L’écoute des médias français, même les plus alignés comme I-Télé, procurent, de loin en loin, de petits plaisirs. Lundi 16 janvier, l »édition de 22 heures du journal de la chaîne d’info de Canal+ consacrait 5 minutes au cas syrien, via une prestation du préposé à la désinformation sur ce dossier – et aussi directeur adjoint de la chaîne - Olivier Ravanello, dont les reportages et interventions se sont toujours signalés – à défaut de se singulariser – par une grille de lecture on ne peut plus conforme aux canons journalistiques de l’atlantisme militant et du démocratisme Facebook.
Angoisse citoyenne : la Syrie pourrait échapper à une invasion humaniste
Ravanello a-t-il changé de ton ou de point de vue sur le cas syrien ? Non, qu’on se rassure. Seulement, et c’est ce qui est un peu réjouissant, Ravanello est inquiet, et même se fait grave à l’antenne : le temps, figurez-vous, est en train de jouer pour Bachar al-Assad ! Diable, serait-ce qu’une gigantesque tempête de sable paralyse les opérations de l’ASL ?
Non, mais vous allez comprendre grâce à l’exposé lumineux et citoyen de M. Ravanello : donc l’ONU, par la voix de l’excellent Ben Ki-moon, s’indigne quotidiennement de l’impunité du régime baasiste, qui d’ailleurs, souligne le M. Syrie d’I-Télé, ne peut plus compter ses alliés que sur les doigts d’une seule main : suit une énumération d’un comique involontaire, les petits doigts en question étant quand même la Russie, la Chine et l’Iran. Heureusement la Ligue arabe, présidée et animée par le Qatar, petit Etat courageux qui sauve l’honneur de la démocratie et de l’humanisme arabes, pourrait – sur proposition du décidément exemplaire Qatar – envoyer une armée arabe en Syrie pour sauver les Syriens de Bachar et sa clique. Mais c’est merveilleux, Olivier, le peuple syrien est donc sauvé !
Hélas non ! Car, et c’est là que le temps, cruel Saturne dévoreur d’enfants, joue en faveur de l’infâme Bachar, le valeureux et désintéressé Qatar perdra la présidence de la Ligue arabe en mars. Et c’est l’Irak qui va lui succéder. Or, explique, le regard plus sombre que jamais, Olivier Ranavello, l’ancien pays de Saddam Hussein est dominé par les chiites et donc est pro-iranien et proche du gouvernement syrien (tiens, au fait, encore un petit doigt à ajouter à la main de Bachar al-Assad !) Bref, d’ici un mois et demi, les merveilleux projets qataris d’invasion arabe de la Syrie, déjà difficiles à mette en oeuvre aujourd’hui, relèveront carrément de la géopolitique-fiction.
C’est vrai qu’il y a de quoi rager pour un journaliste-citoyen entraîné à exciter à la guerre contre cet Etat-voyou de Syrie bachariste. Du coup, Ravanello, un rien mauvais perdant, envoie quelques petites piques contre les observateurs arabes, qui, en substance, détourneraient le regard des atrocités quand Bachar leur dit qu’il n’y a rien à voir ; ou même contre les libérations par le régime de détenus politiques, détenus soupçonnés apparemment par Ravanello d’être des chabihas déguisés.
En résumé, un assez plaisant – mais trop court – exercice de ressentiment républicain distillé par un très grand professionnel de la désinformation, comme nos médias de référence savent en produire. On imagine que, plus jeune, Olivier Ravanello a dû éprouver une joie profonde – autant que citoyenne – en apprenant que l’Oncle Sam allait sauver le monde des armes de destruction massive de feu Saddam (Il a d’ailleurs effectué plusieurs reportages en Irak « libéré » ou en passe de l’être par les G.I.’s). Quelle douleur pour lui que l’Histoire ne se répète pas toujours !
A propos d’histoire, n’oublions pas la morale de celle qui nous occupe : le temps joue en faveur de Bachar ! Merci Olivier.
Info Syrie