Le 6 avril, en Italie a commencé le grand entracte – la Libye, l'immigration clandestine, l'économie et le chômage font relâche – présenté sous la forme d'un grand "divertissement" judiciaire pour les Italiens, avec Silvio Berlusconi dans le rôle principal. Le procès de Berlusconi a immédiatement pris une ampleur européenne, voire mondiale. Personne n’avait encore vu autant de journalistes dans le palais de justice de Milan. A cet effet, la grande salle, généralement utilisée pour les cérémonies, a même été ouverte.
La démocratie ou le déshonneur total?
Rappelons qu’il s’agit du début du procès du Rubygate: Silvio Berlusconi est accusé d’avoir eu un rapport sexuel payant avec une mineure et d’avoir tenté par la suite de cacher qui était cette jeune fille en abusant de son pouvoir de premier ministre. La première audience était formelle, et Berlusconi ne s’y était pas présenté, déclarant qu’il avait fixé mercredi la réunion du cabinet sur la Libye. Mais il a promis d’assister aux audiences suivantes.
Lorsqu’on attend à la barre des témoins George Clooney (il a également promis de venir), son épouse mannequin Elizabeth Canalis, des stars du football, des ministres du cabinet, une douzaine de signore & signori "libertins", lorsque le sujet tourne autour du sexe, du pouvoir et de l’argent, il ne faut pas s’attendre à moins d’agitation. L’Italie n’avait encore jamais offert de tels "desserts." Et l’Europe n’en avait encore jamais vu.
On sait plus ou moins de choses sur les accusations portées contre le Cavaliere. Bien sûr, ce n’est pas une très bonne chose quand un premier ministre est "traîné" devant la justice, et tout le pays est la risée du monde entier et ne fait rien d’autre qu’écouter et lire les éléments de l'intrigue: on s'intéresse à ce qui a été dit par qui et à qui, on se demande s'il est passé à l'acte ou s'il a seulement fait des propositions. Ils étaient habillés ou nus, elle était mineure ou majeure? Et combien de fois cela s'est-il produit? Et pour combien d’euros? Et pourquoi on ne le montre pas si tout le monde l’a vu et le sait? Pourquoi Karima El Mahroug (dite Ruby) et le premier ministre "coupable" disent que rien de tel n’a jamais eu lieu, que ce soit pour de l’argent ou non, mais tout le monde dit le contraire?
Lorsqu’on on assiste à toutes ses "tragédies italiennes", la première chose qui vient à l’esprit, ce sont des pensées du genre: comment est-ce possible? Et pourquoi cela est-il possible en Italie, qui plus est avec le premier ministre en exercice, et n’a jamais été observé nulle part ailleurs? Les autres seraient-ils des saints dans une armure de piété et respectant la loi à la lettre?
Berlusconi n’est pas un cadeau, c’est un fait. Extravagant, imposant, haut en couleur, imprévisible, playboy, narcissique, égoïste, arrogant et dieu sait quoi d’autre. Personne d’autre ne pouvait exercer en Italie trois mandats consécutifs de premier ministre - un record absolu. Il n’avait jamais caché qu’il n’était pas un saint et qu’il avait un faible irrésistible pour les jolies filles des Apennins.
Mais qu’en est-il du reste de l’Europe? Notamment en termes de manque de moralité, de corruption et d’abus de pouvoir. D’ailleurs, la dernière accusation est la plus grave. Le premier ministre est accusé d’être intervenu en appelant le commissariat, lorsque Ruby avait été arrêtée par la police, et d’avoir dit qu’elle était la nièce du (ancien) président égyptien Hosni Moubarak et qu’il fallait la relâcher afin d’éviter un scandale diplomatique. Elle a été remise en liberté.
Et lorsque le magistrat milanais tente depuis plus de dix ans ou plus de traduire en justice le premier ministre en poste pour corruption, fraude fiscale, pots de vins, subornation, mensonges, liens avec la mafia et rémunération des services de prostituées mineures, cela montre l’arriération et le pourrissement des autorités italiennes… ou la démocratie avancée de la société italienne. Ou l’un et l’autre? L’Italie est-elle un Etat démocratique ou une entreprise privée, une maison close et une villa de Berlusconi?
A en juger par les actions des juges milanais, la composante démocratique prédomine tout de même dans le pays. Bien que Silvio ait eu le temps de remodeler les lois à son avantage. Mais apparemment, pas toutes.
Ce qui attend Berlusconi
Jugez par vous-mêmes. De toute la longue vie politique et les mandats record de premier ministre, Berlusconi a déjà subi huit procès, et le procès actuel et le plus scandaleux, celui de l’affaire Ruby, est le neuvième. En tout, jusqu’à aujourd’hui 2.500 audiences ont été consacrées aux affaires concernant Berlusconi. Il a rencontré les policiers, les enquêteurs, les procureurs et a témoigné 587 fois. Avant le Rubygate, Berlusconi avait déjà dépensé 175 millions d’euros en frais d'avocats. C’est peu pour un homme dont la fortune s’élève à plus de 4 milliards d’euros.
Dans la majorité des affaires Silvio Berlusconi a été soit acquitté en faisant appel (dans certaines affaires il a interjeté jusqu' à quatre fois appel des verdicts), soit les accusations étaient classées en raison du délai de prescription. La législation italienne est l’une des plus curieuses de l’Europe dans ce sens. En Italie les avocats peuvent retarder le procès pour qu’il dure deux ou trois ans, puis s’arrête en raison du délai de prescription.
Berlusconi affirme qu’il ne partira nulle part avant la fin de son mandat constitutionnel en 2013. Difficile à croire, mais c’est tout à fait possible. L’affaire Ruby pourrait encore se conclure par un non-lieu. La chambre italienne des députés a voté à la veille du procès par la majorité (314 contre 302 voix) pour l’examen par la Cour constitutionnelle de la soumission de l’affaire concernant l’abus de pouvoir de Berlusconi à ce qu’on appelle le tribunal ministériel. Le tribunal ministériel examine les accusations contre les membres du gouvernement pour les abus commis dans l’exercice de leurs fonctions. Les avocats de Berlusconi affirment que c’est ce tribunal qui devrait prendre en charge l’affaire.
Cette même chambre des députés, où Berlusconi possède une faible majorité, mais une majorité tout de même, doit encore donner son accord pour un tel examen avant que le tribunal ne commence à étudier l’affaire.
L’examen de la requête par de la Cour constitutionnelle pourrait demander jusqu’à six mois. Le magistrat milanais n’est pas obligé d’interrompre le procès pendant cette période. Bien que cela se pratique parfois par respect pour les juges constitutionnels. Mais s’il était décidé de déférer l’affaire au tribunal ministériel, les députés pourraient désapprouver cette décision, et les accusations contre Silvio Berlusconi seraient annulées. Et même s’il était condamné pour les deux chefs d’accusation (rapport sexuel avec une mineur pour de l’argent – entre six mois et trois ans, et jusqu’à douze ans pour abus de pouvoir), il n’irait pas en prison. En Italie, après 70 ans, on ne met derrière les barreaux pour ce genre de crimes. Bien que si Berlusconi était condamné à 5 ans, il lui serait interdit de jamais exercer une fonction publique. Or, à presque 75 ans, il compte encore occuper le poste présidentiel.
En résumé, on est assuré d'avoir des nouvelles chaudes en provenance de l’Italie, du moins pendant les six prochains mois.
L’opinion de l’auteur ne correspond pas forcément à celle de la rédaction
La démocratie ou le déshonneur total?
Rappelons qu’il s’agit du début du procès du Rubygate: Silvio Berlusconi est accusé d’avoir eu un rapport sexuel payant avec une mineure et d’avoir tenté par la suite de cacher qui était cette jeune fille en abusant de son pouvoir de premier ministre. La première audience était formelle, et Berlusconi ne s’y était pas présenté, déclarant qu’il avait fixé mercredi la réunion du cabinet sur la Libye. Mais il a promis d’assister aux audiences suivantes.
Lorsqu’on attend à la barre des témoins George Clooney (il a également promis de venir), son épouse mannequin Elizabeth Canalis, des stars du football, des ministres du cabinet, une douzaine de signore & signori "libertins", lorsque le sujet tourne autour du sexe, du pouvoir et de l’argent, il ne faut pas s’attendre à moins d’agitation. L’Italie n’avait encore jamais offert de tels "desserts." Et l’Europe n’en avait encore jamais vu.
On sait plus ou moins de choses sur les accusations portées contre le Cavaliere. Bien sûr, ce n’est pas une très bonne chose quand un premier ministre est "traîné" devant la justice, et tout le pays est la risée du monde entier et ne fait rien d’autre qu’écouter et lire les éléments de l'intrigue: on s'intéresse à ce qui a été dit par qui et à qui, on se demande s'il est passé à l'acte ou s'il a seulement fait des propositions. Ils étaient habillés ou nus, elle était mineure ou majeure? Et combien de fois cela s'est-il produit? Et pour combien d’euros? Et pourquoi on ne le montre pas si tout le monde l’a vu et le sait? Pourquoi Karima El Mahroug (dite Ruby) et le premier ministre "coupable" disent que rien de tel n’a jamais eu lieu, que ce soit pour de l’argent ou non, mais tout le monde dit le contraire?
Lorsqu’on on assiste à toutes ses "tragédies italiennes", la première chose qui vient à l’esprit, ce sont des pensées du genre: comment est-ce possible? Et pourquoi cela est-il possible en Italie, qui plus est avec le premier ministre en exercice, et n’a jamais été observé nulle part ailleurs? Les autres seraient-ils des saints dans une armure de piété et respectant la loi à la lettre?
Berlusconi n’est pas un cadeau, c’est un fait. Extravagant, imposant, haut en couleur, imprévisible, playboy, narcissique, égoïste, arrogant et dieu sait quoi d’autre. Personne d’autre ne pouvait exercer en Italie trois mandats consécutifs de premier ministre - un record absolu. Il n’avait jamais caché qu’il n’était pas un saint et qu’il avait un faible irrésistible pour les jolies filles des Apennins.
Mais qu’en est-il du reste de l’Europe? Notamment en termes de manque de moralité, de corruption et d’abus de pouvoir. D’ailleurs, la dernière accusation est la plus grave. Le premier ministre est accusé d’être intervenu en appelant le commissariat, lorsque Ruby avait été arrêtée par la police, et d’avoir dit qu’elle était la nièce du (ancien) président égyptien Hosni Moubarak et qu’il fallait la relâcher afin d’éviter un scandale diplomatique. Elle a été remise en liberté.
Et lorsque le magistrat milanais tente depuis plus de dix ans ou plus de traduire en justice le premier ministre en poste pour corruption, fraude fiscale, pots de vins, subornation, mensonges, liens avec la mafia et rémunération des services de prostituées mineures, cela montre l’arriération et le pourrissement des autorités italiennes… ou la démocratie avancée de la société italienne. Ou l’un et l’autre? L’Italie est-elle un Etat démocratique ou une entreprise privée, une maison close et une villa de Berlusconi?
A en juger par les actions des juges milanais, la composante démocratique prédomine tout de même dans le pays. Bien que Silvio ait eu le temps de remodeler les lois à son avantage. Mais apparemment, pas toutes.
Ce qui attend Berlusconi
Jugez par vous-mêmes. De toute la longue vie politique et les mandats record de premier ministre, Berlusconi a déjà subi huit procès, et le procès actuel et le plus scandaleux, celui de l’affaire Ruby, est le neuvième. En tout, jusqu’à aujourd’hui 2.500 audiences ont été consacrées aux affaires concernant Berlusconi. Il a rencontré les policiers, les enquêteurs, les procureurs et a témoigné 587 fois. Avant le Rubygate, Berlusconi avait déjà dépensé 175 millions d’euros en frais d'avocats. C’est peu pour un homme dont la fortune s’élève à plus de 4 milliards d’euros.
Dans la majorité des affaires Silvio Berlusconi a été soit acquitté en faisant appel (dans certaines affaires il a interjeté jusqu' à quatre fois appel des verdicts), soit les accusations étaient classées en raison du délai de prescription. La législation italienne est l’une des plus curieuses de l’Europe dans ce sens. En Italie les avocats peuvent retarder le procès pour qu’il dure deux ou trois ans, puis s’arrête en raison du délai de prescription.
Berlusconi affirme qu’il ne partira nulle part avant la fin de son mandat constitutionnel en 2013. Difficile à croire, mais c’est tout à fait possible. L’affaire Ruby pourrait encore se conclure par un non-lieu. La chambre italienne des députés a voté à la veille du procès par la majorité (314 contre 302 voix) pour l’examen par la Cour constitutionnelle de la soumission de l’affaire concernant l’abus de pouvoir de Berlusconi à ce qu’on appelle le tribunal ministériel. Le tribunal ministériel examine les accusations contre les membres du gouvernement pour les abus commis dans l’exercice de leurs fonctions. Les avocats de Berlusconi affirment que c’est ce tribunal qui devrait prendre en charge l’affaire.
Cette même chambre des députés, où Berlusconi possède une faible majorité, mais une majorité tout de même, doit encore donner son accord pour un tel examen avant que le tribunal ne commence à étudier l’affaire.
L’examen de la requête par de la Cour constitutionnelle pourrait demander jusqu’à six mois. Le magistrat milanais n’est pas obligé d’interrompre le procès pendant cette période. Bien que cela se pratique parfois par respect pour les juges constitutionnels. Mais s’il était décidé de déférer l’affaire au tribunal ministériel, les députés pourraient désapprouver cette décision, et les accusations contre Silvio Berlusconi seraient annulées. Et même s’il était condamné pour les deux chefs d’accusation (rapport sexuel avec une mineur pour de l’argent – entre six mois et trois ans, et jusqu’à douze ans pour abus de pouvoir), il n’irait pas en prison. En Italie, après 70 ans, on ne met derrière les barreaux pour ce genre de crimes. Bien que si Berlusconi était condamné à 5 ans, il lui serait interdit de jamais exercer une fonction publique. Or, à presque 75 ans, il compte encore occuper le poste présidentiel.
En résumé, on est assuré d'avoir des nouvelles chaudes en provenance de l’Italie, du moins pendant les six prochains mois.
L’opinion de l’auteur ne correspond pas forcément à celle de la rédaction
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