La lutte contre la crise financière et économique a pris des formes presque grotesques. On évite avant tout d’aborder les origines de la crise. Si on voulait s’attaquer aux origines, il faudrait avouer alors de graves fautes et des erreurs de réflexion et d’action. Ainsi, il se poserait forcément la question de savoir qui sont les auteurs, ce qui leur augmenterait la difficulté de se tirer d’affaire. Ce ne serait alors pas aux citoyens des Etats avec finances encore plus ou moins intactes d’assumer les dommages qui se comptent en milliards d’euros, mais aux auteurs mêmes. L’Allemagne et la France, les colosses de l’UE, se retranchent toujours encore, quelle que soit la raison, derrière les plans de sauvetage de l’euro. Une fois de plus, il s’agit ici aussi d’une tromperie puisque les efforts de sauvetage ne s’adressent pas vraiment aux pays en détresse de la zone euro mais aux banques tombées dans l’impasse.
L’économie financière mondiale est tombée dans une situation extrêmement critique sous le poids des dettes de quelques pays de la zone euro et des Etats-Unis. La crise profonde des pays industriels a des origines multiples: outre une bonne dose d’arrogance au sein de l’élite dominante, un crédo économique des marchés débridés hors contrôle, c’est avant tout l’indicible économie des dettes du soi-disant «premier Monde». Les USA montrent l’Europe du doigt et exigent une solution rapide de la crise de l’euro. Cela avant tout pour détourner l’attention des propres problèmes et avant tout pour sauver une fois de plus le monde financier. Les origines de cette situation critique se trouvent en première ligne aux Etats-Unis (surendettement démesuré) et dans une monnaie commune (euro) mal conçue.
Si l’on veut éviter encore davantage de dégâts, des corrections douloureuses et profondes sont absolument nécessaires. D’ailleurs, on n’évitera de telles corrections ni par du camouflage ni par de l’attentisme. La grande question est de savoir si ces corrections se dérouleront de manière chaotique ou coordonnée. Le monde – à vrai dire l’UE, les USA, mais aussi Madame Merkel et Monsieur Sarkozy, quelques directeurs de banques centrales et le FMI – décidera d’un chaos avec des effets secondaires très désagréables ou d’une gestion de la crise, qui demandera aussi d’énormes sacrifices, mais qui pourtant s’orientera d’après des conditions-cadres d’ordre politique.
Tout d’abord, le principe du pollueur-payeur doit être clairement revalorisé. Les chefs de gouvernements et les représentants des organisations internationales ont à s’en tenir aux faits et doivent cesser de jeter de la poudre aux yeux des citoyens.
Penser l’invraisemblable
Les pays surendettés doivent reprendre leur souveraineté. Ils doivent obtenir la «liberté décisionnelle» en ce qui concerne la maîtrise de leur endettement démesuré. Les budgets d’Etat hors contrôle sont à accepter et à résoudre en tant que problème national. Le fait de surélever la politique de l’endettement national à un niveau européen, voire mondial, empêche la recherche de véritables solutions à la crise de la dette. Les frontières géographiques sont donc une nécessité absolue pour limiter la crise dans l’espace et pour développer et réaliser ainsi des approches de solutions efficaces et réalistes.
Toute jeune forêt doit être protégée contre les dégâts commis par le gibier. Les Etats en situation de crise ne sont rien d’autre que des jeunes forêts qui ont besoin d’une protection particulière. Dans de telles situations dramatiques, les marchés débridés ont perdu depuis longtemps toute justification. La protection et le contrôle sont nécessaires à une reconstruction, qui correspond aux intérêts nationaux et qui est soutenue par les citoyens. C’est une Europe des Etats-nations qui disposera le mieux de la raison et de la force nécessaires pour éviter la chute définitive dans le chaos.
Ni la décote, ni le retrait de la zone euro, ni même peut-être un éventuel retrait des traités européens ou un retour aux monnaies nationales ne doivent rester tabous. La crise financière et économique prend
des dimensions dramatiques, avant tout à cause de la coresponsabilité des pays de la zone euro. L’euro, la monnaie communautaire de l’UE, est depuis sa première heure une chute originelle de la politique monétaire et économique. Une économie nationale ne fonctionne pas quand des déséquilibres de toutes sortes dominent, comme cela est le cas en Europe avec les disparités Nord-Sud et Est-Ouest. Bruxelles tente certes d’équilibrer celles-ci artificiellement au moyen de paiements de transfert; cependant, l’union de transfert de l’UE a depuis longtemps dépassé les frontières de la faisabilité.
Au niveau national, il existe une réelle chance de retrouver la balance entre les recettes et les dépenses, le développement économique et la masse monétaire ou les importations et les exportations, les revenus du travail et les dépenses de la consommation, car une structure relativement réduite permet une politique nationale, économique et monétaire adaptée aux besoins de la population.
Auto-responsabilité pour les Etats en crise
Les Etats en crise doivent obtenir leur indépendance pour pouvoir prendre eux-mêmes la crise des dettes en main. Le fait de vouloir éliminer ses dettes par de nouveaux endettements n’aide que les banques, mais certainement pas les Etats concernés. L’immense montagne de dettes doit être rigoureusement réduite. Cela fait mal, avant tout aux banques créancières. Des programmes d’austérité accompagneront la décote. Les gouvernements devront publier ouvertement leur politique face aux citoyens et prouver, à travers leurs actes, leur sérieux pour négocier dans l’intérêt du pays.
Les créanciers doivent assumer la décote. Cela touche durement les banques. Toutefois, contrairement aux plans actuels de la BCE (Banque centrale européenne), c’est une nécessité actuelle que les banques doivent assumer les conséquences de leur attribution de crédits à haut risque et supporter elles-mêmes les pertes suite à de papiers sans valeurs. Seules les banques impliquées doivent répondre des hauts risques de leurs affaires et non pas les contribuables de pays qui n’y ont guère participé.
Dettes des banques ou des contribuables?
Pourquoi faudrait-il engager de l’argent des contribuables pour financer les spéculations erronées et la mentalité de casino des banques? Tomber en faillite est certainement douloureux pour certaines banques et aura certes des conséquences considérables au niveau de l’économie nationale. Mais qu’est-ce qui est le plus grave? L’effondrement des Etats européens ou celui de quelques banques surdimensionnées? Le réajustement des structures est un événement récurrent dans l’histoire de l’économie. L’industrie textile et l’industrie lourde ont dû passer par là, et un réajustement des structures agricoles sera même forcé au niveau politique. L’économie actuelle des banques et de la finance a dépassé son zénith et doit faire face à un processus d’affaissement. Plus vite ce fait sera accepté, et le véto exprimé contre le commerce autonome du monde financier, du FMI, de la BCE et de quelques représentants de gouvernements et d’autres directeurs à l’écoute de l’économie, plus vite pourra débuter une amélioration de la situation actuelle très menaçante.Les médicaments prescrits par le FMI et la BCE contre l’économie des dettes n’est rien d’autre qu’une lutte contre les symptômes avec des suites tardives incontrôlables. Payer des dettes avec d’autres dettes est une entreprise hasardeuse qui risque bien d’entraîner les économies nationales plus ou moins saines dans le gouffre. Ne faut-il pas préférer la fin de la frayeur à la frayeur sans fin? Autrement dit: pourquoi ne pas accepter une mise en faillite organisée des «économies nationales et des banques malades»? Le plan de sauvetage de l’euro va dans la fausse direction. Il va saigner l’Europe à blanc sans aucune chance de pouvoir résoudre la misère financière et économique. Là-contre, les banques continuent de laver leurs «prêts toxiques» en cédant les risques aux citoyens des pays de la zone euro. C’est uniquement par la souveraineté nationale, l’auto-responsabilité et l’utilisation des connaissances économiques avérées qu’on trouvera – même si c’est douloureux – une issue à la crise financière et économique des divers Etats nationaux autonomes.
Le temps est venu d’opposer un refus univoque au dictat uniforme et néolibéral d’Outre-Atlantique, de l’UE et du FMI. Avec leurs théories et mesures prises (marchés sans limites, mise en marche de la planche à billets), ils ont agi comme l’apprenti-sorcier qui a oublié sa baguette et son dicton, et qui a ainsi perdu tout contrôle des évènements.
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