«Je montre d’abord que l’état des hommes sans société civile (quel état peut être nommé l’état naturel) est rien sauf «une guerre de tous contre tous» [bellum omnium contra omnes] ; et que, dans cet état, tous ont le droit de toutes choses.»
Hobbes (1651)
Il est courant pour les pays industrialisés de citer d’une façon résignée
voire hypocrite les maux de la planète sans tenter d’y trouver des remèdes
radicaux. Le néolibéralisme sauvage semblable à un train fou que personne ne
peut arrêter semble tenir en laisse les gouvernants occidentaux et broie les
peuples vulnérables aussi bien au Nord qu’au Sud pour la seule religion du
profit, le money-théisme, dénuée de toute morale. Les messes hypocrites de
Davos, les miettes de l’APD ne peuvent cacher la réalité ; il y a de plus en
plus un fossé abyssal entre les riches et les damnés de la Terre. De plus, la
fracture sociale n’est pas seulement entre le Nord et le Sud, elle est aussi
entre les citoyens d’un même pays où les compressions, les besoins de
«flexibilité» de rentabilité jettent sur le bord de la route, les plus
vulnérables que sont les personnes sans qualification, les personnes âgées
et, on l’aura compris, les variables d’ajustement que sont les allogènes.
En 2009, 1,02 milliard d’êtres humains souffrent de la faim dans le monde ;
pour éradiquer ce fléau, il suffirait de seulement 30 milliards de dollars par
an. En comparaison, le budget militaire de base du Pentagone est de 533,7
milliards de dollars pour l’exercice 2010. En 2010, les sociétés françaises
composant l’indice CAC 40, ont réalisé globalement un chiffre d’affaires
de 1262 milliards d’euros, en augmentation de 6,92% par rapport à l’année
précédente. Les bénéfices cumulés des quarante sociétés de l’indice
atteignent 82,5 milliards d’euros, soit 85% de plus que l’année passée. La
rémunération des présidents des entreprises du CAC 40 est repartie à la
hausse en 2009 avec quelque 928.000 euros en moyenne contre un peu plus de
864.000 euros en 2008, indique le cabinet Proxinvest. Par ailleurs, les
institutions financières américaines vont distribuer pour cette année 2010 le
chiffre record de 144 milliards de dollars en seul bonus, primes et
stock-options à leurs dirigeants c’est-à-dire aux responsables de la crise
économique mondiale.
Pour le capitalisme prédateur, tout est bon pour arriver à ses fins, dresser
les uns contre les autres, réveiller les démons de la division identitaire
voire religieuse, tout ceci est du pain bénit. La guerre de tous contre tous
est la stratégie du capital. Même Dominique Strauss-Kahn gardien de
l’orthodoxie ultra-néo-libérale s’inquiète. Il a mis en garde contre les
deux maux essentiels qui entachent l’économie mondiale : le chômage et la
cherté de la vie qui risquent, selon lui, de provoquer des troubles sociaux.
«Sinon, ce sera la guerre» a-t-il clamé. Il a également considéré que la
cherté des produits alimentaires pourrait aussi avoir des conséquences
destructrices chez les populations les plus pauvres. «Le genre de
déséquilibres mondiaux qui précèdent les crises, se manifeste de nouveau».
Dominiqque Strauss Kahn oublie aussi d’ajouter que «20% de la population
mondiale consomme 86% des ressources naturelles, dont la moitié a déjà
disparu en un siècle, (il faudra beaucoup moins de temps pour épuiser le
reste). Non content de piller le bien commun, le modèle économique
néolibéral fondé sur le développement exponentiel, détruit inexorablement
la nature, pervertit les relations humaines, compromet gravement l’avenir des
générations futures.
Phil Flynn, un spécialiste des marchés agricoles à Chicago, affirme sans
ambages, qu’en vérité, «lorsque la FED décide de faire de
l’assouplissement quantitatif, elle exporte de l’inflation vers les marchés
émergents(...) Il n’y a pas de doute qu’un des effets secondaires d’un
dollar faible et de l’assouplissement quantitatif est la hausse des produits
de base. Cela a contribué à créer une poussée haussière pour les
denrées...». Ed Yardeni, un autre professionnel des marchés, proposait
ironiquement dans sa lettre confidentielle qu’il fallait ajouter le nom du
Directeur de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, à la liste des
révolutionnaires, puisque sa politique a provoqué des troubles et des
révolutions dans le monde. «Depuis qu’il s’est prononcé pour un
changement révolutionnaire de politique monétaire le 27 août 2010, lors de
son allocution à Jackson Hole, le prix du maïs, du soja et du blé a augmenté
respectivement de 53%, de 37% et de 24,4% à la clôture des marchés vendredi
dernier.» «L’explosion des prix de l’énergie et de la nourriture se
rajoute à un chômage important dans les pays actuellement frappés par des
émeutes.»(1)
El Moussaoui, analyste financier, désigne lui aussi du doigt Ben Bernanke le
rendant responsable des révoltes du Monde arabe quand il écrit : «Le
renchérissement des prix des matières premières est en train de se diffuser
au reste de la chaîne en affectant les prix au niveau des importations, de la
production des denrées alimentaires, du commerce de gros, du commerce de
détail, jusqu’à faire grimper les prix des produits alimentaires à la
consommation. Selon l’index des prix de la FAO, publié le 3 février à Rome,
les prix ont augmenté pour le septième mois consécutif, pour atteindre 231
points sur l’index établi par la FAO, soit «le plus haut niveau depuis que
la FAO a commencé à mesurer les prix alimentaires, en 1990», indique
l’organisation onusienne. Outre l’influence des perturbations de la météo
(sécheresse en Russie et en Ukraine, inondations en Australie), de la tendance
haussière de la demande en provenance des pays émergents, et la concurrence
des biocarburants, il était prévisible qu’imprimer de la monnaie allait
affaiblir la valeur du dollar et déboucher sur l’inflation. En effet, plus il
y a de monnaie en circulation, plus sa valeur diminue et plus les prix des biens
libellés en cette monnaie augmenteront. Cette inflation est une grande menace
surtout pour les pays à faibles revenus car ils abritent beaucoup de foyers
pauvres qui dépensent plus de la moitié de leurs revenus dans la nourriture,
pratiquement la majorité des pays arabes. Face à la polémique, Bernanke nie
toute responsabilité de la politique de la FED dans l’inflation des produits
alimentaires en désignant comme bouc émissaire, la croissance de la demande en
provenance des pays émergents, notamment la Chine. (...) Il est donc permis de
penser que la politique monétaire irresponsable de Bernanke est en train de
contribuer au remodelage de la scène politique dans le Monde arabe en
provoquant un vent inflationniste soufflant sur les braises des tensions
sociales dans ces pays. Peut-être un mal pour un bien...»(2)
Selon l’index des prix de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture, publié jeudi à Rome, les prix ont
augmenté de 3,4% par rapport à décembre, pour atteindre 231 points sur
l’index établi par la FAO, «le plus haut niveau depuis que la FAO a
commencé à mesurer les prix alimentaires, en 1990», indique l’organisation
onusienne.
Quels sont les autres responsables en dehors de la faiblesse voulue du dollar?
Pour Aurélie Trouvé, coprésidente d’Attac France. «La part des
spéculateurs sur les marchés alimentaires explique en partie la hausse
continue des prix depuis l’été 2010. Les produits alimentaires sont devenus
des actifs financiers comme les autres. On se souvient en 2008 des images des
«émeutes de la faim». Depuis, plus rien ou presque sur nos écrans, même si
le nombre de sous-nutris a bondi et dépassé le milliard. (...) Difficile
également de ne pas souligner le rôle des agrocarburants, qui ont détourné
plus du tiers de la production de maïs des Etats-Unis, l’année dernière.
(...) Mais encore plus que la flambée des prix alimentaires, c’est leur
volatilité qui pose problème. Ces marchés ne répondent pas aux hypothèses
strictes de l’économie néo-classique standard. Demande rigide, variation
aléatoire et difficulté d’ajustement de l’offre, anticipations fausses des
producteurs... pour de multiples raisons, les prix varient de façon extrême et
chaotique. C’est pourquoi, historiquement, quasiment tous les grands pays ont
fortement régulé leurs prix intérieurs pour les stabiliser. »(3)
Mais c’était sans compter sur l’orthodoxie néolibérale, qui a poussé
depuis plusieurs dizaines d’années, sous l’égide de la Banque mondiale, du
Fonds monétaire international et du Gatt (relayé par l’OMC), à démanteler
les outils de régulation des prix alimentaires, dans les pays du Nord comme du
Sud. Désormais, leurs prix s’alignent sur les cours mondiaux. En particulier,
les pays pauvres, soumis aux plans d’ajustement structurel pour rembourser
leur dette, se sont lancés dans la dérégulation de leurs marchés.
Confrontés au dumping des pays riches et à la concurrence des agricultures
étrangères, engagés dans une spécialisation de leur agriculture pour
exporter, ils ont vu leur agriculture vivrière décliner. Une très grande
majorité est devenue importatrice nette de produits alimentaires, donc
dépendante des cours mondiaux. Quand ceux-ci flambent, c’est un drame pour
les populations pauvres urbaines, dont une grande partie du revenu va à
l’alimentation. Et quand ils chutent, c’est un drame pour les paysans. De ce
fait, la part des spéculateurs par rapport aux acteurs commerciaux a explosé.
(...) D’autres causes de la flambée soudaine des prix ont été évoquées,
le FMI soulignant par exemple la croissance de la demande alimentaire dans les
pays émergents, mais qui sont vite démontées dès lors qu’on les confronte
aux indicateurs mondiaux.»(3)
Qu’en est-il des matières premières minérales?
Là encore la lutte est sourde pour la possession de ces produits, 2010 aura
été l’année de toutes les hausses. Faiblesse du dollar, croissance
chinoise, spéculation, raréfaction de l’offre, sont autant de facteurs qui
tirent vers le haut le prix des matières premières. S’agissant des métaux,
on apprend là aussi que les prix ont évolué dans de grandes proportions. La
tonne de nickel a coûté jusqu’à 27.500 dollars avant de retomber à 24.000
dollars. Néanmoins, sur un an, la hausse atteint près de 40%. Les tensions,
sur l’approvisionnement, ont alimenté cette hausse. La crise actuelle
n’aura pas dérogé à la règle : l’once d’or fin a encore augmenté de
25% [elle a atteint 1420$ début mars ]. Il est au plus haut depuis 30 ans. Les
incertitudes sur la reprise continueront, en 2011, d’alimenter la hausse
S’agissant du pétrole, le baril a atteint 118$. Suite aux révoltes arabes
et, notamment la situation en Libye. Mais la hausse n’est probablement pas
terminée. La barre des 150$ pourrait être dépassée en 2011. S’agissant du
cuivre, la demande chinoise a augmenté. Au final, 40% de hausse en un an et un
record : 9700 dollars la tonne. La reprise ne devrait pas apaiser les tensions
sur ce marché : +8% en 2011 selon le consensus.
Pour la Commission européenne, «les matières premières sont des
composantes essentielles des produits de haute technologie et des produits de
consommation courante, tels que les téléphones mobiles, les cellules
photovoltaïques en couches minces, les batteries ion lithium, les câbles à
fibres optiques ou encore les carburants de synthèse. Or, leur disponibilité
est de plus en plus restreinte.(4)
Parmi les 41 minéraux et métaux examinés lors de ce tout premier état des
lieux de l’accès aux matières premières dans l’UE, d’après le groupe
d’experts, 14 matières premières minérales sont d’une importance critique
pour l’Union européenne : l’antimoine, le béryllium, le cobalt, le spath
fluor, le gallium, le germanium, le graphite, l’indium, le magnésium, le
niobium, les métaux du groupe du platine, les terres rares, le tantale et le
tungstène. Les prévisions indiquent que, pour certaines matières premières
critiques, le niveau de la demande en 2030 pourrait être plus de trois fois
supérieur à celui de 2006. En ce qui concerne l’approvisionnement en
matières premières critiques, les risques élevés sont surtout dus au fait
qu’une grande partie de la production mondiale provient essentiellement d’un
cercle restreint de pays, à savoir la Chine, la Russie, la République
démocratique du Congo et le Brésil».(4)
En juin 2010 le projet chinois d’interdire les exportations de matières
premières essentielles appelées «terres rares» dont elle détient 95% dès
2015 est pour les pays occidentaux une source d’inquiétude chez les
fabricants de produits de haute technologie allant des ordinateurs aux batteries
de voitures électriques et aux turbines éoliennes, ont prévenu certains
experts. Le 3 mars 2011, selon certaines sources, des conclusions
confidentielles de l’Organisation mondiale du commerce concernant les limites
d’exportation de la Chine sur les matières premières, ont ouvert la voie à
des contestations formulées par l’UE sur la diminution des exportations de
terres rares chinoises.
Ces pays émergents
Alors que l’Europe tente de s’assurer un accès sans distorsion aux
matières premières pour ses industries, les conflits commerciaux sur les
restrictions à l’exportation constituent des sources de tension croissante au
sein du commerce international. En effet, les pays en développement défendent
leur droit à réduire l’accès du reste du monde à leurs ressources afin de
soutenir le développement de leurs économies nationales. En novembre 2008, la
Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie intégrée sur les
matières premières, proposant trois piliers pour formuler une réponse
politique de l’UE aux différents défis liés à l’accès aux ressources
mondiales : «L’Histoire mondiale fut influencée par des guerres pour les
ressources et la colonisation européenne de l’Afrique s’est opérée en
grande partie pour acquérir un contrôle sur les matières premières», a
expliqué Mogens Peter Carl, l’ancien directeur général de la DG Commerce à
la Commission européenne. Du fait de sa dépendance aux importations, la
stratégie de l’UE sur les matières premières, place un accent particulier
sur la lutte contre les restrictions à l’exportation, ce qui comprend les
taxes, les interdictions d’exporter et la régulation. Le monde assiste déjà
à une guerre des ressources aujourd’hui, a expliqué M.Carl, faisant
référence à une série de conflits commerciaux causés par les restrictions
chinoises quant à l’exportation des terres rares. «La Chine restreint ses
exportations mais permet aux entreprises locales de les utiliser et de les
transformer en produits finis, c’est ce qui est source de conflit.»
L’impérialisme occidental après avoir laminé les plus faibles s’attaque
aux autres, et là il a fort à faire, inexorablement, le barycentre va basculer
vers l’Est. Il est à espérer que les nouveaux maîtres du monde
n’emprunteront pas le même chemin que celui de la mondialisation laminoir. On
peut l’espérer avec les pays émergents, notamment l’Inde et la Chine
pétries d’une sagesse de plus de trois millénaires.
1.http://www.comiterepubliquecanada.ca/
EgypteCestlhyperinflationalimentaire.htm
2.El Moussaoui : Bernanke est-il en train de réussir là où Bush a échoué?
Agoravox 4.03.2011
3.Aurélie Trouvé. http://www.mediapart.fr
/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/140111/flamblee-des-prix-alimentaires-memes-causes-mem14
Janvier 2011
4.Rapport Commission européenne IP/10/752 Bruxelles, le 17 juin 2010
http://ec.europa.eu/enterprise/policies/raw-materials/critical/index_fr.htm
5.Matières premières : Vers une guerre des ressources mondiales? Euractiv 03
mars 2011
Pr Chems Eddine CHITOUR (*)
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
voire hypocrite les maux de la planète sans tenter d’y trouver des remèdes
radicaux. Le néolibéralisme sauvage semblable à un train fou que personne ne
peut arrêter semble tenir en laisse les gouvernants occidentaux et broie les
peuples vulnérables aussi bien au Nord qu’au Sud pour la seule religion du
profit, le money-théisme, dénuée de toute morale. Les messes hypocrites de
Davos, les miettes de l’APD ne peuvent cacher la réalité ; il y a de plus en
plus un fossé abyssal entre les riches et les damnés de la Terre. De plus, la
fracture sociale n’est pas seulement entre le Nord et le Sud, elle est aussi
entre les citoyens d’un même pays où les compressions, les besoins de
«flexibilité» de rentabilité jettent sur le bord de la route, les plus
vulnérables que sont les personnes sans qualification, les personnes âgées
et, on l’aura compris, les variables d’ajustement que sont les allogènes.
En 2009, 1,02 milliard d’êtres humains souffrent de la faim dans le monde ;
pour éradiquer ce fléau, il suffirait de seulement 30 milliards de dollars par
an. En comparaison, le budget militaire de base du Pentagone est de 533,7
milliards de dollars pour l’exercice 2010. En 2010, les sociétés françaises
composant l’indice CAC 40, ont réalisé globalement un chiffre d’affaires
de 1262 milliards d’euros, en augmentation de 6,92% par rapport à l’année
précédente. Les bénéfices cumulés des quarante sociétés de l’indice
atteignent 82,5 milliards d’euros, soit 85% de plus que l’année passée. La
rémunération des présidents des entreprises du CAC 40 est repartie à la
hausse en 2009 avec quelque 928.000 euros en moyenne contre un peu plus de
864.000 euros en 2008, indique le cabinet Proxinvest. Par ailleurs, les
institutions financières américaines vont distribuer pour cette année 2010 le
chiffre record de 144 milliards de dollars en seul bonus, primes et
stock-options à leurs dirigeants c’est-à-dire aux responsables de la crise
économique mondiale.
Pour le capitalisme prédateur, tout est bon pour arriver à ses fins, dresser
les uns contre les autres, réveiller les démons de la division identitaire
voire religieuse, tout ceci est du pain bénit. La guerre de tous contre tous
est la stratégie du capital. Même Dominique Strauss-Kahn gardien de
l’orthodoxie ultra-néo-libérale s’inquiète. Il a mis en garde contre les
deux maux essentiels qui entachent l’économie mondiale : le chômage et la
cherté de la vie qui risquent, selon lui, de provoquer des troubles sociaux.
«Sinon, ce sera la guerre» a-t-il clamé. Il a également considéré que la
cherté des produits alimentaires pourrait aussi avoir des conséquences
destructrices chez les populations les plus pauvres. «Le genre de
déséquilibres mondiaux qui précèdent les crises, se manifeste de nouveau».
Dominiqque Strauss Kahn oublie aussi d’ajouter que «20% de la population
mondiale consomme 86% des ressources naturelles, dont la moitié a déjà
disparu en un siècle, (il faudra beaucoup moins de temps pour épuiser le
reste). Non content de piller le bien commun, le modèle économique
néolibéral fondé sur le développement exponentiel, détruit inexorablement
la nature, pervertit les relations humaines, compromet gravement l’avenir des
générations futures.
Phil Flynn, un spécialiste des marchés agricoles à Chicago, affirme sans
ambages, qu’en vérité, «lorsque la FED décide de faire de
l’assouplissement quantitatif, elle exporte de l’inflation vers les marchés
émergents(...) Il n’y a pas de doute qu’un des effets secondaires d’un
dollar faible et de l’assouplissement quantitatif est la hausse des produits
de base. Cela a contribué à créer une poussée haussière pour les
denrées...». Ed Yardeni, un autre professionnel des marchés, proposait
ironiquement dans sa lettre confidentielle qu’il fallait ajouter le nom du
Directeur de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, à la liste des
révolutionnaires, puisque sa politique a provoqué des troubles et des
révolutions dans le monde. «Depuis qu’il s’est prononcé pour un
changement révolutionnaire de politique monétaire le 27 août 2010, lors de
son allocution à Jackson Hole, le prix du maïs, du soja et du blé a augmenté
respectivement de 53%, de 37% et de 24,4% à la clôture des marchés vendredi
dernier.» «L’explosion des prix de l’énergie et de la nourriture se
rajoute à un chômage important dans les pays actuellement frappés par des
émeutes.»(1)
El Moussaoui, analyste financier, désigne lui aussi du doigt Ben Bernanke le
rendant responsable des révoltes du Monde arabe quand il écrit : «Le
renchérissement des prix des matières premières est en train de se diffuser
au reste de la chaîne en affectant les prix au niveau des importations, de la
production des denrées alimentaires, du commerce de gros, du commerce de
détail, jusqu’à faire grimper les prix des produits alimentaires à la
consommation. Selon l’index des prix de la FAO, publié le 3 février à Rome,
les prix ont augmenté pour le septième mois consécutif, pour atteindre 231
points sur l’index établi par la FAO, soit «le plus haut niveau depuis que
la FAO a commencé à mesurer les prix alimentaires, en 1990», indique
l’organisation onusienne. Outre l’influence des perturbations de la météo
(sécheresse en Russie et en Ukraine, inondations en Australie), de la tendance
haussière de la demande en provenance des pays émergents, et la concurrence
des biocarburants, il était prévisible qu’imprimer de la monnaie allait
affaiblir la valeur du dollar et déboucher sur l’inflation. En effet, plus il
y a de monnaie en circulation, plus sa valeur diminue et plus les prix des biens
libellés en cette monnaie augmenteront. Cette inflation est une grande menace
surtout pour les pays à faibles revenus car ils abritent beaucoup de foyers
pauvres qui dépensent plus de la moitié de leurs revenus dans la nourriture,
pratiquement la majorité des pays arabes. Face à la polémique, Bernanke nie
toute responsabilité de la politique de la FED dans l’inflation des produits
alimentaires en désignant comme bouc émissaire, la croissance de la demande en
provenance des pays émergents, notamment la Chine. (...) Il est donc permis de
penser que la politique monétaire irresponsable de Bernanke est en train de
contribuer au remodelage de la scène politique dans le Monde arabe en
provoquant un vent inflationniste soufflant sur les braises des tensions
sociales dans ces pays. Peut-être un mal pour un bien...»(2)
Selon l’index des prix de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture, publié jeudi à Rome, les prix ont
augmenté de 3,4% par rapport à décembre, pour atteindre 231 points sur
l’index établi par la FAO, «le plus haut niveau depuis que la FAO a
commencé à mesurer les prix alimentaires, en 1990», indique l’organisation
onusienne.
Quels sont les autres responsables en dehors de la faiblesse voulue du dollar?
Pour Aurélie Trouvé, coprésidente d’Attac France. «La part des
spéculateurs sur les marchés alimentaires explique en partie la hausse
continue des prix depuis l’été 2010. Les produits alimentaires sont devenus
des actifs financiers comme les autres. On se souvient en 2008 des images des
«émeutes de la faim». Depuis, plus rien ou presque sur nos écrans, même si
le nombre de sous-nutris a bondi et dépassé le milliard. (...) Difficile
également de ne pas souligner le rôle des agrocarburants, qui ont détourné
plus du tiers de la production de maïs des Etats-Unis, l’année dernière.
(...) Mais encore plus que la flambée des prix alimentaires, c’est leur
volatilité qui pose problème. Ces marchés ne répondent pas aux hypothèses
strictes de l’économie néo-classique standard. Demande rigide, variation
aléatoire et difficulté d’ajustement de l’offre, anticipations fausses des
producteurs... pour de multiples raisons, les prix varient de façon extrême et
chaotique. C’est pourquoi, historiquement, quasiment tous les grands pays ont
fortement régulé leurs prix intérieurs pour les stabiliser. »(3)
Mais c’était sans compter sur l’orthodoxie néolibérale, qui a poussé
depuis plusieurs dizaines d’années, sous l’égide de la Banque mondiale, du
Fonds monétaire international et du Gatt (relayé par l’OMC), à démanteler
les outils de régulation des prix alimentaires, dans les pays du Nord comme du
Sud. Désormais, leurs prix s’alignent sur les cours mondiaux. En particulier,
les pays pauvres, soumis aux plans d’ajustement structurel pour rembourser
leur dette, se sont lancés dans la dérégulation de leurs marchés.
Confrontés au dumping des pays riches et à la concurrence des agricultures
étrangères, engagés dans une spécialisation de leur agriculture pour
exporter, ils ont vu leur agriculture vivrière décliner. Une très grande
majorité est devenue importatrice nette de produits alimentaires, donc
dépendante des cours mondiaux. Quand ceux-ci flambent, c’est un drame pour
les populations pauvres urbaines, dont une grande partie du revenu va à
l’alimentation. Et quand ils chutent, c’est un drame pour les paysans. De ce
fait, la part des spéculateurs par rapport aux acteurs commerciaux a explosé.
(...) D’autres causes de la flambée soudaine des prix ont été évoquées,
le FMI soulignant par exemple la croissance de la demande alimentaire dans les
pays émergents, mais qui sont vite démontées dès lors qu’on les confronte
aux indicateurs mondiaux.»(3)
Qu’en est-il des matières premières minérales?
Là encore la lutte est sourde pour la possession de ces produits, 2010 aura
été l’année de toutes les hausses. Faiblesse du dollar, croissance
chinoise, spéculation, raréfaction de l’offre, sont autant de facteurs qui
tirent vers le haut le prix des matières premières. S’agissant des métaux,
on apprend là aussi que les prix ont évolué dans de grandes proportions. La
tonne de nickel a coûté jusqu’à 27.500 dollars avant de retomber à 24.000
dollars. Néanmoins, sur un an, la hausse atteint près de 40%. Les tensions,
sur l’approvisionnement, ont alimenté cette hausse. La crise actuelle
n’aura pas dérogé à la règle : l’once d’or fin a encore augmenté de
25% [elle a atteint 1420$ début mars ]. Il est au plus haut depuis 30 ans. Les
incertitudes sur la reprise continueront, en 2011, d’alimenter la hausse
S’agissant du pétrole, le baril a atteint 118$. Suite aux révoltes arabes
et, notamment la situation en Libye. Mais la hausse n’est probablement pas
terminée. La barre des 150$ pourrait être dépassée en 2011. S’agissant du
cuivre, la demande chinoise a augmenté. Au final, 40% de hausse en un an et un
record : 9700 dollars la tonne. La reprise ne devrait pas apaiser les tensions
sur ce marché : +8% en 2011 selon le consensus.
Pour la Commission européenne, «les matières premières sont des
composantes essentielles des produits de haute technologie et des produits de
consommation courante, tels que les téléphones mobiles, les cellules
photovoltaïques en couches minces, les batteries ion lithium, les câbles à
fibres optiques ou encore les carburants de synthèse. Or, leur disponibilité
est de plus en plus restreinte.(4)
Parmi les 41 minéraux et métaux examinés lors de ce tout premier état des
lieux de l’accès aux matières premières dans l’UE, d’après le groupe
d’experts, 14 matières premières minérales sont d’une importance critique
pour l’Union européenne : l’antimoine, le béryllium, le cobalt, le spath
fluor, le gallium, le germanium, le graphite, l’indium, le magnésium, le
niobium, les métaux du groupe du platine, les terres rares, le tantale et le
tungstène. Les prévisions indiquent que, pour certaines matières premières
critiques, le niveau de la demande en 2030 pourrait être plus de trois fois
supérieur à celui de 2006. En ce qui concerne l’approvisionnement en
matières premières critiques, les risques élevés sont surtout dus au fait
qu’une grande partie de la production mondiale provient essentiellement d’un
cercle restreint de pays, à savoir la Chine, la Russie, la République
démocratique du Congo et le Brésil».(4)
En juin 2010 le projet chinois d’interdire les exportations de matières
premières essentielles appelées «terres rares» dont elle détient 95% dès
2015 est pour les pays occidentaux une source d’inquiétude chez les
fabricants de produits de haute technologie allant des ordinateurs aux batteries
de voitures électriques et aux turbines éoliennes, ont prévenu certains
experts. Le 3 mars 2011, selon certaines sources, des conclusions
confidentielles de l’Organisation mondiale du commerce concernant les limites
d’exportation de la Chine sur les matières premières, ont ouvert la voie à
des contestations formulées par l’UE sur la diminution des exportations de
terres rares chinoises.
Ces pays émergents
Alors que l’Europe tente de s’assurer un accès sans distorsion aux
matières premières pour ses industries, les conflits commerciaux sur les
restrictions à l’exportation constituent des sources de tension croissante au
sein du commerce international. En effet, les pays en développement défendent
leur droit à réduire l’accès du reste du monde à leurs ressources afin de
soutenir le développement de leurs économies nationales. En novembre 2008, la
Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie intégrée sur les
matières premières, proposant trois piliers pour formuler une réponse
politique de l’UE aux différents défis liés à l’accès aux ressources
mondiales : «L’Histoire mondiale fut influencée par des guerres pour les
ressources et la colonisation européenne de l’Afrique s’est opérée en
grande partie pour acquérir un contrôle sur les matières premières», a
expliqué Mogens Peter Carl, l’ancien directeur général de la DG Commerce à
la Commission européenne. Du fait de sa dépendance aux importations, la
stratégie de l’UE sur les matières premières, place un accent particulier
sur la lutte contre les restrictions à l’exportation, ce qui comprend les
taxes, les interdictions d’exporter et la régulation. Le monde assiste déjà
à une guerre des ressources aujourd’hui, a expliqué M.Carl, faisant
référence à une série de conflits commerciaux causés par les restrictions
chinoises quant à l’exportation des terres rares. «La Chine restreint ses
exportations mais permet aux entreprises locales de les utiliser et de les
transformer en produits finis, c’est ce qui est source de conflit.»
L’impérialisme occidental après avoir laminé les plus faibles s’attaque
aux autres, et là il a fort à faire, inexorablement, le barycentre va basculer
vers l’Est. Il est à espérer que les nouveaux maîtres du monde
n’emprunteront pas le même chemin que celui de la mondialisation laminoir. On
peut l’espérer avec les pays émergents, notamment l’Inde et la Chine
pétries d’une sagesse de plus de trois millénaires.
1.http://www.comiterepubliquecanada.ca/
EgypteCestlhyperinflationalimentaire.htm
2.El Moussaoui : Bernanke est-il en train de réussir là où Bush a échoué?
Agoravox 4.03.2011
3.Aurélie Trouvé. http://www.mediapart.fr
/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/140111/flamblee-des-prix-alimentaires-memes-causes-mem14
Janvier 2011
4.Rapport Commission européenne IP/10/752 Bruxelles, le 17 juin 2010
http://ec.europa.eu/enterprise/policies/raw-materials/critical/index_fr.htm
5.Matières premières : Vers une guerre des ressources mondiales? Euractiv 03
mars 2011
Pr Chems Eddine CHITOUR (*)
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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