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L’État palestinien et l’état de la Palestine

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L’État palestinien et l’état de la Palestine
La Palestine n’est pas un État. Quoi qu’en disent ses partenaires à l’ONU. Mais une éventuelle reconnaissance en tant qu’Etat relancerait la longue marche des Palestiniens vers l’indépendance et la paix.

L’embryon d’État palestinien n’a cessé d’inquiéter, depuis plus de soixante ans. La Cisjordanie, dont la forme suggère étrangement un fœtus, étouffe de plus en plus sous l’occupation, les murs, les postes de contrôles militaires et les colonies israéliennes. Le cordon vital qui la relie à la Bande Gaza a été presque entièrement rongé par un siège qui touche aussi bien le ciment que les médicaments et d’autres biens de première nécessité. Sans parler des bombardements. Cela peut paraître paradoxal mais, c’est justement quand l’enfant à naître est au plus mal que la médecine recommande sa mise au jour dans l’urgence. Le défi, dès lors, ne fait que commencer et on attendra avant de parler d’heureux événement.

Alors, nous voulons un Etat palestinien ? À en juger par les sondages, par le nombre de pays qui se sont ralliés à cette cause, par la quantité de pétitions signées en faveur de l’initiative, oui, l’énorme majorité de ceux qui ont un avis veut un Etat palestinien. Mais nous souvenons-nous de ce que recouvre le concept d’Etat ? Et de ce que désigne la Palestine aujourd’hui ? Dans l’affirmative, l’ambition dépasse largement l’échéance du 23 septembre et la reconnaissance éventuelle de l’ONU.

À ce stade, un retour au dictionnaire n’est pas superflu. Avec une majuscule, l’ « Etat » est, selon le Larousse, une « entité politique constituée d’un territoire délimité par des frontières, d’une population et d’un pouvoir institutionnalisé ». Suit cette note, entre parenthèses : « Titulaire de la souveraineté, il personnifie juridiquement la nation. » Le Petit Robert corrobore, définissant l’État comme une «autorité souveraine s’exerçant sur l’ensemble d’un peuple et d’un territoire déterminés. »

Force est d’observer que la Palestine n’est pas un Etat. C’est pourquoi il faut probablement voir la probable reconnaissance de la Palestine en tant qu’État non comme un constat – qui relèverait d’un extraordinaire aveuglement ou d’une ridicule mauvaise foi – mais comme un objectif ambitieux, réclamant détermination et persévérance.

C’est le mur construit par Israël en travers du territoire palestinien, long de plus de 700 kilomètres et parfois haut de 9 mètres, qui illustre le mieux les entraves posées à la constitution de l’Etat dont les Palestiniens rêvent depuis, au moins, la fin de l’Empire ottoman. Ce mur bétonne un système d’occupation et un processus de colonisation qui, depuis 1967, quadrillent la totalité du territoire palestinien, au mépris des résolutions de l’ONU. La violence, constamment provoquée de part et d’autre, sert de prétexte à ce système, qui ne cesse de la renforcer. Mais les Palestiniens, en (re)demandant la reconnaissance de la Ligne verte, derrière laquelle ils sont réfugiés, ne revendiquent pas plus de 22% de leur aire géographique initiale. Pour la paix, c’est une fenêtre d’opportunité béante.

Le mur, les barbelés, les colonies, les barrages sur les routes et tous les moyens d’occupation demeurent pourtant, avec leur cortège de funestes conséquences. Mécaniquement, tous les indices de santé de la société palestinienne ne cessent de chuter : accès aux hôpitaux, à l’aide humanitaire, au commerce, à l’emploi, aux cultures… Des familles sont séparées, des maisons détruites, des puits inaccessibles, des milliers d’hectares de champs confisqués…

Comment, dans ces conditions, parler d’ « entité politique », de « territoire délimité », d’ « une population », d’un « pouvoir institutionnalisé », d’une « juridiction » et surtout, d’une « souveraineté » ?

Plaider la reconnaissance d’un hypothétique Etat palestinien ne suffit pas. Sauf si cette prise de positon se montre cohérente et se double d’un appel clair à la fin de la colonisation de la Cisjordanie et du siège de Gaza, au partage de Jérusalem, au droit au retour effectif des réfugiés, à la reconnaissance de la Ligne verte en tant que frontière provisoire, au retour des parties à la table des négociations pour redessiner une frontière plus en phase avec l’actualité du terrain (sur le principe d’un échange équitable de territoires), à une volonté sincère de négocier, qui cesse de fixer comme conditions préalables des accords qui ne peuvent, justement, qu’être le fruit de négociations. Si nous voulons un Etat, que ce soit un vrai Etat et un vœu déterminé.

Benjamin Moriamé, journaliste indépendant, chargé d’éducation au développement aux Facultés universitaires namuroises, auteur de « La Palestine dans l’étau israélien. Avant et après le mur » (éditions L’Harmattan, Paris, 2006)

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