Nous ne nous attarderons pas ici dans ce texte sur les interférences étrangères dans la politique ivoirienne car nous savons que chaque gros politicien en a bénéficié à un moment ou à un autre. Non nous voulons parler d’un problème tout aussi important dans la crise ivoirienne, la considération ethnique voire ethnico-religieuse.
A ce sujet il faut discuter avec les ivoiriens de façon intime pour comprendre
certaines choses et certains comportements irrationnels. Ouattara est
considéré comme le candidat des nordistes à juste titre d’ailleurs puisque
selon nos connaissances il est le champion choisi par le Grand Nord pour prendre
le pouvoir en Côte d’Ivoire. Selon ce que nous savons chaque grande groupe en
Côte d’Ivoire rêve de conquérir le pouvoir qui jusqu’en 1999 était
considéré comme étant la chasse gardée des baoulés (ethnie de Houphouët et
de Bédié premiers présidents de la Côte d’Ivoire). Houphouët même pour
conserver le pouvoir a du faire preuve de ce que l’on a appelé « le
clientélisme éclairé »
(http://www.strategic-road.com/pays/pubs/cote_divoire_clientelisme_txt.htm)
histoire de calmer certaines ardeurs. De fait la Côte d’Ivoire n’est et
n’a jamais été un bloc unifié, c’est selon nous même tout à fait le
contraire. Quand un cadre d’un village a un poste de responsabilités il subit
le poids d’attentes que nous qualifierons d’illégitimes mais qui sont
traditionnelles. Il reçoit des demandes de ses « parents » notamment
financières mais aussi de trouver du travail aux gens de son village. De tels
liens ne sont pas propres à la Côte d’Ivoire nous savons que d’autres
peuples en Afrique noire ont ce genre de problèmes. Nos pères ont souvent subi
cette pression intolérable et plusieurs ont entre autres eu des ulcères ou des
maladies cardio-vasculaires à cause de cette pression. Au niveau des
politiciens ce n’est guère différent et quelqu’un comme Ouattara
n’échappe aucunement à ce schéma. Il a été choisi pour être le champion
du Grand Nord l’année 1991 ! Et s’il fut d’abord hésitant il finit par
accepter. Ainsi beaucoup de nordistes voient en lui leur seule chance
d’accéder au pouvoir. Mais le Grand Nord n’est pas un groupe d’enfants de
chœur, d’ailleurs en connaissez-vous des groupes de ce genre qui soit très
démocratiques ? Le Grand Nord a selon nos sources une base ethnique,
principalement des malinkés et des voltaïques mais cela va probablement plus
loin. Voyez ces quelques déclarations :
Ouattara a dit lors d’une visite au nord en 1992 : « Je suis fier d’être
du Nord, de cette grande région du Nord qui faisait partie d’un autre pays,
la Haute-Volta, à un moment donné. La Côte d’Ivoire allait, à l’époque,
de Korhogo à Bobo Dioulasso. Peut-être qu’en l’an 2000, la Côte
d’Ivoire ira encore jusqu’à Niamey. C’est cela l’Afrique, et c’est ce
que nous devons rechercher et non le micronationalisme qui donne une
localisation régionale de la nationalité de la personne. » (quotidien Soir
Info, 1er août 2000)
Le chercheur Coulibaly Tiémoko, quant à lui, analyse la tournée d’ADO au
Nord comme point de départ de sa stratégie national-régionaliste : « [ADO]
commença à courtiser très tôt l’électeur nordiste musulman, allant
jusqu’à effectuer une tournée dans le nord du pays au plus fort de la guerre
de succession avec le dauphin constitutionnel. Plusieurs de ses anciens
ministres ont affiché leur appartenance à ce parti dirigé par Djény Kobina,
un des anciens animateurs de l’aile rénovatrice du PDCI. La propagande du RDR
s’appuie sur deux registres : affirmer la nécessité de la démocratie,
d’élections transparentes, tout en militant pour une alternance dans laquelle
les populations du Nord, qui constituent officiellement plus du tiers, devraient
jouer un rôle essentiel. L’objectif est donc de séduire l’électorat des
“démocrates” et des musulmans du Nord. La question se pose de savoir quel
est l’enjeu majeur : démocratiser le pays ou assurer une alternance politique
à caractère ethnico-religieux ? » (Cf. C. Tiémoko, « Démocratie et
surenchères identitaires en Côte d’Ivoire », dans Politique Africaine n°
58, juin 1995, p. 14.).
Ces ambitions nordistes sont un vrai problème et nous le disons alors que
plusieurs d’entre nous ont des parents nordistes. Nous le disons donc parce
que nous connaissons les attentes qu’ont les membres de l’ethnie de nos
parents par rapport à ceux-ci. D’ailleurs lors de la campagne électorale on
a entendu certains nordistes dire : « c’est notre tour », paroles
évocatrices ! Il faut dire aussi que les nordistes sont frustrés car
apparemment ils estiment avoir été grugés par Houphouët-Boigny.
Dans les années 70 Houphouët aurait laissé entendre aux nordistes qu’ils
pourraient accéder au pouvoir à sa mort. Mais quand ce dernier a positionné
Bédié (un homme de son ethnie, les baoulés) comme président de
l’assemblée national et donc successeur constitutionnel, ces derniers se
seraient sentis floués. Houphouët devait créer semble-t-il un poste de
vice-président et y mettre un nordiste mais il ne le fit pas. Mais quand la
Côte d’Ivoire se retrouva dans les difficultés économiques fin 80, il fit
appel à Alassane Ouattara comme premier ministre (poste qui fut créé à
l’occasion) ce qui calma quelque peu les ardeurs des nordistes ces derniers
pensant qu’ils avaient de nouveau des chances d’accéder au pouvoir à la
mort de celui que l’on nomme « le vieux ». Mais quand à la mort
d’Houphouët, le pouvoir fut vacant certaines forces poussèrent Ouattara pour
qu’il s’empare du pouvoir mais il ne le fit pas. Concernant le Grand Nord,
il y a une charte apparue en 1991
(http://www.cairn.info/revue-outre-terre-2005-2-page-295.htm). Certains
partisans de gbagbo y voient une source de la crise actuelle
(http://claudus.ivoire-blog.com/archive/2010/11/04/c-est-quoi-la-charte-du-nord-quelle-est-son-impact-sur-la-cr.html).
Mais le nord n’est pas le seul à vouloir le pouvoir aussi à notre
connaissance le Grand Ouest le veut aussi et son champion est Laurent Gbagbo.
Cependant Laurent Gbagbo a réussi à bien fédérer au de là de l’Ouest ou
d’ailleurs certaines régions lui sont hostiles. Il a aussi réussi à
s’implanter dans des régions qui sont hostiles à Houphouët pour des raisons
historiques. Houphouët étant accusé d’avoir tué leurs enfants, notamment
quelqu’un comme Ernest Boka
(http://www.monde-diplomatique.fr/1997/09/WAUTHIER/9067 et
http://news.abidjan.net/h/391289.html). Gbagbo sait d’ailleurs tabler sur ses
crimes du premier président ivoirien ! Ne se dit-il pas héritier de Kragbe
Gnagbe du nom de ce « révolutionnaire » guébié qui défia l’autorité
d’Houphouët et qui le paya très cher
(http://lavoixducentre.sosblog.fr/Nouveau-blog-b2/Kragbe-Gnagbe-et-Laurent-Gbagbo-un-combat-commun-contre-les-Baoule-b2-p1.htm)
? Certaines personnes de l’ethnie bété en veulent encore au parti politique
d’Houphouët-Boigny pour ces évènements qui datent pourtant de 50 ans. Donc
il nous semble pertinent de croire qu’il y a une certaine frustration chez
certains bétés qui voient en leur fils Gbagbo l’occasion de prendre leur
revanche. Mais Gbagbo est aussi populaire chez certains akans (peuple du sud-est
de la Côte d’Ivoire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Akans), les akans étant
il faut le dire un groupe complexe. Il y a trois principaux sous-groupes à
savoir : les akans du centre, les akans frontaliers et les akans lagunaires.
Gbagbo lors de l’élection craignait particulièrement le PDCI car il pense
que c’est vraiment le seul parti qui est implanté partout. Le RDR par
exemple, le parti de Ouattara est un enfant du PDCI. Donc PDCI (actuel) plus RDR
c’est la réunification du parti d’Houphouët ce dont ne veut pas Gbagbo.
Ainsi pensait-il que lui face à Ouattara au second tour ce serait plus facile
notamment à cause de la rancœur de beaucoup d’ivoiriens par rapport à
Ouattara considéré entre autres comme le parrain de la rébellion qui a
déchiré la Côte d’Ivoire. Gbagbo tablait aussi sur le fait que Ouattara
était considéré comme un burkinabé, un mossi pour ne pas que les votes se
reportent sur lui. Combien de fois les partisans de Gbagbo et même au de là
n’ont-ils pas dit : « Mossi on ne veut pas ». Durant sa campagne Gbagbo a
joué à fond dessus disant qu’il était le candidat des « vrais ivoiriens
». Un jeu dangereux surtout dans un pays aussi métissé que la Côte
d’Ivoire et un pays où les « bâtards » sont nombreux. Gbagbo lui-même a
un fils métis, Michel Gbagbo qu’il a eu avec une française. Et si on veut
fouiller pour savoir qui est « ivoirien pur » on risque d’avoir de
sérieuses surprises. Mais Gbagbo a axé tout son discours sur cette thématique
de fond de caniveau. On se rappelle aussi que lors de la campagne du second tour
une affiche du RHDP montrait Ouattara assis et Bédié debout. Des dames agni
(groupe akan frontalier voir ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_la_C%C3%B4te_d%27Ivoire)
l’ont très mal pris disant ceci : « comment notre frère (Bédié) peut
être assis alors que son esclave (Ouattara) est debout ? ». En entendant ceci
nous comprîmes que la logique de Gbagbo avait marché notamment chez les
esprits limités. Ainsi beaucoup d’ivoiriens étaient convaincus que cette
logique ethnique allait marcher et ce d’autant plus qu’une autre logique
l’accompagnait, la logique religieuse. Certains d’entre nous, des musulmans
ont clairement entendu des imams appeler à voter Ouattara, un d’entre d’eux
ayant dit ceci : « voter pour celui qui construira beaucoup de mosquées pour
nous ». D’ailleurs un incident a marqué l’un d’entre nous. C’était
lors de la fête de Tabaski (la fête du mouton) qui était en plein dans la
période électorale. Dans la mosquée où Ouattara est allé prier celle de la
Riviera Golf, à la fin de la prière pour cette fête un homme est passé
devant la mosquée avec un t-shirt pro-Gbagbo. Il a failli se faire prendre à
partie par les musulmans principalement nordistes qui sortaient de cette
mosquée et qui ont semble-t-il vu cela comme une provocation. Ça vous donne
une idée de l’atmosphère.
Chez les évangéliques on disait de voter pour Gbagbo car c’était une
question de guerre spirituelle contre les musulmans. En d’autres lieux on
aurait sans doute parlé de croisade. Car certains de ces évangéliques disent
que Ouattara veut islamiser complètement la Côte d’Ivoire et y imposer la
charia (voir ici :
http://gervaisdjidji.over-blog.fr/article-pere-benoit-kouassi-repond-a-dibopieu-ou-est-la-democratie-que-vous-pretendez-defendre-la-cote-d-ivoire-sous-la-refondation-vit-une-vraie-dictature-65453812.html
et Le Pen qui décidément n’en manque pas une :
http://www.europe1.fr/Politique/Le-Pen-influence-musulmane-de-Ouattara-481769/).
Comme si la charia avait été imposée au nord de la Côte d’Ivoire… où
pourtant dit-on le Grand Nord règne allègrement. Discours honteusement
populiste même si nous ne pouvons nier que la prise de position de certains
imams peut faire peur à certains chrétiens du sud. Ainsi certains veulent
faire croire que c’est le nord musulman contre le sud chrétien. Mais en
vérité pas mal de jeunes se fichent de cette logique ethnique, d’autres y
sont sensibles parce qu’ils ont besoin de repères dans un pays qui en manque
cruellement. En vérité les ivoiriens sont en quête d’identité car la Côte
d’Ivoire quoique l’on dise est un pays bâtard et nous le savons créé de
toute pièce. Les ivoiriens forment un bloc hétéroclite avec des populations
qui tirent leur racine de peuples qui s’étendent aussi sur les pays voisins.
Mais les métissages sont nombreux, d’ailleurs nous qui écrivons nous sommes
pratiquement tous des métis. Pour nous le Grand Nord est une notion dépassée
née de la frustration de ne pas avoir obtenu le pouvoir. Quant au clan Gbagbo
que certains y arrêtent de faire valoir leurs frustrations quant à la mort de
certains des leurs sous le règne d’Houphouët, nous les jeunes nous n’en
avons rien à foutre. Nous les jeunes nous pensons au futur, alors si les vieux
politiciens ont fini leur vie qu’ils nous laissent poursuivre la nôtre.
Aujourd’hui une guerre ouverte est en cours entre le camp Gbagbo et le camp
Ouattara. Même ceux qui vomissent ces deux énergumènes sont obligés de subir
cette guerre. N’y a-t-il pas eu de fraudes dans ces élections ? Bien sûr que
si, nous sommes en Afrique, il ne faut pas rêver. Et si dans un pays comme les
Etats-Unis autoproclamée plus grand démocratie au monde on fraude, que dire de
l’Afrique ? Il faudra bien qu’un camp cède d’une manière ou d’une
autre, mais peu importe le camp qui l’emporte notre pays risque d’être
perdant. Qu’attendre en fait de démagogues honteux et qui ne reculent devant
aucun mensonge pour atteindre leurs objectifs ?
Alors certes certains se veulent optimistes du côté de Ouattara disant que
sa coalition est plus représentative de la diversité ivoirienne et comme cette
candidature semble contenter les pays voisins tout ira mieux dans le meilleur
des mondes… Il est vrai que les jeunes cadres que nous connaissons ont voté
majoritairement pour Ouattara car lui parlait d’avenir et non du passé. Et
nous répétons sa campagne électorale a été un modèle du genre en termes de
communication. Certains ont été séduits par le discours de Ouattara mais
n’ont pas voté pour lui parce que c’était le mossi, le parrain de la
rébellion ou encore le « candidat de l’étranger ». Le camp Gbagbo a plus
joué sur la négativité et cela s’est peut-être retourné contre lui. Car
même les résultats donnés par le conseil constitutionnel qui a invalidé les
résultats de plusieurs régions du nord montrent des scores incroyablement
serrés. Comment expliquent-ils que le candidat des « ivoiriens » n’a-t-il
pas fait un raz de marrée au sud par exemple surtout après toute la propagande
anti-Ouattara ? En vérité beaucoup d’ivoiriens ont voté pour le changement
(sans doute comme les américains quand ils ont voté pour Obama). N’en
déplaise à ceux qui ont une approche un peu trop simpliste du microcosme
ivoirien comme beaucoup de partisans de Gbagbo. Car Gbagbo a oublié que
beaucoup d’ivoiriens étaient agacés par beaucoup de choses notamment :
• Son incapacité à assumer ses responsabilités en rejetant tout sur la
guerre
• L’indécence et l’immoralité de son entourage
• Les enquêtes qui ne donnent jamais de résultats
• La corruption qui a atteint des niveaux endémiques
• Les conditions pour intégrer certains corps de métiers (qui ont même
agacé un de ses proches à savoir Mamadou Koulibaly)
• La toute puissante et maffieuse Fesci laquelle jouit d’un soutien
inconditionnel de Gbagbo, soutien qui agace certains policiers et militaires.
En minimisant ce genre de choses il est probable que Gbagbo ait perdu pas mal
de voix. Tout ceci cumulé à sa piètre campagne électorale et à ses
prestations plus que passables à la télé ivoirienne lors des deux tours, la
coupe était pleine. Beaucoup d’ivoiriens sont fatigués de la guerre et les
discours belliqueux du camp Gbagbo en ont agacé plus d’un. Mais le
comportement de Gbagbo est aussi lié à sa culture. Son peuple est connu pour
être un peuple émotionnel et qui ne prend pas grand-chose au sérieux. C’est
aussi un peuple qui a une conception bien étrange de la hiérarchie et du
respect des anciens contrairement aux nordistes et aux akans qui sont des
peuples structurés et très hiérarchisés même si les jeunes sont de plus en
plus égarés. D’après nos sources si Houphouët avait une alliance implicite
avec le nord c’était parce qu’il savait que les nordistes obéissent aussi
aux anciens et à leurs chefs contrairement aux bétés (l’ethnie de Gbagbo
où dit-on c’est la loi du plus fort voir ici :
http://www.lefaso.net/spip.php?article3858). Ainsi selon nos sources Gbagbo ne
comprend que les rapports de force, c’est quelqu’un qui aime aller
systématiquement au clash et qui ne recule que quand il n’a pas le choix.
C’est un peuple que certains qualifient d’anarchiste. Mais de la même
manière qu’il ne faut généraliser avec tous les bétés, certains bétés
et sudistes ont tort de généraliser avec tous les nordistes. Mais
qu’attendre de gens qui vivent quelques fois en vase clos et n’aiment
entendre qu’un seul son de cloche ? La richesse de la Côte d’Ivoire vient
aussi de sa diversité certains ont tendance à l’oublier !
En côte d’Ivoire le problème est une quête de pouvoir saupoudrée de
considérations ethnico-religieuses et d’intérêts étrangers. Peut-être que
ce pays n’est pas mûr pour la démocratie
(http://espacepolitique.revues.org/index894.html) ? Allez-y savoir ! En tout cas
les ambitions communautaires sont un problème car elles se conjuguent avec
hypocrisie, démagogie et mensonges éhontés. Certains diraient que ce n’est
pas différent de la politique dans les pays dits développés, sauf que dans
notre pays c’est plus explosif sans doute donnant raison à Senghor quand il
dit que l’émotion est nègre et la raison est Hélène. Et en Côte
d’Ivoire comme sans doute dans d’autres pays africains au plan politique on
combine le pire des deux mondes, l’occidental et l’africain.
Des ivoiriens qui en ont marre !
certaines choses et certains comportements irrationnels. Ouattara est
considéré comme le candidat des nordistes à juste titre d’ailleurs puisque
selon nos connaissances il est le champion choisi par le Grand Nord pour prendre
le pouvoir en Côte d’Ivoire. Selon ce que nous savons chaque grande groupe en
Côte d’Ivoire rêve de conquérir le pouvoir qui jusqu’en 1999 était
considéré comme étant la chasse gardée des baoulés (ethnie de Houphouët et
de Bédié premiers présidents de la Côte d’Ivoire). Houphouët même pour
conserver le pouvoir a du faire preuve de ce que l’on a appelé « le
clientélisme éclairé »
(http://www.strategic-road.com/pays/pubs/cote_divoire_clientelisme_txt.htm)
histoire de calmer certaines ardeurs. De fait la Côte d’Ivoire n’est et
n’a jamais été un bloc unifié, c’est selon nous même tout à fait le
contraire. Quand un cadre d’un village a un poste de responsabilités il subit
le poids d’attentes que nous qualifierons d’illégitimes mais qui sont
traditionnelles. Il reçoit des demandes de ses « parents » notamment
financières mais aussi de trouver du travail aux gens de son village. De tels
liens ne sont pas propres à la Côte d’Ivoire nous savons que d’autres
peuples en Afrique noire ont ce genre de problèmes. Nos pères ont souvent subi
cette pression intolérable et plusieurs ont entre autres eu des ulcères ou des
maladies cardio-vasculaires à cause de cette pression. Au niveau des
politiciens ce n’est guère différent et quelqu’un comme Ouattara
n’échappe aucunement à ce schéma. Il a été choisi pour être le champion
du Grand Nord l’année 1991 ! Et s’il fut d’abord hésitant il finit par
accepter. Ainsi beaucoup de nordistes voient en lui leur seule chance
d’accéder au pouvoir. Mais le Grand Nord n’est pas un groupe d’enfants de
chœur, d’ailleurs en connaissez-vous des groupes de ce genre qui soit très
démocratiques ? Le Grand Nord a selon nos sources une base ethnique,
principalement des malinkés et des voltaïques mais cela va probablement plus
loin. Voyez ces quelques déclarations :
Ouattara a dit lors d’une visite au nord en 1992 : « Je suis fier d’être
du Nord, de cette grande région du Nord qui faisait partie d’un autre pays,
la Haute-Volta, à un moment donné. La Côte d’Ivoire allait, à l’époque,
de Korhogo à Bobo Dioulasso. Peut-être qu’en l’an 2000, la Côte
d’Ivoire ira encore jusqu’à Niamey. C’est cela l’Afrique, et c’est ce
que nous devons rechercher et non le micronationalisme qui donne une
localisation régionale de la nationalité de la personne. » (quotidien Soir
Info, 1er août 2000)
Le chercheur Coulibaly Tiémoko, quant à lui, analyse la tournée d’ADO au
Nord comme point de départ de sa stratégie national-régionaliste : « [ADO]
commença à courtiser très tôt l’électeur nordiste musulman, allant
jusqu’à effectuer une tournée dans le nord du pays au plus fort de la guerre
de succession avec le dauphin constitutionnel. Plusieurs de ses anciens
ministres ont affiché leur appartenance à ce parti dirigé par Djény Kobina,
un des anciens animateurs de l’aile rénovatrice du PDCI. La propagande du RDR
s’appuie sur deux registres : affirmer la nécessité de la démocratie,
d’élections transparentes, tout en militant pour une alternance dans laquelle
les populations du Nord, qui constituent officiellement plus du tiers, devraient
jouer un rôle essentiel. L’objectif est donc de séduire l’électorat des
“démocrates” et des musulmans du Nord. La question se pose de savoir quel
est l’enjeu majeur : démocratiser le pays ou assurer une alternance politique
à caractère ethnico-religieux ? » (Cf. C. Tiémoko, « Démocratie et
surenchères identitaires en Côte d’Ivoire », dans Politique Africaine n°
58, juin 1995, p. 14.).
Ces ambitions nordistes sont un vrai problème et nous le disons alors que
plusieurs d’entre nous ont des parents nordistes. Nous le disons donc parce
que nous connaissons les attentes qu’ont les membres de l’ethnie de nos
parents par rapport à ceux-ci. D’ailleurs lors de la campagne électorale on
a entendu certains nordistes dire : « c’est notre tour », paroles
évocatrices ! Il faut dire aussi que les nordistes sont frustrés car
apparemment ils estiment avoir été grugés par Houphouët-Boigny.
Dans les années 70 Houphouët aurait laissé entendre aux nordistes qu’ils
pourraient accéder au pouvoir à sa mort. Mais quand ce dernier a positionné
Bédié (un homme de son ethnie, les baoulés) comme président de
l’assemblée national et donc successeur constitutionnel, ces derniers se
seraient sentis floués. Houphouët devait créer semble-t-il un poste de
vice-président et y mettre un nordiste mais il ne le fit pas. Mais quand la
Côte d’Ivoire se retrouva dans les difficultés économiques fin 80, il fit
appel à Alassane Ouattara comme premier ministre (poste qui fut créé à
l’occasion) ce qui calma quelque peu les ardeurs des nordistes ces derniers
pensant qu’ils avaient de nouveau des chances d’accéder au pouvoir à la
mort de celui que l’on nomme « le vieux ». Mais quand à la mort
d’Houphouët, le pouvoir fut vacant certaines forces poussèrent Ouattara pour
qu’il s’empare du pouvoir mais il ne le fit pas. Concernant le Grand Nord,
il y a une charte apparue en 1991
(http://www.cairn.info/revue-outre-terre-2005-2-page-295.htm). Certains
partisans de gbagbo y voient une source de la crise actuelle
(http://claudus.ivoire-blog.com/archive/2010/11/04/c-est-quoi-la-charte-du-nord-quelle-est-son-impact-sur-la-cr.html).
Mais le nord n’est pas le seul à vouloir le pouvoir aussi à notre
connaissance le Grand Ouest le veut aussi et son champion est Laurent Gbagbo.
Cependant Laurent Gbagbo a réussi à bien fédérer au de là de l’Ouest ou
d’ailleurs certaines régions lui sont hostiles. Il a aussi réussi à
s’implanter dans des régions qui sont hostiles à Houphouët pour des raisons
historiques. Houphouët étant accusé d’avoir tué leurs enfants, notamment
quelqu’un comme Ernest Boka
(http://www.monde-diplomatique.fr/1997/09/WAUTHIER/9067 et
http://news.abidjan.net/h/391289.html). Gbagbo sait d’ailleurs tabler sur ses
crimes du premier président ivoirien ! Ne se dit-il pas héritier de Kragbe
Gnagbe du nom de ce « révolutionnaire » guébié qui défia l’autorité
d’Houphouët et qui le paya très cher
(http://lavoixducentre.sosblog.fr/Nouveau-blog-b2/Kragbe-Gnagbe-et-Laurent-Gbagbo-un-combat-commun-contre-les-Baoule-b2-p1.htm)
? Certaines personnes de l’ethnie bété en veulent encore au parti politique
d’Houphouët-Boigny pour ces évènements qui datent pourtant de 50 ans. Donc
il nous semble pertinent de croire qu’il y a une certaine frustration chez
certains bétés qui voient en leur fils Gbagbo l’occasion de prendre leur
revanche. Mais Gbagbo est aussi populaire chez certains akans (peuple du sud-est
de la Côte d’Ivoire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Akans), les akans étant
il faut le dire un groupe complexe. Il y a trois principaux sous-groupes à
savoir : les akans du centre, les akans frontaliers et les akans lagunaires.
Gbagbo lors de l’élection craignait particulièrement le PDCI car il pense
que c’est vraiment le seul parti qui est implanté partout. Le RDR par
exemple, le parti de Ouattara est un enfant du PDCI. Donc PDCI (actuel) plus RDR
c’est la réunification du parti d’Houphouët ce dont ne veut pas Gbagbo.
Ainsi pensait-il que lui face à Ouattara au second tour ce serait plus facile
notamment à cause de la rancœur de beaucoup d’ivoiriens par rapport à
Ouattara considéré entre autres comme le parrain de la rébellion qui a
déchiré la Côte d’Ivoire. Gbagbo tablait aussi sur le fait que Ouattara
était considéré comme un burkinabé, un mossi pour ne pas que les votes se
reportent sur lui. Combien de fois les partisans de Gbagbo et même au de là
n’ont-ils pas dit : « Mossi on ne veut pas ». Durant sa campagne Gbagbo a
joué à fond dessus disant qu’il était le candidat des « vrais ivoiriens
». Un jeu dangereux surtout dans un pays aussi métissé que la Côte
d’Ivoire et un pays où les « bâtards » sont nombreux. Gbagbo lui-même a
un fils métis, Michel Gbagbo qu’il a eu avec une française. Et si on veut
fouiller pour savoir qui est « ivoirien pur » on risque d’avoir de
sérieuses surprises. Mais Gbagbo a axé tout son discours sur cette thématique
de fond de caniveau. On se rappelle aussi que lors de la campagne du second tour
une affiche du RHDP montrait Ouattara assis et Bédié debout. Des dames agni
(groupe akan frontalier voir ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_la_C%C3%B4te_d%27Ivoire)
l’ont très mal pris disant ceci : « comment notre frère (Bédié) peut
être assis alors que son esclave (Ouattara) est debout ? ». En entendant ceci
nous comprîmes que la logique de Gbagbo avait marché notamment chez les
esprits limités. Ainsi beaucoup d’ivoiriens étaient convaincus que cette
logique ethnique allait marcher et ce d’autant plus qu’une autre logique
l’accompagnait, la logique religieuse. Certains d’entre nous, des musulmans
ont clairement entendu des imams appeler à voter Ouattara, un d’entre d’eux
ayant dit ceci : « voter pour celui qui construira beaucoup de mosquées pour
nous ». D’ailleurs un incident a marqué l’un d’entre nous. C’était
lors de la fête de Tabaski (la fête du mouton) qui était en plein dans la
période électorale. Dans la mosquée où Ouattara est allé prier celle de la
Riviera Golf, à la fin de la prière pour cette fête un homme est passé
devant la mosquée avec un t-shirt pro-Gbagbo. Il a failli se faire prendre à
partie par les musulmans principalement nordistes qui sortaient de cette
mosquée et qui ont semble-t-il vu cela comme une provocation. Ça vous donne
une idée de l’atmosphère.
Chez les évangéliques on disait de voter pour Gbagbo car c’était une
question de guerre spirituelle contre les musulmans. En d’autres lieux on
aurait sans doute parlé de croisade. Car certains de ces évangéliques disent
que Ouattara veut islamiser complètement la Côte d’Ivoire et y imposer la
charia (voir ici :
http://gervaisdjidji.over-blog.fr/article-pere-benoit-kouassi-repond-a-dibopieu-ou-est-la-democratie-que-vous-pretendez-defendre-la-cote-d-ivoire-sous-la-refondation-vit-une-vraie-dictature-65453812.html
et Le Pen qui décidément n’en manque pas une :
http://www.europe1.fr/Politique/Le-Pen-influence-musulmane-de-Ouattara-481769/).
Comme si la charia avait été imposée au nord de la Côte d’Ivoire… où
pourtant dit-on le Grand Nord règne allègrement. Discours honteusement
populiste même si nous ne pouvons nier que la prise de position de certains
imams peut faire peur à certains chrétiens du sud. Ainsi certains veulent
faire croire que c’est le nord musulman contre le sud chrétien. Mais en
vérité pas mal de jeunes se fichent de cette logique ethnique, d’autres y
sont sensibles parce qu’ils ont besoin de repères dans un pays qui en manque
cruellement. En vérité les ivoiriens sont en quête d’identité car la Côte
d’Ivoire quoique l’on dise est un pays bâtard et nous le savons créé de
toute pièce. Les ivoiriens forment un bloc hétéroclite avec des populations
qui tirent leur racine de peuples qui s’étendent aussi sur les pays voisins.
Mais les métissages sont nombreux, d’ailleurs nous qui écrivons nous sommes
pratiquement tous des métis. Pour nous le Grand Nord est une notion dépassée
née de la frustration de ne pas avoir obtenu le pouvoir. Quant au clan Gbagbo
que certains y arrêtent de faire valoir leurs frustrations quant à la mort de
certains des leurs sous le règne d’Houphouët, nous les jeunes nous n’en
avons rien à foutre. Nous les jeunes nous pensons au futur, alors si les vieux
politiciens ont fini leur vie qu’ils nous laissent poursuivre la nôtre.
Aujourd’hui une guerre ouverte est en cours entre le camp Gbagbo et le camp
Ouattara. Même ceux qui vomissent ces deux énergumènes sont obligés de subir
cette guerre. N’y a-t-il pas eu de fraudes dans ces élections ? Bien sûr que
si, nous sommes en Afrique, il ne faut pas rêver. Et si dans un pays comme les
Etats-Unis autoproclamée plus grand démocratie au monde on fraude, que dire de
l’Afrique ? Il faudra bien qu’un camp cède d’une manière ou d’une
autre, mais peu importe le camp qui l’emporte notre pays risque d’être
perdant. Qu’attendre en fait de démagogues honteux et qui ne reculent devant
aucun mensonge pour atteindre leurs objectifs ?
Alors certes certains se veulent optimistes du côté de Ouattara disant que
sa coalition est plus représentative de la diversité ivoirienne et comme cette
candidature semble contenter les pays voisins tout ira mieux dans le meilleur
des mondes… Il est vrai que les jeunes cadres que nous connaissons ont voté
majoritairement pour Ouattara car lui parlait d’avenir et non du passé. Et
nous répétons sa campagne électorale a été un modèle du genre en termes de
communication. Certains ont été séduits par le discours de Ouattara mais
n’ont pas voté pour lui parce que c’était le mossi, le parrain de la
rébellion ou encore le « candidat de l’étranger ». Le camp Gbagbo a plus
joué sur la négativité et cela s’est peut-être retourné contre lui. Car
même les résultats donnés par le conseil constitutionnel qui a invalidé les
résultats de plusieurs régions du nord montrent des scores incroyablement
serrés. Comment expliquent-ils que le candidat des « ivoiriens » n’a-t-il
pas fait un raz de marrée au sud par exemple surtout après toute la propagande
anti-Ouattara ? En vérité beaucoup d’ivoiriens ont voté pour le changement
(sans doute comme les américains quand ils ont voté pour Obama). N’en
déplaise à ceux qui ont une approche un peu trop simpliste du microcosme
ivoirien comme beaucoup de partisans de Gbagbo. Car Gbagbo a oublié que
beaucoup d’ivoiriens étaient agacés par beaucoup de choses notamment :
• Son incapacité à assumer ses responsabilités en rejetant tout sur la
guerre
• L’indécence et l’immoralité de son entourage
• Les enquêtes qui ne donnent jamais de résultats
• La corruption qui a atteint des niveaux endémiques
• Les conditions pour intégrer certains corps de métiers (qui ont même
agacé un de ses proches à savoir Mamadou Koulibaly)
• La toute puissante et maffieuse Fesci laquelle jouit d’un soutien
inconditionnel de Gbagbo, soutien qui agace certains policiers et militaires.
En minimisant ce genre de choses il est probable que Gbagbo ait perdu pas mal
de voix. Tout ceci cumulé à sa piètre campagne électorale et à ses
prestations plus que passables à la télé ivoirienne lors des deux tours, la
coupe était pleine. Beaucoup d’ivoiriens sont fatigués de la guerre et les
discours belliqueux du camp Gbagbo en ont agacé plus d’un. Mais le
comportement de Gbagbo est aussi lié à sa culture. Son peuple est connu pour
être un peuple émotionnel et qui ne prend pas grand-chose au sérieux. C’est
aussi un peuple qui a une conception bien étrange de la hiérarchie et du
respect des anciens contrairement aux nordistes et aux akans qui sont des
peuples structurés et très hiérarchisés même si les jeunes sont de plus en
plus égarés. D’après nos sources si Houphouët avait une alliance implicite
avec le nord c’était parce qu’il savait que les nordistes obéissent aussi
aux anciens et à leurs chefs contrairement aux bétés (l’ethnie de Gbagbo
où dit-on c’est la loi du plus fort voir ici :
http://www.lefaso.net/spip.php?article3858). Ainsi selon nos sources Gbagbo ne
comprend que les rapports de force, c’est quelqu’un qui aime aller
systématiquement au clash et qui ne recule que quand il n’a pas le choix.
C’est un peuple que certains qualifient d’anarchiste. Mais de la même
manière qu’il ne faut généraliser avec tous les bétés, certains bétés
et sudistes ont tort de généraliser avec tous les nordistes. Mais
qu’attendre de gens qui vivent quelques fois en vase clos et n’aiment
entendre qu’un seul son de cloche ? La richesse de la Côte d’Ivoire vient
aussi de sa diversité certains ont tendance à l’oublier !
En côte d’Ivoire le problème est une quête de pouvoir saupoudrée de
considérations ethnico-religieuses et d’intérêts étrangers. Peut-être que
ce pays n’est pas mûr pour la démocratie
(http://espacepolitique.revues.org/index894.html) ? Allez-y savoir ! En tout cas
les ambitions communautaires sont un problème car elles se conjuguent avec
hypocrisie, démagogie et mensonges éhontés. Certains diraient que ce n’est
pas différent de la politique dans les pays dits développés, sauf que dans
notre pays c’est plus explosif sans doute donnant raison à Senghor quand il
dit que l’émotion est nègre et la raison est Hélène. Et en Côte
d’Ivoire comme sans doute dans d’autres pays africains au plan politique on
combine le pire des deux mondes, l’occidental et l’africain.
Des ivoiriens qui en ont marre !
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