 1914 est imminent. Donc, nous honorons notre mois de janvier comme jadis ce … juillet si particulier. Hier, j'ai voulu me rendre dans un hypermarché de l'enseigne Sklavenitis. Un acteur grec de la branche. Eh bien c'est vrai. Il y avait grande foule. Pour s'approvisionner au quotidien et pour constituer ses stocks. Les gens ne le disent pas tout à fait ouvertement mais tout est dans la nuance. La caissière me l'a confirmé. Lorsque la grande distribution registre jusqu'à 30% de baisse dans son chiffre d'affaires, Sklavenitis augmente le sien depuis un an et sans cesse (www.capital.gr ). Cela me semble également vrai en effet. Au détriment de Carrefour notamment. Les comportements changent, ce n'est pas parce qu'il n'y a plus de gouvernement national depuis longtemps que les … nationalisations demeurent impossibles par le bas. Et d'autres initiatives, instinctives ou non, verront le jour, au fur et à mesure que l'état d'occupation dans lequel se trouve notre pays deviendra encore plus clair. On n'approfondit pas longtemps et surtout impunément, l'occupation sur un peuple entier. Le talon d'Achille des bancocrates se trouve ici. Le mille-feuille de la stratification sociale est percé, ainsi la crème d'en haut ne tiendra pas indemne longtemps.
Le sens commun du futur, notera sans doute la «mauvaise route dans l'histoire européenne». À Paris, à Rome et à Athènes on compare déjà et à juste titre notre affaire au sort du Costa Concordia. Tout était prévu rappelle le journal Le Monde (www.lemonde.fr - 17/01/2012) « par le code Solas ["safety of life at sea"]. Un code international édité par l'Organisation maritime internationale et qui traite de la construction des navires, de leur équipement, du déploiement de ces équipements, des exercices de sécurité. Il existe donc des procédures après accident : fermer les portes étanches pour empêcher que l'eau se propage dans les différents compartiments, trouver un endroit pour placer le navire en sécurité. Si l'on n'est pas trop loin des côtes, il faut éviter les zones rocheuses et choisir un endroit plutôt sableux pour procéder aux opérations d'évacuation sans risque que le navire chavire».
Notre presse commente également cette tragédie. Nos forums sur internet s'agitent, les marins grecs se comptant par milliers. Deux naufrages similaires ont eu lieu en Grèce depuis dix ans. Un navire de croisière sur Santorin, un bateau de la ligne du Pirée sur Paros. Tout marin de base, apprend à l'Académie de la Marine Marchande que les moyens de sauvetage sur les bateaux à passagers sont par définition insuffisants, ce qui n'est pas le cas des autres gros navires. Question de rentabilité, la cargaison d'un méthanier ou d'un minéralier rapporte plus et avec moins d'enquiquinement que celle d'un paquebot. Les officiers de la marine marchande expérimentés, se retrouvant commandants ailleurs, le savent fort bien. Même lorsque leur dextérité devient légendaire, comme dans cette approche et amarrage au port du Pirée par le capitaine Diamantis Papageorgiou, (video qui se diffuse sur internet - http://www.arxipelagos.com/showthread.php?t=10027), ils sont conscients des dangers.
En Europe donc, nous avons de la dextérité et de la richesse. À travers notre archipel Égéen par exemple, en dépit du fait que les iles, les unes après les autres se retrouvent sans liaison maritime digne de ce nom, au moins en hiver. Les lignes ne sont plus «rentables», l'État ne les subventionne plus, les armateurs n'y trouvent plus intérêt et l'insularité en prend … pour ses rochets. Les municipalités des petites Cyclades privatisent depuis quelques semaines, pratiquement tous leurs services car il n'y a plus de financement de la part de l'État et l'assiette fiscale locale est maigre, telles les iles de Sikonos et de Kimolos (www.inews.gr – 17/01/2012).
L'Egée, la mer Tyrrhénienne, l'Europe, grand appareillage ? En tout cas, pas de SOLAS prévu pour l'euro. Et pour nous tous ?
http://greekcrisisnow.blogspot.com/
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