Sortie en 2008, la vidéo "The Third Jihad" (le troisième djihad) a de quoi choquer. Sur fond de musique oppressante, on voit entre autres des terroristes musulmans tirer dans la tête de chrétiens, des voitures piégées exploser, des enfants exécutés couverts par des draps et un photomontage montrant un drapeau islamique flottant au dessus de la Maison Blanche.
"C'est le véritable ordre du jour d'une grande partie de l'islam en Amérique, entonne la voix-off. Une stratégie pour infiltrer et dominer l'Amérique... C'est une guerre dont vous ignorez l'existence."
Quatre ans plus tard, le film fait scandale, après la révélation du The New York Times : ce long-métrage a été montré à plus d'un milliers d'officiers dans le cadre de leur formation au sein de la police new-yorkaise. L'information avait déjà été dévoilée en 2011 par le journaliste Tom Robbins sur le site de The Village Voice. Ce dernier avait été alerté fin 2010 par un officier choqué après la diffusion de la vidéo. A l 'époque les autorités s'étaient empressées de minimiser cette information. Le film a été projeté "par erreur à quelques- uns de nos hommes", assurait alors un membre haut placé du NYPD. Faute de preuves, l'affaire s'était essoufflée.
Mais le Centre Brennan pour la justice n'avait pas abandonné le dossier et a demandé, au titre de la loi relative à la liberté de l'information (Freedom Information Law) en vigueur dans l'Etat de New York, la déclassification des documents du département de police. Après neuf mois de bataille juridique plus de doute : la vidéo a été systématiquement montrée sur une période s’étendant de trois mois à un an de formation. Dans ce laps de temps, précise The NYT, au moins 1 489 policiers – "68 lieutenants, 159 sergents, 31 détectives et 1 231 agents de patrouille" – l'ont visionnée d'après un rapport du commandant de l'académie de police, daté du 23 mars 2011.
Cette révélation intervient dans un climat de tension entre la communauté musulmane de la ville et les forces de l'ordre. Ces derniers se prêtant à un espionnage intensif des musulmans et affirmant avoir déjà réussi à dénicher plusieurs complots.
Des zones d'ombre
Le commissaire Raymond Kelly, l'un des chefs de la police new-yorkaise, est présenté par le groupe comme un des "intervenants vedette" de "The Third Jihad", indique The NYT. Si Paul J. Browne, l'un de ses porte-parole a indiqué que les réalisateurs du long-métrage avaient utilisé une ancienne interview, M. Kelly n'a pas demandé le retrait de la vidéo ou clairement nié sa coopération avec le groupe.
Aucun document remis au Centre Brennan ne précise l'identité des fonctionnaires qui ont approuvé la diffusion de ce long-métrage. Les circonstance dans lesquelles la film a été remis au NYDP restent également mystérieuses. Selon un mémorandum non daté, le DVD de "The Third Jihad" aurait été remis à la police new-yorkaise en janvier 2010 par un employé du département fédéral de la sécurité intérieure. Plusieurs mémos auraient été noircis.
Le film, qui dure 72 minutes, a été financé par le Fonds Clarion, une organisation à but non lucratif dont le financement est "énigmatique". Siègent à son conseil un ancien membre de la CIA et un ancien secrétaire d'Etat à la défense de Ronald Reagan. Son précédent documentaire "La guerre à l'Ouest" lui a attiré le soutien du magnat des casinos Sheldon Adelson. Ce dernier, particulièrement engagé dans la défense d'Israël, a investi des millions de dollars, via un super-PAC, pour soutenir Newt Gringrich dans la primaire républicaine. Les appels du NYT au Fonds Clarion n'ont pas été retournés, souligne le journal.