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La CEDH se mobilise pour le droit au logement

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La CEDH se mobilise pour le droit au logement

Belle opération de la CEDH qui par un seul et même arrêt (Association Rhino c. Suisse, 11 octobre 2011, no 48848/07) renforce la liberté d’association et les actions militantes défendant le droit au logement, contre la spéculation.

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C’est l’histoire de l’association suisse Rhino, créée en 1988. Rhino comme « Retour des habitants dans les Immeubles Non Occupés » et « Restons Habitants dans les Immeubles que Nous Occupons ». De beaux statuts, et une action déterminée pour occuper des logements vides et y installer des familles,… en toute illégalité heureuse et militante.

Leur fait d’armes a été la prise de 14 appartements, le 9 novembre 1988, pour y installer une cinquantaine de personnes. Les propriétaires ont multiplié les démarches auprès des autorités suisses pour récupérer leurs biens, mais en vain. Ils ont ensuite cherché à vendre, mais se sont vu opposer des contrepropositions d’un niveau très faible. Ils  ont alors lancé une opération de rénovation, mais n’ont pu obtenir l’expulsion, malgré l’invocation du trouble à l’ordre public. Le 22 juin 2006, le Tribunal fédéral a estimé que l’ordre public n’était plus troublé par cette occupation illicite, en raison du laps de temps qui s’était écoulé et des négociations menées par les parties. Les propriétaires devaient tout reprendre à zéro, par la voie civile, de manière individuelle.

Un peu fâchés, les propriétaires ont demandé la dissolution de l’association, qui a été prononcée par le Tribunal fédéral le 10 mai 2007, du fait de son action illicite. Un liquidateur a été nommé le 26 juin 2007, qui a réglé l’affaire « en interne », et le 23 juillet 2007, les propriétaires ont retrouvé leurs beaux appartements.

S’est alors ouverte alors la seconde manche, l’association contestant cette dissolution, et après le rejet de leur demande, les militants de l’association Rhino se sont retrouvés devant la CEDH.

L’importance de la liberté d’association

La possibilité pour les citoyens de former une personne morale afin d’agir collectivement dans un domaine d’intérêt commun constitue un des aspects les plus importants du droit à la liberté d’association, sans quoi ce droit, énoncé par l’article 11, se trouverait dépourvu de toute signification. L’état de la démocratie dans un pays peut se mesurer à la manière dont la législation nationale consacre cette liberté d’association, et dont les autorités l’appliquent dans la pratique (CEDH, Gorzelik c. Pologne ([GC], no 44158/98, du 10 juillet 1998).welcome_home_now_shut_up_and_kiss_me_tshirt_p235055357170868760qn8v_400.jpg

Il existe une relation directe entre la démocratie, le pluralisme et la liberté d’association et seules des raisons convaincantes et impératives peuvent justifier des restrictions à cette liberté (CEDH, Parti communiste unifié de Turquie c. Turquie, 30 janvier 1998).

La Cour a souvent mentionné le rôle essentiel joué par les partis politiques pour le maintien du pluralisme et de la démocratie, mais les associations créées à d’autres fins, notamment « la protection du patrimoine culturel ou spirituel, la poursuite de divers buts sociaux ou économiques, la proclamation et l’enseignement d’une religion, la recherche d’une identité ethnique ou l’affirmation d’une conscience minoritaire » sont également importantes pour le bon fonctionnement de la démocratie. En effet, « le pluralisme repose aussi sur la reconnaissance et le respect véritables de la diversité et de la dynamique des traditions culturelles, des identités ethniques et culturelles, des convictions religieuses, et des idées et concepts artistiques, littéraires et socio-économiques ». Une interaction harmonieuse entre personnes et groupes ayant des identités différentes est essentielle à la cohésion sociale. Il est tout naturel, lorsqu’une société civile fonctionne correctement, que les citoyens participent dans une large mesure au processus démocratique par le biais d’associations au sein desquelles ils peuvent se rassembler avec d’autres et poursuivre de concert des buts communs.
Pas de liberté sans limites…

La liberté d’association n’est toutefois pas absolue et il faut admettre que lorsqu’une association, par ses activités ou les intentions qu’elle déclare expressément ou implicitement dans son programme, met en danger les institutions de l’Etat ou les droits et libertés d’autrui, l’article 11 ne prive pas les autorités d’un Etat du pouvoir de protéger ces institutions et personnes.gingerbread-home-sweet-home.jpg

Néanmoins, l’Etat doit user de ce pouvoir avec parcimonie, car les exceptions à la règle de la liberté d’association appellent une interprétation stricte, seules des raisons convaincantes et impératives pouvant justifier des restrictions à cette liberté. Toute ingérence doit répondre à un « besoin social impérieux ».

… mais les autorités suisses ont dépassé les limites

La dissolution pure et simple de l’association doit être justifiée par des motifs « pertinents et suffisants » et « proportionnée aux buts légitimes poursuivis ».

Le but de la protection des droits d’autrui n’est pas contestable : c’est la volonté des propriétaires de retrouver leurs biens. Mais, la dissolution de l’association, qui est un acte essentiellement juridique, n’a pas résolu, par elle-même, l’occupation jugée illégale des immeubles en cause.

L’autre but  évoqué, à savoir le maintien de l’ordre, n’est pas plus convaincant. Les restrictions à la liberté d’association appellent une interprétation étroite. Or, la dissolution de l’association n’était pas nécessaire pour le maintien de l’ordre, à supposer même, dit la Cour  qu’ « il eût été perturbé par l’association ou ses activités depuis sa création en 1988 ». Ceci passant pour ceux qui voient un trouble à l’ordre public dès que quelqu’un tousse un peu fort.

Enfin, pour que la dissolution puisse être considérée comme proportionnée et nécessaire, le gouvernement doit montrer qu’il n’existait pas d’autre solution (CEDH, Glor c. Suisse, no 13444/04, 30 avril 2009).

Eu égard à la longue tolérance de l’occupation des immeubles par les autorités, ainsi que des buts statutaires de l’association, le Gouvernement suisse n’a pas suffisamment démontré que la dissolution de Rhino, qui a porté atteinte à la substance-même de la liberté d’association, était la seule option permettant de réaliser les buts poursuivis par les autorités.

La CEDH protège les bandits, mais les bandits au grand cœur.  

La CEDH qui reconnait le droit au logement ? C'est pas possible! 


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