«Les problèmes du monde ne peuvent pas être résolus par les sceptiques ou les cyniques dont l’horizon est limité par les réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé (...) Le changement est la loi de la vie. Et ceux qui ne regardent que dans le passé ou le présent sont certains de rater le futur (...)»
John Fitzgerald Kennedy
La planète va mal! Nous sommes à la fin d’un cycle civilisationnel, celui
de l’abondance et de la consommation débridée de l’Occident. Cette errance
énergétique a été le paradigme d’une croissance construite sur la
négation de la nature et du développement du tiers monde. Résultat des
courses, des inégalités abyssales en termes de développement de consommation
d’énergie entre le Nord et le Sud. La mondialisation laminoir est en train de
casser les dernières défenses immunitaires des pays vulnérables, d’une
part, en leur soutirant d’une façon ou d’une autre au besoin par une
démocratie aéroportée, leurs ressources énergétiques et minières pour le
plus grand bien d’un capitalisme prédateur et sans état d’âme se jouant
de tout, et de toutes les peurs, dressant les uns contre les autres et en
définitive par cette consommation débridée et dangereuse pour la planète et
les hommes, elle précipite l’humanité vers le chaos.
Un petit nombre d’Etats veut imposer une vision du monde basée sur le
postulat de Hobbes de la guerre de tous contre tous et ceci au nom de la
dictature du marché qui sous-tend un néolibéralisme sauvage qui fait fi des
aspirations des peuples, de leurs identités, de leurs espoirs et de leurs
spiritualités. Rien ne doit s’opposer à la mondialisation néolibérale dont
le moteur est justement l’énergie. Cette énergie consommée d’une façon
débridée et qu’il faut à tout prix avoir au besoin par la force et ceci
pour maintenir un niveau de vie illusoire et intenable. Cela ne se fait pas sans
dommage! Tous les conflits actuels ont comme sous-bassement des conflits pour
l’énergie et accessoirement pour l’idéologie qui est souvent religieuse,du
fait que les deux tiers des réserves pétrolières et la moitié des réserves
de gaz sont dans les pays musulmans. Ceci dit, il se pose un véritable
problème de rupture civilisationnelle avec le mythe de la puissance infinie de
l’homme en face de la nature. Fukushima nous invite à être modeste, car
l’homme a délivré le feu de l’enfer et peine à le maitriser.. les nuages
radioactifs mortels n’ont pas besoin de visa pour cette mort silencieuse et
invisible.
Le déclin du pétrole
Pour ajouter à l’anomie du monde, le déclin inéluctable du pétrole est
en train de bouleverser cet appétit de consommation que rien ne peut satisfaire
Dans ´´49 ans´´, il pourrait ne plus rester de pétrole exploitable sur
Terre,´´même si la demande n’augmente pas´´, prévient la banque HSBC
dans un rapport de prospective publié le 22 mars ´´Nous sommes convaincus
qu’il ne nous reste qu’une cinquantaine d’années de pétrole´´,
insiste, dans une interview accordée à CNBC, par Karen Ward, de senior global
economist(1).
Sadad al-Husseini, un géologue et ancien directeur d’exploration de
l’Aramco, la compagnie de pétrole nationale des Saoudiens, a rencontré le
consul général des USA à Riyadh en novembre 2007 selon un cable diplomatique
publié par WikiLeaks et lui a révélé que la capacité de l’Aramco ne
pourra jamais atteindre la production de 12.5 millions de barils par jour. Selon
ce cable de WikiLeaks, le pic pétrolier de l’Arabie Saoudite est prévu pour
2012 C’est un fait, nous allons inéluctablement vers la fin des énergies
fossiles et notamment du pétrole. Soit on organise cette mutation, soit on la
subit. Les choses vont changer de gré ou de force. Et si c’est de force, par
la raréfaction, les prix vont augmenter très brutalement...L’Occident a
trouvé la parade au manque d’énergie: les biocarburants. Pour cela il affame
les vulnérables en convertissant le maïs. Un plein de voiture (225 kg de
maïs) suffit à nourrir un Sahélien pendant une année. Le mythe des schistes
bitumineux et des hydrates, c’est le bilan énergétique qui prime. La
technologie ne peut changer la géologie des réservoirs. La production imite la
découverte avec un certain retard (5 à 10 ans), mais est contrainte par la
demande Les découvertes mondiales de pétrole ont culminé dans les années 60.
Le pic du pétrole peut être un plateau ondulé si l’économie mondiale entre
en crise, ce qui est probable La production mondiale de gaz [ gaz non
conventionnels compris]culminera après le pétrole, mais une pénurie locale de
gaz est probable en Europe, bien avant la pénurie de pétrole.
Les changements climatiques: le danger permanent
Les émissions de CO2 «ont atteint un niveau dangereux» pour James Hansen,
qui dirige l’Institut Goddard d’études spatiales de la Nasa. Il estime que
le réchauffement climatique plonge la planète dans la crise et que le secteur
énergétique tente d’en cacher l’ampleur au public. «Les émissions de CO2
dans l’atmosphère ont d’ores et déjà atteint un niveau dangereux» à 385
particules par million, ce qui représente un «point critique», a expliqué le
spécialiste du climat. Le réchauffement climatique a accru l’intensité des
pluies diluviennes et des inondations dans l’hémisphère Nord au cours de la
seconde moitié du XXe siècle, selon deux études récentes publiées par la
revue Nature et établissant un lien direct entre le changement climatique et
son impact sur des événements météorologiques extrêmes. Sachant que nous
avons émis en 2010 environ 50 gigatonnes de gaz à effet de serre, cela
signifie que nous devons descendre à 15 gigatonnes d’ici 40 ans pour
empêcher un dérèglement massif du climat. Si la demande mondiale continue à
augmenter au rythme actuel, ni les fossiles, ni le nucléaire, ni les énergies
renouvelables ne pourraient y répondre. Il faudrait les ressources de quatre
planètes. Donc, le premier effort doit porter sur les économies d’énergie,
la réduction très forte de consommation des pays riches.
Le démon de l’atome: une guerre contre l’humanité
Le 6 avril, Reuters a signalé que ´´le noyau du réacteur nucléaire de
Fukushima au Japon est entré en fusion et a traversé la cuve du réacteur´´.
Bien pire, en fait, parce que le matériau du coeur en fusion brûle ensuite de
manière incontrôlée à travers la fondation en béton, ce qui signifie que
tous les paris sont ouverts..(...) En fait, les cartes de radioactivité de
l’Institut norvégien pour la recherche atmosphérique (NILU) confirment une
contamination sur la côte Ouest, le Midwest et l’ouest du Canada, et dans
certaines régions plus élevées qu’au Japon. De I’iode-131 radioactif dans
l’eau de pluie échantillonnée près de San Francisco a été trouvé à plus
de 18.000 fois au-dessus des normes fédérales de l’eau potable. Il fait
aussi son apparition dans le lait. (...) Moret a cité deux éminents
scientifiques en nucléaire qui ont déclaré publiquement que le nord du Japon
(un tiers du pays) est inhabitable et doit être évacué. Le Dr Chris Busby est
l’autre spécialiste des rayonnements ionisants. Le 30 mars, il a dit à la
télévision Russia Today que la contamination de Fukushima causera au moins
417.000 nouveaux cancers.(2)
L’humanité est à un tournant
« Les grandes crises comportent, écrit Leonardo Boff, de grandes décisions.
Il y a des décisions qui signifient la vie ou la mort pour certaines
sociétés, institutions ou personnes. La situation actuelle est celle d’un
malade auquel le médecin dit: ou vous contrôler votre taux élevé de
cholestérol et votre tension ou vous devrez vous attendre au pire. Vous
choisissez. L’humanité entière a de la fièvre et est malade; elle doit
décider: ou bien continuer à un rythme hallucinant de production et de
consommation, garantir toujours la croissance du PIB national et mondial, rythme
hautement hostile à la vie, ou bien regarder en face d’ici peu les réactions
du système-terre qui a déjà donné des signes clairs de stress global.»(3)
«(...) Mais ce que nous craignons, c’est, comme beaucoup de scientifiques
l’annoncent, un changement subit, brusque et radical du climat qui
éliminerait rapidement beaucoup d’espèces et serait un grave péril pour
notre civilisation. Les informations de l’IPPC de 2001 faisaient déjà état
de cette éventualité. Celles de la ´´U.S. National Academy of Sciences´´
de 2002 affirmaient que ´´des preuves scientifiques récentes montrent un
changement climatique accéléré et de grande ampleur. Le paradigme nouveau
d’un changement soudain dans le système climatique est bien établi par la
recherche depuis maintenant 10 ans. (...) Si cela nous arrivait, nous aurions à
affronter une hécatombe environnementale et sociale aux conséquences
dramatiques. (...) Chocs pétroliers à répétition jusqu’à l’effondrement
et péril climatique. Voilà donc ce que nous préparent les tenants des
stratégies de l’aveuglement. La catastrophe de Fukushima alourdira encore la
donne énergétique».(3)
Michel Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur avertissent l’Occident et
sa technologie sur sa fuite en avant: «Ce qui change, disent-ils, radicalement
la donne, c’est que notre vulnérabilité est désormais issue de
l’incroyable étendue de notre puissance. Nos démocraties se retrouvent
démunies face à deux aspects de ce que nous avons rendu disponible:
l’atteinte aux mécanismes régulateurs de la biosphère et aux substrats
biologiques de la condition humaine..(...) Enfermée dans le court terme des
échéances électorales et dans le temps médiatique, la politique s’est peu
à peu transformée en gestion des affaires courantes. Elle est devenue
incapable de penser le temps long. Or, la crise écologique renverse une
perception du progrès où le temps joue en notre faveur. (...) Il est
impossible de connaître le point de basculement définitif vers l’improbable;
en revanche, il est certain que le risque de le dépasser est inversement
proportionnel à la rapidité de notre réaction ».(4)
« Nous ne pouvons attendre et tergiverser sur la controverse climatique
jusqu’au point de basculement, le moment où la multiplication des désastres
naturels dissipera ce qu’il reste de doute. Il sera alors trop tard. Lorsque
les océans se seront réchauffés, nous n’aurons aucun moyen de les
refroidir».(4) Enumérant les conséquences de cet autisme, ils écrivent:
«Les catastrophes écologiques qui se préparent à l’échelle mondiale dans
un contexte de croissance démographique, les inégalités dues à la rareté
locale de l’eau, la fin de l’énergie bon marché, la raréfaction de nombre
de minéraux, la dégradation de la biodiversité, l’érosion et la
dégradation des sols, les événements climatiques extrêmes...produiront les
pires inégalités entre ceux qui auront les moyens de s’en protéger, pour un
temps, et ceux qui les subiront. Elles ébranleront les équilibres
géopolitiques et seront sources de conflits. L’ampleur des catastrophes
sociales qu’elles risquent d’engendrer a, par le passé, conduit à la
disparition de sociétés entières. C’est, hélas, une réalité historique
objective. (...) Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaîtra comme une
possibilité envisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus,
lents et complexes, de délibération. Le stade ultime sera l’autodestruction
de l’existence humaine, soit physiquement, soit par l’altération
biologique. Le processus de convergence des nouvelles technologies donnera à
l’individu un pouvoir monstrueux capable de faire naître des sous-espèces.
C’est l’unité du genre humain qui sera atteinte. Il ne s’agit guère de
l’avenir, L’idéologie du progrès a mal tourné. (...) Les enjeux, tant
pour la gouvernance internationale et nationale que pour l’avenir
macroéconomique, sont de nous libérer du culte de la compétitivité, de la
croissance qui nous ronge et de la civilisation de la pauvreté dans le
gaspillage(4).
Stéphane Foucart s’interroge lui aussi sur l’impuissance de l’homme
vis-à-vis d’une technologie qu’en définitive il ne maitrise pas: «Les
médias en font-ils trop? Ici ou là se lèvent quelques voix pour relativiser
le désastre en cours dans la centrale de Fukushima 1. Ensuite, force est de
reconnaître que d’autres sources d’énergie sont bien plus dangereuses que
l’atome. (...) Car ce qui se joue dans la centrale nippone n’est pas
seulement un accident industriel de première grandeur. C’est, aussi, un
accident de civilisation. Depuis la fin du XIXe siècle, l’Occident s’est
affirmé comme la civilisation techno-scientifique par excellence, proposant ou
imposant au reste du monde un mode de développement fondé sur l’innovation
technologique comme principal moteur de croissance économique. Parce que nous
l’assimilons de manière univoque au progrès humain, le progrès technique
prime sur toute autre considération - politique, sociale, morale -, exception
faite, parfois, des situations dans lesquelles l’humain lui-même devient en
quelque sorte un matériau expérimental (cellules souches, procréation
assistée, etc.).»(5)
«L’Homme en Occident s’est cru invincible vis-à-vis de la nature.
L’idéologie du progrès a ses limites. «Cette prééminence de la
technoscience écrit Stéphane Foucart, repose sur un contrat tacite: la
promesse de domination de la nature et de maîtrise du monde. Car, dans les
opinions occidentales, la technophobie, minoritaire mais émergente depuis
quelques années, tient surtout à la crainte de voir cette promesse non tenue,
à la crainte que les créations techno-scientifiques n’échappent à leurs
maîtres. De fait, le rejet de la technoscience apparaît surtout lorsqu’une
technologie agit de manière invisible, qu’elle porte en elle le risque de
devenir ubiquitaire et qu’elle semble pouvoir s’émanciper de son créateur
ou échapper au contrôle du tout-venant. La technophobie récente concerne
surtout l’ingénierie génétique et les nanotechnologies: ce sont, à chaque
fois, les mêmes ressorts qui sont à l’oeuvre....On s’inquiète aussi
d’une perte de contrôle des individus sur cette matière vivante modifiée,
qui devient, par la grâce des brevets, la propriété de grands groupes
industriels. A Fukushima 1, que voit-on? La matérialisation de toutes ces
craintes, la preuve tangible qu’elles sont fondées: les événements
échappent non seulement à la perception de tout un chacun, mais aussi au
contrôle des élites technoscientifiques. Les coeurs des réacteurs,
partiellement fondus, semblent avoir acquis une sorte de vie autonome. Les mots
le disent: nous sommes entrés en conflit armé avec notre créature. (...) Dans
la centrale japonaise, c’est la promesse de maîtrise du monde et de contrôle
de la nature qui part en fumée. (...) C’est toute la notion occidentale du
progrès humain comme fonction linéaire du progrès que cette catastrophe nous
invite à repenser.»(5)
Pourtant, il existe une possibilité de s’en sortir en tant qu’humain en
allant vers le développement durable, en partageant, en optant pour des
technologies non dangereuses, respectueuses de l’environnement, en allant vers
la sobriété énergétique et la frugalité, en respectant les rythmes de la
nature. Misons sur un avenir apaisé, misons sur le développement durable. Il
ne faudrait plus «maximiser» la croissance, mais le bien-être et le bonheur.
Avec raison en 1997, Pierre Bourdieu, avec sa lucidité coutumière, se posait
la question «des coûts sociaux de la violence économique et avait tenté de
jeter les bases d’une économie du bonheur.» Nous pouvons encore transformer
la menace en promesse désirable et crédible. Mais si nous n’agissons pas
promptement, c’est à la barbarie que nous sommes certains de nous exposer.
L’Humanité est une, elle a pris son essor à partir d’une Eve qui est née
il y a quelques millions d’années dans la Corne de l’Afrique. Que nos
querelles sont vaines!!
1.Le peak oil. Plus de pétrole dans 50 ans, http://petrole/bloglemonde.fr
2011/04:04
2.S.Lendman
http://www.legrandsoir.info/Fukushima-est-entre-en-fusion-c-est-confirme.html
3.Leonardo Boff: Le passage difficile Le Grand soir 26 février 2011
4.M.Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur: Le genre humain, menacé. Le
Monde 2.04.2011
5.Stéphane Foucart: Fukushima, un accident de civilisation 09.04.2011
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
de l’abondance et de la consommation débridée de l’Occident. Cette errance
énergétique a été le paradigme d’une croissance construite sur la
négation de la nature et du développement du tiers monde. Résultat des
courses, des inégalités abyssales en termes de développement de consommation
d’énergie entre le Nord et le Sud. La mondialisation laminoir est en train de
casser les dernières défenses immunitaires des pays vulnérables, d’une
part, en leur soutirant d’une façon ou d’une autre au besoin par une
démocratie aéroportée, leurs ressources énergétiques et minières pour le
plus grand bien d’un capitalisme prédateur et sans état d’âme se jouant
de tout, et de toutes les peurs, dressant les uns contre les autres et en
définitive par cette consommation débridée et dangereuse pour la planète et
les hommes, elle précipite l’humanité vers le chaos.
Un petit nombre d’Etats veut imposer une vision du monde basée sur le
postulat de Hobbes de la guerre de tous contre tous et ceci au nom de la
dictature du marché qui sous-tend un néolibéralisme sauvage qui fait fi des
aspirations des peuples, de leurs identités, de leurs espoirs et de leurs
spiritualités. Rien ne doit s’opposer à la mondialisation néolibérale dont
le moteur est justement l’énergie. Cette énergie consommée d’une façon
débridée et qu’il faut à tout prix avoir au besoin par la force et ceci
pour maintenir un niveau de vie illusoire et intenable. Cela ne se fait pas sans
dommage! Tous les conflits actuels ont comme sous-bassement des conflits pour
l’énergie et accessoirement pour l’idéologie qui est souvent religieuse,du
fait que les deux tiers des réserves pétrolières et la moitié des réserves
de gaz sont dans les pays musulmans. Ceci dit, il se pose un véritable
problème de rupture civilisationnelle avec le mythe de la puissance infinie de
l’homme en face de la nature. Fukushima nous invite à être modeste, car
l’homme a délivré le feu de l’enfer et peine à le maitriser.. les nuages
radioactifs mortels n’ont pas besoin de visa pour cette mort silencieuse et
invisible.
Le déclin du pétrole
Pour ajouter à l’anomie du monde, le déclin inéluctable du pétrole est
en train de bouleverser cet appétit de consommation que rien ne peut satisfaire
Dans ´´49 ans´´, il pourrait ne plus rester de pétrole exploitable sur
Terre,´´même si la demande n’augmente pas´´, prévient la banque HSBC
dans un rapport de prospective publié le 22 mars ´´Nous sommes convaincus
qu’il ne nous reste qu’une cinquantaine d’années de pétrole´´,
insiste, dans une interview accordée à CNBC, par Karen Ward, de senior global
economist(1).
Sadad al-Husseini, un géologue et ancien directeur d’exploration de
l’Aramco, la compagnie de pétrole nationale des Saoudiens, a rencontré le
consul général des USA à Riyadh en novembre 2007 selon un cable diplomatique
publié par WikiLeaks et lui a révélé que la capacité de l’Aramco ne
pourra jamais atteindre la production de 12.5 millions de barils par jour. Selon
ce cable de WikiLeaks, le pic pétrolier de l’Arabie Saoudite est prévu pour
2012 C’est un fait, nous allons inéluctablement vers la fin des énergies
fossiles et notamment du pétrole. Soit on organise cette mutation, soit on la
subit. Les choses vont changer de gré ou de force. Et si c’est de force, par
la raréfaction, les prix vont augmenter très brutalement...L’Occident a
trouvé la parade au manque d’énergie: les biocarburants. Pour cela il affame
les vulnérables en convertissant le maïs. Un plein de voiture (225 kg de
maïs) suffit à nourrir un Sahélien pendant une année. Le mythe des schistes
bitumineux et des hydrates, c’est le bilan énergétique qui prime. La
technologie ne peut changer la géologie des réservoirs. La production imite la
découverte avec un certain retard (5 à 10 ans), mais est contrainte par la
demande Les découvertes mondiales de pétrole ont culminé dans les années 60.
Le pic du pétrole peut être un plateau ondulé si l’économie mondiale entre
en crise, ce qui est probable La production mondiale de gaz [ gaz non
conventionnels compris]culminera après le pétrole, mais une pénurie locale de
gaz est probable en Europe, bien avant la pénurie de pétrole.
Les changements climatiques: le danger permanent
Les émissions de CO2 «ont atteint un niveau dangereux» pour James Hansen,
qui dirige l’Institut Goddard d’études spatiales de la Nasa. Il estime que
le réchauffement climatique plonge la planète dans la crise et que le secteur
énergétique tente d’en cacher l’ampleur au public. «Les émissions de CO2
dans l’atmosphère ont d’ores et déjà atteint un niveau dangereux» à 385
particules par million, ce qui représente un «point critique», a expliqué le
spécialiste du climat. Le réchauffement climatique a accru l’intensité des
pluies diluviennes et des inondations dans l’hémisphère Nord au cours de la
seconde moitié du XXe siècle, selon deux études récentes publiées par la
revue Nature et établissant un lien direct entre le changement climatique et
son impact sur des événements météorologiques extrêmes. Sachant que nous
avons émis en 2010 environ 50 gigatonnes de gaz à effet de serre, cela
signifie que nous devons descendre à 15 gigatonnes d’ici 40 ans pour
empêcher un dérèglement massif du climat. Si la demande mondiale continue à
augmenter au rythme actuel, ni les fossiles, ni le nucléaire, ni les énergies
renouvelables ne pourraient y répondre. Il faudrait les ressources de quatre
planètes. Donc, le premier effort doit porter sur les économies d’énergie,
la réduction très forte de consommation des pays riches.
Le démon de l’atome: une guerre contre l’humanité
Le 6 avril, Reuters a signalé que ´´le noyau du réacteur nucléaire de
Fukushima au Japon est entré en fusion et a traversé la cuve du réacteur´´.
Bien pire, en fait, parce que le matériau du coeur en fusion brûle ensuite de
manière incontrôlée à travers la fondation en béton, ce qui signifie que
tous les paris sont ouverts..(...) En fait, les cartes de radioactivité de
l’Institut norvégien pour la recherche atmosphérique (NILU) confirment une
contamination sur la côte Ouest, le Midwest et l’ouest du Canada, et dans
certaines régions plus élevées qu’au Japon. De I’iode-131 radioactif dans
l’eau de pluie échantillonnée près de San Francisco a été trouvé à plus
de 18.000 fois au-dessus des normes fédérales de l’eau potable. Il fait
aussi son apparition dans le lait. (...) Moret a cité deux éminents
scientifiques en nucléaire qui ont déclaré publiquement que le nord du Japon
(un tiers du pays) est inhabitable et doit être évacué. Le Dr Chris Busby est
l’autre spécialiste des rayonnements ionisants. Le 30 mars, il a dit à la
télévision Russia Today que la contamination de Fukushima causera au moins
417.000 nouveaux cancers.(2)
L’humanité est à un tournant
« Les grandes crises comportent, écrit Leonardo Boff, de grandes décisions.
Il y a des décisions qui signifient la vie ou la mort pour certaines
sociétés, institutions ou personnes. La situation actuelle est celle d’un
malade auquel le médecin dit: ou vous contrôler votre taux élevé de
cholestérol et votre tension ou vous devrez vous attendre au pire. Vous
choisissez. L’humanité entière a de la fièvre et est malade; elle doit
décider: ou bien continuer à un rythme hallucinant de production et de
consommation, garantir toujours la croissance du PIB national et mondial, rythme
hautement hostile à la vie, ou bien regarder en face d’ici peu les réactions
du système-terre qui a déjà donné des signes clairs de stress global.»(3)
«(...) Mais ce que nous craignons, c’est, comme beaucoup de scientifiques
l’annoncent, un changement subit, brusque et radical du climat qui
éliminerait rapidement beaucoup d’espèces et serait un grave péril pour
notre civilisation. Les informations de l’IPPC de 2001 faisaient déjà état
de cette éventualité. Celles de la ´´U.S. National Academy of Sciences´´
de 2002 affirmaient que ´´des preuves scientifiques récentes montrent un
changement climatique accéléré et de grande ampleur. Le paradigme nouveau
d’un changement soudain dans le système climatique est bien établi par la
recherche depuis maintenant 10 ans. (...) Si cela nous arrivait, nous aurions à
affronter une hécatombe environnementale et sociale aux conséquences
dramatiques. (...) Chocs pétroliers à répétition jusqu’à l’effondrement
et péril climatique. Voilà donc ce que nous préparent les tenants des
stratégies de l’aveuglement. La catastrophe de Fukushima alourdira encore la
donne énergétique».(3)
Michel Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur avertissent l’Occident et
sa technologie sur sa fuite en avant: «Ce qui change, disent-ils, radicalement
la donne, c’est que notre vulnérabilité est désormais issue de
l’incroyable étendue de notre puissance. Nos démocraties se retrouvent
démunies face à deux aspects de ce que nous avons rendu disponible:
l’atteinte aux mécanismes régulateurs de la biosphère et aux substrats
biologiques de la condition humaine..(...) Enfermée dans le court terme des
échéances électorales et dans le temps médiatique, la politique s’est peu
à peu transformée en gestion des affaires courantes. Elle est devenue
incapable de penser le temps long. Or, la crise écologique renverse une
perception du progrès où le temps joue en notre faveur. (...) Il est
impossible de connaître le point de basculement définitif vers l’improbable;
en revanche, il est certain que le risque de le dépasser est inversement
proportionnel à la rapidité de notre réaction ».(4)
« Nous ne pouvons attendre et tergiverser sur la controverse climatique
jusqu’au point de basculement, le moment où la multiplication des désastres
naturels dissipera ce qu’il reste de doute. Il sera alors trop tard. Lorsque
les océans se seront réchauffés, nous n’aurons aucun moyen de les
refroidir».(4) Enumérant les conséquences de cet autisme, ils écrivent:
«Les catastrophes écologiques qui se préparent à l’échelle mondiale dans
un contexte de croissance démographique, les inégalités dues à la rareté
locale de l’eau, la fin de l’énergie bon marché, la raréfaction de nombre
de minéraux, la dégradation de la biodiversité, l’érosion et la
dégradation des sols, les événements climatiques extrêmes...produiront les
pires inégalités entre ceux qui auront les moyens de s’en protéger, pour un
temps, et ceux qui les subiront. Elles ébranleront les équilibres
géopolitiques et seront sources de conflits. L’ampleur des catastrophes
sociales qu’elles risquent d’engendrer a, par le passé, conduit à la
disparition de sociétés entières. C’est, hélas, une réalité historique
objective. (...) Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaîtra comme une
possibilité envisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus,
lents et complexes, de délibération. Le stade ultime sera l’autodestruction
de l’existence humaine, soit physiquement, soit par l’altération
biologique. Le processus de convergence des nouvelles technologies donnera à
l’individu un pouvoir monstrueux capable de faire naître des sous-espèces.
C’est l’unité du genre humain qui sera atteinte. Il ne s’agit guère de
l’avenir, L’idéologie du progrès a mal tourné. (...) Les enjeux, tant
pour la gouvernance internationale et nationale que pour l’avenir
macroéconomique, sont de nous libérer du culte de la compétitivité, de la
croissance qui nous ronge et de la civilisation de la pauvreté dans le
gaspillage(4).
Stéphane Foucart s’interroge lui aussi sur l’impuissance de l’homme
vis-à-vis d’une technologie qu’en définitive il ne maitrise pas: «Les
médias en font-ils trop? Ici ou là se lèvent quelques voix pour relativiser
le désastre en cours dans la centrale de Fukushima 1. Ensuite, force est de
reconnaître que d’autres sources d’énergie sont bien plus dangereuses que
l’atome. (...) Car ce qui se joue dans la centrale nippone n’est pas
seulement un accident industriel de première grandeur. C’est, aussi, un
accident de civilisation. Depuis la fin du XIXe siècle, l’Occident s’est
affirmé comme la civilisation techno-scientifique par excellence, proposant ou
imposant au reste du monde un mode de développement fondé sur l’innovation
technologique comme principal moteur de croissance économique. Parce que nous
l’assimilons de manière univoque au progrès humain, le progrès technique
prime sur toute autre considération - politique, sociale, morale -, exception
faite, parfois, des situations dans lesquelles l’humain lui-même devient en
quelque sorte un matériau expérimental (cellules souches, procréation
assistée, etc.).»(5)
«L’Homme en Occident s’est cru invincible vis-à-vis de la nature.
L’idéologie du progrès a ses limites. «Cette prééminence de la
technoscience écrit Stéphane Foucart, repose sur un contrat tacite: la
promesse de domination de la nature et de maîtrise du monde. Car, dans les
opinions occidentales, la technophobie, minoritaire mais émergente depuis
quelques années, tient surtout à la crainte de voir cette promesse non tenue,
à la crainte que les créations techno-scientifiques n’échappent à leurs
maîtres. De fait, le rejet de la technoscience apparaît surtout lorsqu’une
technologie agit de manière invisible, qu’elle porte en elle le risque de
devenir ubiquitaire et qu’elle semble pouvoir s’émanciper de son créateur
ou échapper au contrôle du tout-venant. La technophobie récente concerne
surtout l’ingénierie génétique et les nanotechnologies: ce sont, à chaque
fois, les mêmes ressorts qui sont à l’oeuvre....On s’inquiète aussi
d’une perte de contrôle des individus sur cette matière vivante modifiée,
qui devient, par la grâce des brevets, la propriété de grands groupes
industriels. A Fukushima 1, que voit-on? La matérialisation de toutes ces
craintes, la preuve tangible qu’elles sont fondées: les événements
échappent non seulement à la perception de tout un chacun, mais aussi au
contrôle des élites technoscientifiques. Les coeurs des réacteurs,
partiellement fondus, semblent avoir acquis une sorte de vie autonome. Les mots
le disent: nous sommes entrés en conflit armé avec notre créature. (...) Dans
la centrale japonaise, c’est la promesse de maîtrise du monde et de contrôle
de la nature qui part en fumée. (...) C’est toute la notion occidentale du
progrès humain comme fonction linéaire du progrès que cette catastrophe nous
invite à repenser.»(5)
Pourtant, il existe une possibilité de s’en sortir en tant qu’humain en
allant vers le développement durable, en partageant, en optant pour des
technologies non dangereuses, respectueuses de l’environnement, en allant vers
la sobriété énergétique et la frugalité, en respectant les rythmes de la
nature. Misons sur un avenir apaisé, misons sur le développement durable. Il
ne faudrait plus «maximiser» la croissance, mais le bien-être et le bonheur.
Avec raison en 1997, Pierre Bourdieu, avec sa lucidité coutumière, se posait
la question «des coûts sociaux de la violence économique et avait tenté de
jeter les bases d’une économie du bonheur.» Nous pouvons encore transformer
la menace en promesse désirable et crédible. Mais si nous n’agissons pas
promptement, c’est à la barbarie que nous sommes certains de nous exposer.
L’Humanité est une, elle a pris son essor à partir d’une Eve qui est née
il y a quelques millions d’années dans la Corne de l’Afrique. Que nos
querelles sont vaines!!
1.Le peak oil. Plus de pétrole dans 50 ans, http://petrole/bloglemonde.fr
2011/04:04
2.S.Lendman
http://www.legrandsoir.info/Fukushima-est-entre-en-fusion-c-est-confirme.html
3.Leonardo Boff: Le passage difficile Le Grand soir 26 février 2011
4.M.Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur: Le genre humain, menacé. Le
Monde 2.04.2011
5.Stéphane Foucart: Fukushima, un accident de civilisation 09.04.2011
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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