Procureur et mis en examen, c’est rare. Mis en examen pour des actes commis dans le cadre des fonctions, c’est très rare. Encore l’affaire Bettencourt…
Vu de loin, qui s’intéresse aux « fadettes » des journalistes du Monde ? Qui s’intéresse d’ailleurs au Monde, le journal du consensus mollasson et bien pensant, avec sa poudre de Perlin Pinpin vertueuse. Le Monde, le soporifique édredon de la vie sociale.
Il n’en reste pas moins que les faits sont là. Un procureur de la République, et pas n’importe lequel – Nanterre – a été mis en examen pour « collecte illicite de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal et illicite » et « violation du secret des correspondances ». Ah. C’est l’exercice des fonctions qui est en cause.
Le procureur proteste de cette mise en examen, annonce qu’il va faire appel et refuse de démissionner. Il a bien raison. La loi lui offre des droits pour se défendre, et pourquoi démissionnerait-il alors que cette mise en examen n’est assortie d’aucune mesure de contrôle judiciaire ?
La prochaine étape, très sérieuse, se tiendra donc devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris, qui peut remettre les compteurs à zéro.
Certes. Mais.
La Cour de cassation, le 6 décembre dernier, a confirmé l'annulation de la procédure ouverte par notre ami commun : « L'atteinte portée au secret des sources des journalistes n'était pas justifiée par l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public et la mesure n'était pas strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ». On ne part pas de rien.
Ce qui est en cause, c’est la capacité des journalistes à faire leur job, ce qui passe par le respect du précieux principe de la protection des sources. François Saint-Pierre, l’avocat du Monde, dénonce des pratiques qu'il assimile à de « l'espionnage ». Courroye/Poutine, même combat ? « Le but du Monde est d'obtenir un procès devant le tribunal correctionnel de Paris, afin que la justice sanctionne cette atteinte délibérée au secret des sources commises par le procureur. Ce qui est en jeu est l'avenir de la liberté de la presse car le respect du secret des sources en est la condition essentielle ».
Si la chambre d’instruction confirmait la mise en examen, cela établirait, selon les termes de l’article 80-1 du Code de procédure pénale « qu’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable » que le procureur a « pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions ». Serait-il possible alors de laisser le procureur en fonction, et dans le même tribunal, pendant le long temps de la procédure ?
Courroye, même s’il s’en défend, était dans les papiers de Sarkozy pour être nommé procureur de la République à Paris. L’affaire Bettencourt l’en a empêché, et le conduit aujourd’hui à cette mise en examen. Les procureurs sont les pivots du système judiciaire, et le rapprochement avec le pouvoir politique, loin de le protéger, les affaiblit. Cette affaire doit être le feu vert conduisant le prochain pouvoir – Sarko, Hollande ou Bayrou – à donner l’indépendance fonctionnelle au Parquet.
Justice : le problème du cordon ombilical
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