Le drame de Port-Saïd renseigne sur la fragile transition en Egypte, où l'on évoque une conspiration contre la révolution.
L'Egypte est le théâtre de violentes manifestations à la suite de la mort, mercredi, de 74 personnes dans des violences après un match à Port-Saïd, qui a vu l'équipe locale d'Al-Masry infliger sa première défaite de la saison à Al-Ahly (3-1), club cairote aux innombrables trophées. Ce drame a relancé la contestation contre les autorités et l'incertitude sur la transition. Les mesures prises par les autorités, particulièrement par le Premier ministre égyptien Kamal al-Ganzouri, qui a alors limogé le gouverneur de Port-Saïd Mohamed Abdel Hashem, n'ont pu apaiser les esprits. Le chef de la sécurité de la province, Essam Samak, et le conseil d'administration de la Fédération d'Egypte de football ont également été congédiés. La colère est donc à son comble en terre des Pharaons où l'on croit en une conspiration secrète qui a pour but de maintenir l'actuel pouvoir militaire en place. En effet, ni la vox populi égyptienne ni les observateurs ne croient en la capacité d'une simple rencontre de football de semer le chaos et le trouble. Les Egyptiens ne veulent pas moins la chute du Conseil suprême des forces armées (Csfa), dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, qui fut ministre de la Défense de Hosni Moubarak pendant deux décennies. Selon eux, le funeste match de football n'est que la manifestation d'un vil plan fomenté en vue d'anéantir toute vie politique et consacrer le statu quo. Notamment un état d'urgence dont l'Egypte n'a pu se défaire depuis le règne du président déchu. Les Egyptiens sont, en effet, de plus en plus exaspérés par le pouvoir militaire accusé de violations des droits de l'homme, et réclament depuis des mois la fin des procès de civils devant des tribunaux militaires, une refonte du ministère de l'Intérieur, et le respect des libertés et de la justice sociale. Le régime post-révolution s'est pourtant engagé à maintes reprises à céder ses pouvoirs aux civils après la présidentielle prévue d'ici fin juin. Il avait avancé l'exemple des élections législatives remportées par les islamistes pour preuve de sa bonne foi. Mais cela n'a pas rassuré les citoyens et maintes personnalités et organisations de défense des droits de l'homme estiment que les militaires chercheront à garder certains pouvoirs. Pire, ces nombreux louvoiement font craindre une reconduite de l'état d'urgence sur le territoire égyptien, surtout que les termes du maréchal Hussein Tantaoui demeurent très évasifs à ce propos. Ce dernier a annoncé la «fin de l'état d'urgence partout dans le pays, à l'exception des cas de lutte contre les délits violents», or et alors que la contestation et les troubles qui l'émaillent battent leur plein en pointant une armée aux ordres, il est craint le maintien de plus belle de cette chape de plomb imposée par l'état d'urgence. Le chef du Conseil suprême des forces armées, et à ce titre chef d'Etat de fait, n'ayant jamais été plus précis sur ce que recouvrait exactement la lutte contre la violence. Notons que la loi sur l'état d'urgence a été appliquée sans discontinuer depuis l'assassinat d'Anouar el-Sadate en octobre 1981, par son successeur Hosni Moubarak. Cette lecture du scénario égyptien est d'autant plus pertinente que les «Ultras» d'Al-Ahly, groupe de supporteurs parmi les plus fervents et les plus organisés, ont activement participé à la révolte contre M. Moubarak et pris part aux manifestations hostiles à l'armée et la police, ce qui alimente sur les réseaux sociaux les soupçons d'une «vengeance» contre eux. Cette thèse est par ailleurs appuyée par l'intelligentsia égyptienne. Le drame de Port-Saïd «a eu lieu alors que les services de sécurité sont restés debout sans rien faire, comme ils avaient fait lors d'autres événements, et peut-être ont-ils contribué au massacre», écrit Ibrahim Mansour, un éditorialiste du journal indépendant Al-Tahrir. «Cela s'est passé sous le nez du Conseil militaire, dont le peuple réclame la chute et qui a fait la preuve de son échec», dit-il. En Egypte c'est l'engrenage infernal de la violence qui s'installe.
Hier, des affrontements ont repris entre policiers et manifestants réclamant le départ du pouvoir militaire. Pas moins de cinq victimes ont été recensées à la suite de ces heurts qui ont eu lieu à Suez et au Caire.
Salim BENALIA -
http://www.lexpressiondz.com/internationale/147572-egypte-le-chaos-organise.html
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